Au pied du pic-Saint-Loup, un sommet de l’Hérault situé au nord de Montpellier, Pierre et Régis ont installé leur boulangerie. Isolé en zone rurale, entre garrigue et vignes, l’emplacement est superbe. Ils travaillent dans un bâtiment restauré du XVIIe siècle. Ce choix suit une stratégie à la fois familiale et commerciale : « Nous souhaitions privilégier notre qualité de vie, être loin de la ville, et faire des pains bio pour les habitants des villages », explique Pierre Monroval. Ce podologue, spécialiste de la posture, a décidé de changer de vie en 2017, à la naissance de son premier enfant. Régis Passet, également devenu papa, a entamé la seconde moitié de sa vie professionnelle. Ingénieur hydrographe, il travaillait à bord des plateformes pétrolières à l’étranger. Il a choisi de laisser ce métier exaltant pour être davantage disponible et proche des siens. Les deux copains qui se côtoyaient à Montpellier avaient chacun des souvenirs d’enfance liés au pain. De la gourmandise et de l’envie d’entreprendre. Ils ont décidé de se former au métier après avoir rencontré un artisan boulanger. Encore fallait-il trouver un local.
Régis Passet a longtemps travaillé sur les plateformes pétrolières avant de devenir artisan boulanger. A. Valois
Lumière et espace
En sillonnant les routes de son département, Pierre s’arrête à Cazevieille (un village à 17 km au nord de Montpellier). Il rencontre le propriétaire d’une ruine, le vigneron Jean-Marc Ravaille. Ces deux-là parlent le même langage, et l’affaire est vite conclue. Ils s’entendent sur la transformation d’anciennes écuries en fournil et point de vente. À Cazevieille et Saint-Gély-du-Fesc, la commune voisine située à 5 km de la sortie de Montpellier, la population a des revenus tout à fait respectables. Les deux mairies appuient de leurs vœux l’installation du nouveau commerce.
Les travaux durent trois ans. Pierre et Régis organisent les pièces où ils vont travailler : à l’étage, un laboratoire de 60 m2, avec un sanitaire et une douche. Un monte-charge communique avec le rez-de-chaussée (50 m2) qui comprend le four, le stockage et un coin boutique de 15 m2. « Pour plus de confort, nous avons séparé la partie pétrissage-façonnage de la partie chauffe. À l’étage, les fenêtres apportent de la lumière naturelle, et des vues très agréables sur l’horizon et la campagne », indiquent les entrepreneurs.
La gamme de pains est courte, les boulangers ne proposent que cinq à six pains différents. A. Valois
Une gamme sobre
Régis part en formation à Noyers-sur-Jabron en 2018, et Pierre l’année suivante. Ils apprennent les tours de main et la gestion d’une entreprise à l’École internationale de la boulangerie. Le duo ouvre en 2020 sa boulangerie, Les Co’Pains du Pic, dans une maison de campagne. Ils communiquent sur les réseaux sociaux, mais surtout répondent à un vrai besoin. En fin de confinement, quand le marché de Saint-Gély-du-Fesc les accueille, les clients font la queue. La vendeuse Mélanie tient la boutique de Cazevieille deux après-midi par semaine et le samedi toute la journée. Pour équilibrer le chiffre d’affaires, les pains sont déposés dans une épicerie fine, chez un fromager, et des restaurateurs leur en commandent. Les Co’Pains du Pic ne multiplient pas les recettes. Ils se concentrent sur les pains à succès. Leur campagne au levain de seigle, à la croûte épaisse, la mie bien alvéolée et la mâche agréable, est leur best-seller. Peu acide, il plaît beaucoup. La version grainée incorpore à la même pâte des graines toastées de courge, de tournesol et de lin brun et doré. Ils préparent seulement trois pains spéciaux, un méteil (50 % blé, 50 % seigle sur levain de seigle), la fameuse recette allemande aux six graines qu’ils se sont appropriée et un pain riz-sarrasin aux graines et au thym cueilli localement.
Les boulangers de Cazevieille pratiquent la pousse en bac. A. Valois
La pousse en bac. A. Valois
Ingrédients bio français
Régis est très attentif à l’approvisionnement. Pas question pour lui de se servir dans des catalogues de fournisseurs bio si les provenances des produits sont trop floues. Il a choisi du seigle bio français, des farines de blés bio obtenues sur meule de pierre authentique, à la minoterie familiale Marty du moulin de Castanié (Aveyron). Les graines proviennent aussi d’Occitanie, excepté les graines de courge qui arrivent du Berry. Le sucre de betterave est bio et français. Il sert à la préparation de leurs cookies, sablés et brioches. Florent, un des deux salariés, a pris en charge le réassort des commandes. Les quatre boulangers font leur pâtes en bac. Ils sortent 350 à 400 pains par jour en deux cuissons, la première à 7 heures (fermentation longue) et la seconde vers midi (en direct). « Un beau pain, bien dessiné et bien croûteux, c’est comme une œuvre d’art. C’est à la fois très simple et très compliqué », résume Pierre.
Repères
> Ouverture : mars 2020
> Superficie : 125 m2
> Effectif : 4 boulangers et une vendeuse (pour la vente et la livraison), une embauche prévue en 2022
> Adresse Internet : lescopainsdupic@gmail.com
Des pains à la mie bien alvéolée A. Valois
Ils ont appris le métier à l’Ecole internationale de boulangerie. A. Valois