L’Aura : une boulangerie-école pour devenir employable
Créée il y a sept ans pour répondre aux besoins de recrutement des artisans, L’Aura forme 50 personnes par an. L’originalité de la démarche est qu’une boutique intégrée permet de placer les apprenants en conditions réelles.
« L’épreuve du CAP demande aux candidats de préparer un kilo de pâte à croissant. Ici, nous leur en demandons huit et nous les laissons faire de A à Z, des pesées jusqu’au four, en les guidant au début. C’est l’avantage d’apprendre en conditions réelles. Au magasin, nos clients sont compréhensifs. Et si les croissants sont un peu petits, nous en donnons deux pour le prix d’un », explique Luc Dessemon. Cet artisan boulanger-pâtissier de la Drôme est formateur en boulangerie et pâtisserie à la boulangerie-école L’Aura de Chabeuil (Drôme), à 15 km à l’est de Valence. Il est aussi responsable de la production vendue toute l’année.
“Nous formons, nous produisons, nous vendons” est-il résumé sur la vitrine. Et sur la porte du magasin, on peut lire : “Bienvenue dans notre école. Le pain et les pâtisseries sont réalisés par les élèves, qui évoluent au cœur de ce qui sera, plus tard, leur univers de travail.”
Ce matin, Cécilia, en apprentissage vente, et Sylvie sa formatrice, servent les clients qui affluent dès l’ouverture à 7 heures. La vitrine est déjà remplie de viennoiseries, de pains spéciaux et de baguettes, qui sont très appréciés. En bas de l’escalier, s’activent au fournil quatre boulangers encadrés par Anthony, leur formateur ; et, au labo pâtissier, trois femmes préparent des desserts sous la supervision de Manon, une ancienne élève devenue formatrice.
S’habituer à la cadence
L’École l’Aura a sept ans d’existence. Ce centre de formation d’apprentis (CFA) de la région Auvergne-Rhône-Alpes accueille uniquement des personnes en reconversion professionnelle : « Des gens motivés, souvent des passionnés qui n’ont pas pu aller vers le métier d’artisan boulanger-pâtissier, considéré dans les années quatre-vingt-dix comme une voie de garage », explique Marianne Coquoin, responsable du pôle formation.
Et des artisans réellement motivés, la profession en a besoin. L’École l’Aura a vu le jour en 2016 justement parce qu’une boulangerie de Saint-Péray (Ardèche) n’arrivait pas à recruter de nouveaux salariés fiables. Pour les fondateurs de l’école, il est essentiel que les candidats au CAP soient mis en condition réelles, qu’ils apprennent à travailler à la cadence qu’exige une production quotidienne. Pour s’exercer, ils passent tous au four. En entreprise, c’est plus rare. Les quatre associés sont Emmanuel Coquoin et Serge Villeneuve, issus du monde de l’emploi et de la formation ; François Ielpo, boulanger et chef d’entreprise ; et Norbert Le Riguer, meunier de l’entreprise familiale la Maison François Cholat, les Grands moulins de Thuile.
Fabriquer des pains spéciaux
Près de la réserve de sacs de farine ce matin, justement, Christophe est au four. Il dépose sur le tapis des pâtons de multigraines. Puis, calmement, le quinqua défourne les baguettes et les monte au magasin pour les faire refroidir sur l’échelle. Christophe termine sa carrière dans une centrale de production d’EDF. Il a ensuite l’intention de faire du pain surtout pour le plaisir. Akim s’occupe de rafraîchir le levain et de façonner les tourtes de seigle. Son projet à lui est de s’installer en tant qu’artisan boulanger en Algérie.
À la diviseuse, Manu prépare les pâtons qui deviendront, sous ses mains agiles, des baguettes. Motivé par sa fille qui suit une formation en pâtisserie, il se régale à fabriquer des pains de toutes sortes : « Avec Anthony et Luc, nous avons fait des pains norvégiens, viking, travaillé des farines de khorasan, de châtaigne, de petit épeautre et même testé les croissants bicolores », raconte Manu, enthousiaste. Le dernier du quatuor de boulangers est Hugues. Il officie ce matin au laminoir, sous le regard attentif de Luc. Chez lui, les gestes du tourage sont déjà bien installés. Hugues travaillera en entreprise dans un premier temps.
L’école accompagne ses élèves. Ils doivent trouver un emploi ou créer leur entreprise : « Nous avons des comptes à rendre aux organismes financeurs », précise Marianne Coquoin.
Enseigner et produire
Côté labo de pâtisserie, Manon supervise le travail de Victoria, Mina et Perrine, qui préparent des gâteaux pour le magasin. Millefeuilles, tartelettes aux pommes confites, entremets au chocolat : les jeunes femmes s’appliquent à être précises. Pour assurer le nombre de desserts qui devront être mis en vitrine dans la matinée, Manon ne peut se contenter du travail de ses élèves. Elle prend en charge une bonne partie des préparations.
À tous les candidats au métier, il sera nécessaire d’acquérir l’efficacité, la rapidité et la créativité pour être rentables chez un employeur. Certains abandonnent en cours de route — trois cette année, pour des raisons physiques.
Le magasin de L’école L’Aura a ainsi plusieurs fonctions : offrir aux élèves la possibilité de s’immerger dans le rythme réel de la production d’une boulangerie-pâtisserie, qui doit vendre au maximum ce qui est produit pour éviter les pertes.
L’erreur faisant partie de l’apprentissage, quand il y a des ratés rattrapables, les enseignants donnent des astuces pour éviter le gaspillage des marchandises. Ces professionnels font en sorte de satisfaire les clients de Chabeuil et alentour. Ils préparent parfois des commandes spéciales et, pendant la période de Noël, assurent toute la production tandis que leurs élèves sont en stage à l’extérieur.