Nicolas Multon, orfèvre du chocolat
Chef pâtissier dans un prestigieux restaurant alsacien, il fabrique son propre univers de sculptures en chocolat ; créant une passerelle entre son métier et la cristallerie, activité emblématique de cette région des Vosges du Nord.
À 43 ans, la boucle, pour Nicolas Multon, est quasiment bouclée. Alors qu’adolescent il rêvait de faire les beaux-arts, celui qui est désormais chef pâtissier à la Villa René Lalique, à Wingen-sur-Moder (Bas-Rhin), est devenu aussi « sculpteur ès-chocolats ».
Il a ainsi réalisé des pièces impressionnantes de par leur dimension et le détail des finitions, comme le buste de René Lalique, fondateur de la cristallerie du même nom à Wingen ; ou cette magnifique tête de cheval, un animal qui l’inspire particulièrement. « J’imagine puis je conçois ces créations dans ma tête, comme lorsque j’étais enfant, passionné de dessin », explique Nicolas, désormais à la tête d’une équipe de cinq personnes. Un beau parcours pour ce natif du Cher qui n’a pas son CAP de pâtissier, est arrivé dans cette filière un peu par hasard et y a trouvé un mode d’expression de son talent.
« Mes parents ne pouvaient pas suivre financièrement pour les études que je souhaitais, je n’ai pas eu de bourse, raconte-t-il. Sans porte de sortie vers un cursus classique, j’ai démarré une formation en boulangerie. Mais j’ai rapidement compris que ça ne me convenait pas… Alors je suis entré dans l’hôtellerie-restauration. Dans les différentes maisons où j’étais apprenti, je me suis débrouillé pour travailler dans la partie pâtisserie car j’ai vite compris que je m’y épanouirais. »
Il prend alors rapidement des responsabilités dans les maisons dans lesquelles il travaille, en Alsace, en Bretagne, en Lorraine. Il rejoint enfin la Villa René Lalique, un établissement ouvert en 2015, avec déjà deux étoiles au Guide Michelin.
Des centaines d’heures de travail
Pour ses sculptures, Nicolas utilise un chocolat classique. Afin de lui donner la forme souhaitée, il le façonne comme de l’argile, « de l’intérieur vers l’extérieur ». Les outils utilisés pour les finitions sont ceux d’un sculpteur. Certaines pièces sont issues d’un travail à quatre mains, comme pour le buste, fruit d’une collaboration avec une maquettiste de la manufacture Lalique. « Cette pièce a représenté une centaine d’heures de travail, la tête de cheval une trentaine ; mais je ne compte pas vraiment, je le fais en mode passion », souligne cet amateur d’art, admirateur du peintre Kandinsky.
Les sculptures sont conservées sous cloche, pour en réguler la chaleur et l’humidité. « J’ai un peu restauré récemment le buste, l’odeur était toujours présente alors qu’il a trois ans. Généralement, au bout de six mois l’odeur typique du chocolat disparaît, le goût au bout de trois ans », précise-t-il.
Proche de la nature, le chef pâtissier est également vigilant sur ses pratiques en cuisine. Pendant le confinement, il a passé du temps avec ses enfants et compris l’importance de faire passer le message du respect de l’environnement. « Nous avons mis en place de nouvelles pratiques, précise-t-il. Nous réutilisons certaines parties des fruits, des végétaux, jusqu’ici jetées. Les épluchures de pommes et de cerises servent à faire des infusions, les noyaux concassés permettent de donner un parfum d’amande. » De la créativité, même dans le déchet !