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Chez Grégoire, la pâtisserie sans gluten
Contraint de revoir son alimentation à 20 ans, Grégoire a imaginé des desserts sans gluten ni lactose dans sa cuisine d’étudiant. Un blog et un livre ont précédé l’ouverture de sa pâtisserie.
NB : Cet article publié dans le magazine comportait de grosses erreurs. La version corrigée de l’article est disponible ci-dessous, et la rédaction de La Toque Magazine est désolée de ne pouvoir réparer l’erreur sur la version papier.
Chez Grégoire, on entre pour goûter un dessert artisanal et gourmand. La cerise sur le gâteau ? Tout est fabriqué sans gluten ni lactose. Car une intolérance alimentaire n’est pas une étiquette infamante. « Ne pas pouvoir manger comme tout le monde est très excluant », témoigne celui qui l’a vécu.
Dans sa boutique, on peut choisir un gâteau à partager, sans crainte que l’un des convives ne laisse sa part.
En 2013, à vingt ans, Grégoire Vandenesch, déjà intolérant au lactose, découvre son hypersensibilité au gluten. Un coup dur. « Etudiant à Rouen, l’un de mes plaisirs était de découvrir de nouvelles pâtisseries chaque week-end, raconte-t-il. Or il n’y avait pas d’offre sans gluten ni lactose. » Pour retrouver ce plaisir peu onéreux, il doit mettre la main à la pâte. « Sur internet, il y avait des recettes compliquées nécessitant différentes farines, des ingrédients rares, des ustensiles spéciaux… J’ai tenté de réaliser des recettes plus accessibles. »
Ses amis goûtent tout et l’incitent à créer un blog. Amateur de photo, l’étudiant occupe ses week-ends avec ses deux passions : « je créais la recette puis la photographiais avant de la partager ». Trois ans plus tard, le blog rassemble soixante recettes et reçoit 30 000 visites par mois. Puis Grégoire a envie de « quelque chose de plus concret ». Lui qui voit dans les livres de cuisine un objet d’art est tenté d’en créer un.
Sans notion d’édition et sans budget, il se lance le défi de l’autoédition – tout en poursuivant ses études par un master d’entreprenariat, dans l’idée vague « d’ouvrir quelque chose ». Une campagne de crowdfunding réunit 300 précommandes : assez pour imprimer un premier lot de 500 livres sans emprunt. Il s’est vendu à ce jour en 2 500 exemplaires.
Rassurer les banques
A l’intérieur, 19 recettes tirées du blog et onze exclusives (1). « Toutes sont faciles à réaliser chez soi », souligne le pâtissier autodidacte. Des entremets et desserts plus sophistiqués sont proposés dans sa boutique ouverte à Lyon, sa ville natale, en 2019. « Je n’ai pas de diplôme de pâtissier, mais le blog et le livre ont rassuré les banques, sourit Grégoire. Et une nouvelle campagne de crowdfunding, offrant des pâtisseries en contrepartie, m’a permis de réunir un apport personnel. » Le succès a été immédiat. L’augmentation régulière des ventes a conduit à renforcer l’équipe, passée de deux à cinq personnes.
La gamme de dix recettes évolue au fil des saisons. « Un renouvellement fréquent incite les clients à revenir pour tester les nouveautés ou regoûter les gâteaux avant qu’ils quittent la carte », constate Grégoire.
En tête des ventes, la tarte au citron est talonnée par le paris-brest. Ce dernier, à base de crème et lait de riz et d’un praliné riche en noisettes, s’avère plus léger et aussi gourmand que la version originale. Est-ce pour cela que la boutique attire 40 % de clients ne souffrant pas d’intolérance alimentaire ?
La farine de riz remplace le blé à la base de toutes les recettes. Dans les pâtes à tarte, elle est mariée à de la poudre d’amandes. Dans les choux et chouquettes, de la farine de pois chiche apporte du goût. Les pains contiennent 85 % de farine de riz et 15 % de sarrasin.
Dans le cake au citron, la farine de maïs apporte couleur et tenue : plus fine que celle de riz, elle donne plus d’onctuosité. « 97 % des ingrédients sont bio pour faciliter la chasse aux allergènes, poursuit Grégoire, mais la certification coûte trop cher… » Impossible donc de vendre ses produits aux magasins bio, pourtant demandeurs.
Surcoûts
La gamme comporte toujours quelques desserts sans fruits à coque ou vegan – même parmi les bûches de Noël. « C’est un défi de mixer ces contraintes, sourit Grégoire. Mais je souhaite que personne n’entre ici sans trouver au moins un dessert adapté à son régime. Par contre, on n’utilise pas de sucres spéciaux : ce serait impossible de garder des tarifs abordables. »
Déjà, la volonté de s’aligner sur les prix des pâtisseries classiques pèse sur la marge. « La farine de riz bio coûte 3€/kg, contre 0,65 € pour une bonne farine de blé, illustre-t-il. Mais on ne peut pas vendre nos gâteaux trois fois plus cher ! »
La lutte contre le gaspillage, déjà portée par des raisons éthiques, n’en est que plus cruciale. La plupart des gros gâteaux sont réalisés sur commande. « On doit limiter la production pour éviter tout gaspillage, car aucun dessert ne repasse le lendemain : tout est frais, souligne Grégoire. On a donc habitué nos clients à passer commande ou réserver pour éviter toute frustration ! »
Les rares invendus font le bonheur des salariés ou des commerçants voisins, contribuant aux bonnes relations. D’ailleurs, les recettes zéro-gaspi imaginées par Grégoire sont restées dans les tiroirs… faute d’invendus.
L’expédition de gâteaux dans toute la France est proposée depuis un an. Elle ne représente que 3 % du chiffre d’affaires, mais tend à augmenter. « Cela permet de garder le lien avec une communauté de gens qui sont loin mais qui sont souvent des clients fidèles, explique Grégoire.
On ajoute un petit mot dans chaque colis. Avec Chronopost, ils partent à 14 heures et sont livrés
le lendemain avant 13 heures. »