Il n’y a « jamais un menu sans foin » au restaurant étoilé d’Hubert Nobis, à La Ferrière-aux-Étangs (Orne). Le chef décline de l’entrée au dessert cet ingrédient local et 100 % naturel, dont le parfum « rappelle l’été ». « Il y a un a priori sur le foin, observe-t-il. Pourtant il dévoile des saveurs entre la vanille et la fève de tonka, avec un côté herbacé… C’est la vanille de Normandie ! » En dessert, il travaille le foin en infusion pour en faire de la glace ou de la pannacotta agrémentée de rhubarbe et de fraise. « Son parfum est très volatil, prévient-il. Il faut gérer le temps d’infusion et la température de façon à ne pas tomber dans une amertume désagréable. De plus, il faut savoir s’adapter car le foin peut être plus ou moins vert, plus ou moins sec, et ses saveurs seront différentes. »
Couper le foin à la maturité appropriée et le faire sécher rapidement sont des étapes-clés pour garantir sa qualité. B. Lafeuille
Parfum de fleurs alpines
Le foin utilisé par ce chef étoilé est le même que celui que consomment les vaches d’Alain et Michel, ses fournisseurs, éleveurs bio à Saint-Fraimbault(1) (Orne). Il est séché en grange, ce qui préserve sa qualité. Les éleveurs le vendent en brins ou en poudre en divers conditionnements, avec des recettes élaborées en partenariat avec des chefs comme Hubert Nobis. Ils innovent en permanence : « En ce moment, nous réalisons des essais de biscuits avec de la poudre de foin », indique l’éleveur ornais Alain Delangle. Un autre foin réputé est celui de la plaine de Crau (Bouches-du-Rhône), qui bénéficie d’une AOP. C’est le préféré de Jean-Pierre Labonde, à la tête de l’entreprise Le Plantivore (Hautes-Alpes). « Ce foin de prairie naturelle a une flore riche, souligne-t-il. Comme c’est un produit vivant, il varie d’une récolte à l’autre et donne à mes produits des saveurs légèrement différentes. » Il en fait du sirop et de la gelée. « Je laisse infuser le foin toute la nuit puis je filtre, colle à l’agar-agar et mets en pot », résume l’artisan. Sa gelée de foin révèle un parfum de fleurs alpines et de fenouil. « Elle accompagne des fromages, agrémente les yaourts et elle est excellente sur une crêpe, affirme-t-il. Et un chef peut s’amuser à créer de nombreuses recettes avec. »
La tarte au foin-amande de la pâtisserie des frères Dorner, à Lyon. B. Lafeuille
Le foin, les frères Dorner ne vont pas le chercher très loin. « On a grandi dedans », s’amusent à dire Gauthier et Maxime, qui se servent directement à la ferme de leur frère agriculteur (lequel n’en fait pas commerce). Dans leur boutique lyonnaise, les deux pâtissiers aiment sublimer les produits du terroir. « Le foin est difficile à travailler car il a à la fois beaucoup de goût et pas assez, confie Maxime. Il faut le laisser infuser juste assez pour avoir un goût mielleux mais pas terreux. » Pari réussi dans leur tarte foin-amandes, où la mousse parfumée au foin se pose comme une caresse sur le biscuit tendre et la crème aux amandes. « Les clients étaient hésitants, admet Gauthier. Mais quand on l’a enlevée, ils nous l’ont réclamée ! »
Le pain au foin
Le chef Hubert Nobis travaille avec un boulanger qui élabore un pain au foin. « Parfumé à la poudre de foin, ce pain est intéressant pour accompagner des huîtres ou du foie gras, ou pour faire des croûtons, qui sont parfaits dans un bouillon », illustre-t-il.
D’abord hésitants, les clients ont plébiscité la tarte foin-amande des frères Dorner, et son coeur de crème aux amandes. B.Lafeuille
(1) Renseignements et commande : www.degustonfoin.fr