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Les blés anciens prennent la clef des champs
Sans remettre en cause toutes les variétés modernes, le développement des semences paysannes participe à la biodiversité et à l’évolution de la filière blé-farine-pain.
Le 10 juin, la loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires a autorisé la vente de semences dites paysannes à des amateurs. Interdites jusque-là à la commercialisation, elles s’échangeaient entre organismes, associations et/ou agriculteurs, autorisés par contre à vendre le produit de leur récolte. Le changement de loi (contesté depuis par l’Europe) ne devrait donc pas avoir un gros impact sur la circulation de ces semences non-inscrites au « catalogue officiel des variétés ». « Cela ne va rien changer pour les professionnels », estime Amélie Hallot-Charmasson, animatrice juridique du Réseau Semences Paysannes. « A défaut d’augmenter le volume de production des céréales hors catalogue à court terme, la nouvelle réglementation va leur donner de la visibilité et de la légitimité », espère François Brault de la boulangerie Panifica (Paris 9).
Sélection naturelle
Créé dans les années 1930, le catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France compte 9 000 variétés, dont un certain nombre de céréales panifiables, « sélectionnées suivant des critères de distinction, d’homogénéité, de stabilité et de valeur agronomique technologique environnementale », précise Isabelle Goldringer, directrice de recherche à l’Inrae. Les espèces ont donc longtemps été jugées en priorité sur leur rendement, au détriment parfois du goût et de la biodiversité. « Une hausse de circulation des semences paysannes pourrait contribuer à la diversification des saveurs, du champ au fournil », poursuit la chercheuse. Les meuniers et artisans n’ont d’ailleurs pas attendu la loi pour s’y intéresser, paysans-boulangers en tête, à l’image d’Antoine Tiercelin de la Ferme du Bois du Treuil à Saint-Saturnin-du-Bois (17). Depuis 2006, il cultive une quinzaine de variétés anciennes (Rouge de Bordeaux, du Lot, etc.), mélangées pour un blé dit de population, obtenu par sélection naturelle et adapté au terroir local, le tout écrasé et panifié sur site.

Pains plus digestes
« Moins panifiables que les variétés modernes, ces blés anciens nécessitent un travail particulier avec un façonnage à la main et une pousse en bac », explique le boulanger. A la clef : « Des pains plus digestes, avec du goût et une meilleure conservation. » A force de tests, François Brault a obtenu de bons résultats à partir de farines issues de semences paysannes : « Qualité, couleur, goût… Ces pains « super » spéciaux sont irréalisables par les industriels. Une chance pour les artisans ! » Toutes les céréales anciennes ne se valent pas pour autant. D’où l’intérêt du savoir-faire meunier pour séparer le bon grain de l’ivraie. Entre autres, les Moulins Bourgeois et Viron se sont lancés dans les semences paysannes sur des petits volumes. « Vu le prix élevé de ces blés, du fait de leur moindre rendement, cela reste une micro niche », note Luc Peinturier, responsable de la filière bio aux Moulins Bourgeois. « Ce modèle ne sera viable que si le consommateur suit », ajoute Alexandre Viron des moulins du même nom. Ce qui implique tout un travail pédagogique en magasin pour justifier le prix du pain.
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