Dominique Anract : « Trente ans de tradition française au bénéfice de nos consommateurs »
Une tribune du président de Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française.
L’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco des “savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain” et les trente ans du décret “pain de tradition française” du 13 septembre 1993 suscitent quelques réactions dans la presse professionnelle et grand public. Le premier point a déclenché des réactions positives, et la filière blé-farine-pain se félicite encore de l’aboutissement de ce long travail initié par la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française. Les artisans boulangers peuvent être fiers de cette inscription ! Il faut rappeler deux points :
- Ce n’est pas la baguette en tant que produit qui est inscrite à l’Unesco, puisqu’il s’agit d’un patrimoine immatériel, mais le savoir-faire artisanal nécessaire pour la fabriquer ;
- Artisanat et tradition sont deux mots en résonance et il est évident que le savoir-faire artisanal et la culture qui y est associée se matérialisent, naturellement, par la baguette de tradition française.
En ce qui concerne le décret “pain de tradition française”, il faut rappeler le contexte de son adoption. En 1995, une directive européenne a considérablement élargi la liste des additifs autorisés dans le pain, qui auparavant était très restrictive. Le principe européen est la libre circulation des produits. Toutefois, la Commission européenne autorise des exceptions dans des cas particuliers, notamment pour des produits considérés comme traditionnels. C’est dans ce cadre que le décret du 13 septembre 1993 a été adopté.
Ce qui parait une évidence aujourd’hui a été en fait le résultat d’un long travail avec la filière. Le décret a permis une véritable amélioration de la qualité du pain : la réduction du temps de pétrissage, l’augmentation des temps de fermentation, ont été induites par cette législation.
La mention “pain de tradition française” est destinée à tous les formats de pains à base de farine de blé ne contenant, notamment, aucun additif. Il faut par ailleurs noter que l’introduction de farine de seigle est possible, par l’intermédiaire du levain.
Le fait que cette dénomination soit utilisée presque exclusivement pour la baguette est simple et évident : ce format représente plus de 80 % de la consommation de pain en France.
D’autres ont soulevé la difficulté liée à l’absence d’étiquetage nutritionnel, d’informations sur les types de farine, la dose de sel… Il n’y a, effectivement, aucune obligation légale en la matière pour tous les produits non préemballés comme le pain. Pour autant, un nombre croissant d’artisans boulangers affichent spontanément l’origine et la composition de la farine utilisée pour certains pains. Il est donc envisageable de réaliser un cahier des charges spécifique pour celle destinée au pain de tradition française afin qu’elle soit encore plus qualitative.
La diminution du sel dans le pain n’a pas été évidente à mettre en œuvre, mais les analyses faites au cours du dernier trimestre 2022 dans le cadre de l’accord collectif démontrent que plus de 80 % des artisans boulangers respectent la dose de 1,4 g de sel/100 g de pain.
Il demeure incontestablement des progrès à accomplir, mais doivent-ils se traduire nécessairement par de nouvelles obligations ? Nous ne pouvons pas regretter à la fois la surabondance de règlementations et en réclamer de nouvelles… Ne doutons pas que, en accord avec le souhait des consommateurs, la filière entreprendra encore des avancées notables sur l’ensemble de ces sujets si importants.