La renaissance du cacao martiniquais

Séchage des fèves après fermentation. Laboratoire de Thomas Lemonnier, créateur de la marque aux Anses-d'Arlet.

Depuis plusieurs années, l’association Valcaco œuvre au développement d’une filière cacao durable, éthique et qualitative en Martinique. Des chocolatiers installés en métropole participent à relancer cette production.

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Installés à Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques, les maîtres chocolatiers Cyril Pouil et Ronan Lagadec – alias Monsieur Txokola – travail­lent en bean to bar des fèves d’exception soigneusement sourcées, issues de différentes origines : Sao Tomé, Inde, Pérou, Équateur… et, depuis peu, de la Martinique, dans le cadre d’une collaboration avec l’association Valcaco. Fondée en 2015, celle-ci vise à relancer et à développer la filière marti­niquaise du cacao, « une culture historique de l’île, les premiers cacaoyers ayant été implantés par les Amérindiens », indique Kora Bernarbé, la présidente de Valcaco. Au XVIIe siècle, sont produites jusqu’à 10 000 tonnes de cacao — denrée plébiscitée par la cour de Louis XIV — dans les Antilles françaises, dont 6 000 tonnes en Martinique. Par la suite, cette culture va décliner, jusqu’à quasiment disparaître au xxe siècle.

© Barbara Guicheteau - Séchage des fèves après fermentation. Laboratoire de Thomas Lemonnier, créateur de la marque aux Anses-d'Arlet.

Un profil aromatique métissé

En 2012, un programme est lancé pour « fédérer les différents acteurs  particuliers, institutions, producteurs et transformateurs de cacao –, localiser les anciennes cacaoyères, et mener une étude variétale pour la reconnaissanc­e d’une signature aromatique martiniquaise », explique Kora Bernarb­é.

Peu à peu, la filière se structure et se professionnalise. Des arbres sont replantés et des formations mises en place, « notamment sur la fermentation des fèves, étape clé pour développer tous les arômes futurs du chocolat ».

En 2017, un atelier transitoire est créé pour le traitement des fèves par micro-terroir, car le cacao martiniquais se distingue par un profil aromatique métissé en fonctio­n des territoires et des cultivars – au nombre de sept dans l’île, qui compte trois variétés de fèves et des hybrides naturels. « La production de cacao se concentre à 70 % dans le Nord, au climat tropical humide, le Sud étant plus sec », note Nicolas Chapek, responsable technique de Valcaco, qui réunit aujourd’hui une quarantaine de producteurs travaillant sans intrants, et à 90 % en agroforesterie, pour préserver l’environnemen­t.

Une tablette à 72 % de cacao

En 2022, tous respectent un même cahier des charges dans une logique coopérative, pour un cacao de qualité, éthique et parfaitement tracé, « depuis le jour et le lieu de la récolte », observe Kora Bernarbé. D’où un coût relativement élevé (lire encadré).

L’an dernier, Monsieur Txokola a transformé 100 kg de fèves martiniquaises en 1 000 tablettes vendues 10 € l’unité, contre 6 € pour les autres origines. « Un prix justifié et compris par nos clients, souligne Ronan Lagadec. En boutique, cela nous permet d’ailleurs de faire de la pédagogie sur l’approvisionnement et le travail du cacao. »

Avec son associé, Cyril Pouil, il a choisi de travailler les fèves de Valcaco dans une tablette à 72 % de cacao, avec du sucre de canne de Martinique et un peu de beurre de cacao « pour le côté onctueux ». Et de préciser : « Ce cacao est acidulé et fruité avec des notes chaudes, de pruneau-­raisin sec un peu, mais sans être très marqué sur une saveur particulière. »

© Barbara Guicheteau - Première tablette à 72 % de cacao et sucre de canne de Martinique, signée du chocolatier basque M. Txokola, pour l'association Valcaco.

Un chocolat qui interpelle et séduit

À Bayonne, leur tablette interpelle et séduit. Idem pour le lot confié à Valcaco, destiné à la promotion du cacao martiniquais sur les marchés et les salons, dont celui du chocolat à l’automn­e dernier.

Au-delà de ces tablettes exclusives, l’association commercialise déjà des fèves marchandes auprès de plusieurs chocolatiers et/ou couverturiers, dont les frères Lauzéa, ambassadeurs des Antilles.

En ce début d’année, Monsieur Txokola s’apprête à transformer un nouveau lot de cacao martiniquais. Il provient de trois micro-­terroirs différents « pour nuancer les profils aromatiques ».

Basé aux Anses-d’Arlet, dans le Sud-Ouest de l’île, le choco­latier autodidacte Thoma­s Lemonnie­r valorise déjà cette parcellisation, indépendamment de Valcaco, en collectant des cabosses auprès de parti­culiers. Dans son laboratoire, il procède à la fermentation, au séchage, puis au travail des fèves. Résultat : une collection d’une dizaine de tablettes de chocolat cru (non torréfié) à 72 % de cacao portant le nom et exprimant le terroir de leur commune d’origine. Depuis 2021, il les commercialis­e en direct et en métropole, via un réseau de revendeurs, sous la marque Otantik Chocolat, avec des coproduits — comme une tisane aux écorces de fèves, une pâte à tartiner, et un singulier vinaigre de cacao.

À l’avenir, Valcaco souhaite également mettre l’accent sur cette parcellisation pour révéler toutes les subtilités du cacao martiniquais. Autres projets : la labellisation Agriculture Biologique pour l’ensemble des producteurs, l’obtention d’une Appellation d’Origine Protégée, et la mise en place d’une unité mutualisée de transformation pour la production de couvertures en Martinique, avec le soutien technique de Monsieur Txokol­wa.

D’ici à vingt ans, l’association espère totaliser 400 hectares de cacaoyers replantés, pour une production annuelle comprise entre 300 et 400 tonnes de cacao tricolore d’exception.

© Barbara Guicheteau - Écabossage. Habitation Céron, dans le nord de la Martinique.

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