Percheron d’origine, Anthony Jahandier a repris l’exploitation familiale, la ferme du Haut d’Huit à Condé-sur-Huisne (Orne), en 2010 : 180 hectares de terres agricoles vallonnées, à la croisée de plusieurs terroirs, le Maine au sud, le bocage normand à l’ouest et la plaine de la Beauce à l’est. Il y cultive traditionnellement du blé, de l’orge et du colza, ce trio « présentant un schéma classique, avec semis en octobre et récolte l’été suivant, en juillet ou août selon les années », précise l’agriculteur qui a décidé de se convertir au bio en 2016 pour une production sans traitement chimique. Dans la même logique durable, il a opté pour une diversification culturale, en semant du maïs, du tournesol, du sarrasin… et également des légumineuses, lentilles vertes en tête, cette culture convenant à des petites terres légères comme la sienne, puis des pois chiches et de la féverole. Une démarche soutenue par le Parc naturel régional du Perche, territoire d’ancrage de son exploitation, qui souhaite développer la production ainsi que la consommation locale de ces sources de protéines végétales. Réputées pour leur capacité à fixer l’azote, les légumineuses participent à la fertilisation naturelle et à la biodiversité des sols. D’où leur intérêt dans la rotation des cultures, qui permet d’augmenter ses rendements tout en préservant l’environnement.
Cultures de printemps, les lentilles sont exposées aux aléas climatiques. L. Allafort
2021 : un mauvais cru
Une pratique adoptée par Anthony Jahandier qui alterne, par exemple, sur une parcelle luzerne, colza, blé, légumineuses, blé, tournesol et ainsi de suite. Pour optimiser ses terres et minimiser les risques, il travaille aussi en culture associée : lentilles-cameline ou féverole-blé par exemple. Le constat est plus aléatoire concernant les rendements. Cultures de printemps, récoltées à la fin de l’été, les lentilles ou les pois chiches sont davantage exposés aux aléas climatiques : gelées tardives, stress hydrique, puis sécheresse estivale. Avec son printemps humide et son été en demi-teinte dans le Nord-Ouest, l’année 2021 s’annonce comme un très mauvais cru. « Globalement, tout le monde fait moins », déplore Anthony Jahandier, qui affiche une récolte de deux quintaux, bien loin des huit-dix attendus. Le bilan n’est pas franchement meilleur côté pois chiches. « Seule la féverole s’en tire mieux cette année », relève celui qui réfléchit à diversifier les usages de cette légumineuse mal connue, au-delà de la traditionnelle valorisation dans l’alimentation animale. Autre complexité des lentilles, liée aux petits calibres des graines abritées par deux dans des gousses plates : le tri après récolte. À la ferme du Haut d’Huit, un premier nettoyage rudimentaire est réalisé sur l’exploitation avec un séparateur à grille, puis affiné au trieur optique en prestation extérieure. Moins laborieux à trier du fait de leur plus grosse taille, les pois chiches peuvent cependant nécessiter une phase de séchage avant tri et stockage.
Le pois chiche, comme les autres légumineuses, permet de fixer l’azote de l’air.
L. Allafort
Le rendement des pois chiches varie d’une année sur l’autre.
L. Allafort
Débouchés à développer
Après la question des rendements agricoles se pose aussi celle de la rentabilité économique et donc des débouchés offerts aux légumineuses, à développer pour assurer et augmenter la production. Localement, le Parc naturel régional du Perche s’emploie à structurer toute la filière et à promouvoir les légumineuses auprès des consommateurs et des acteurs professionnels de la restauration, commerciale et collective, scolaire notamment. À l’instar d’une trentaine de producteurs bio du territoire, Anthony Jahandier fait partie du collectif percheron, né en 2009 pour livrer en direct les produits de ses membres à des groupes de « consomm’acteurs » parisiens. Déjà en contact avec des moulins, il distribue également ses légumineuses via une coopérative et en vrac au Chardon, le magasin de producteurs bio du Perche, basé à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). Encore une histoire de diversification au sein de laquelle les meuniers et boulangers ont leur rôle à jouer en introduisant les légumineuses dans leur gamme.