La Toque Magazine : Depuis un an, vous êtes l’un des rares, si ce n’est le seul céréalier français, à transformer vos céréales en boissons végétales. Quelle est la particularité de votre gamme ?
Nicolas Estrade (N. E.) : Je cultive en effet des céréales et des légumineuses en agriculture biologique, intégralement transformées dans un atelier à la ferme. Le produit que j’ai développé est innovant car il est 100 % fermier et naturel, basé uniquement sur le grain. J’utilise tout le potentiel des céréales pour créer du corps et de la texture sans emploi d’additifs ou d’auxiliaires technologiques. Dans l’industrie, on prend généralement la matière première sous forme de farine ou flocons et on ajoute une demi-douzaine d’enzymes pour faciliter l’extraction des sucres. Ces enzymes ne figurent pas sur l’étiquetage car elles ne sont pas classées comme additifs : ce sont des produits naturels qui se dégradent après avoir joué leur rôle. Des additifs sont aussi utilisés couramment pour donner de la texture au produit fini. Ce procédé consistant à casser la matrice puis à la reconstituer avec des additifs coûte moins cher. Mais sur le plan nutritionnel, il est bien plus intéressant d’exploiter toutes les propriétés des céréales.
Comment procédez-vous ?
N. E. : Ma boisson d’avoine est composée de deux fractions. Je fais malter une partie des grains chez un malteur artisanal. Cette germination stimule la production d’enzymes, tout en éliminant les facteurs antinutritifs présents dans les céréales complètes. Ensuite, l’avoine maltée est brassée dans de l’eau chaude, comme pour fabriquer une bière. Les enzymes libérées vont extraire les sucres et dissoudre les tanins et polyphénols, ce qui donnera les arômes. Parallèlement, une autre partie de mon avoine est décortiquée et moulue sur meule de pierre. L’assemblage des deux fractions de céréales donne une boisson avec du corps et des arômes, comportant des fibres et moins de 2 % de sucres.
Je procède exactement de la même façon pour le jus d’épeautre. Pour le soja, qui contient plus de matière grasse et moins de sucre, il n’y a pas de maltage pour éviter le rancissement. Les jus sont ensuite stérilisés et conditionnés, et se conservent un an.
À quelles utilisationsse prêtent-elles ?
N. E. : Ce sont des boissons peu sucrées au vrai goût de céréales, qui se prêtent très bien à une utilisation en cuisine. Attention : elles n’ont pas du tout les mêmes propriétés nutritionnelles que le lait, concernant les teneurs en protéines, matières grasses et minéraux. Mais elles présentent une texture assez similaire, ce qui permet de les substituer au lait de vache dans de nombreuses préparations : crêpes, gaufres, garniture de tartes… L’avoine est bien adaptée à la pâtisserie sucrée, le soja aux préparations salées car il est plus neutre en goût.
Pour satisfaire la restauration collective et les pâtissiers professionnels qui s’intéressent à ces produits, je suis en train de mettre en place des conditionnements de 20 l, en plus des bouteilles en verre consignables. Et la gamme va prochainement s’enrichir de crèmes de cuisine (toujours sans additifs) et d’autres boissons à base de millet et de sarrasin.