À 20 ans, Omnivore continue à bousculer la gastronomie

Le chef patissier Quentin Lechat et son sorbet au mucilage de feve de cacao, parfume a la vanille

Depuis vingt ans, le Sirha Omnivore célèbre une nouvelle génération de cuisines aussi créatives qu’ambitieuses, décontractées et engagées. Pour cet anniversaire, La Toque a arpenté les allées du festival parisien.

Libéréée, délivréée… mais engagée et responsable. La cuisine mise à l’honneur depuis vingt ans par le Food festival Omnivore, devenu Sirha Omnivore en 2020, s’affranchit des codes de la gastronomie mais s’enracine de plus en plus dans une conscience écologique et sociale. Lors de ce rendez-vous incontournable de l’écosystème “food” (au Parc floral de Paris, du 10 au 12 septembre derniers), ouvert à tous, les acteurs du monde de la restauration se rencontrent, partagent, assument leur identité et leurs convictions à travers une cuisine inattendue, un produit déconcertant, un service original.

A cause du dereglement climatique, il ne faut plus seulement s'adapter aux saisons mais a des micro-saisons de quelques jours : c'est a nous d'adapter notre cuisine aux varietes disponibles, explique Pascal Barbot, ( © B. LAFEUILLE)

Sur scène, les chefs cuisiniers et pâtissiers donnent des masterclasses salées, sucrées, ou liquides – parfois tout à la fois. Chacun suit sa voie. Rémy Havetz, qui tient un restaurant et bar à desserts à Lyon, crée des « passerelles » entre le sucré et le salé, à coups de pâtes de fruits à la crevette et autres guimauves à l’os à moelle… « Les règles de type “pas plus de tant de goûts différents”, je n’y crois pas !» assume-t-il. De son côté, le chef pâtissier Quentin Lechat surprend en travaillant un produit rare : le mucilage de fève de cacao : sublimé seulement par une pointe de vanille de Tahiti, il est transformé en un délicat sorbet.

Locaux ou exotiques, telle est la question

Travailler des produits exotiques ou se concentrer sur le local ? Pascal Barbot, chef de l’Astrance (Paris, 16e), confie s’être interrogé avant de trouver son équilibre. L’essentiel vient d’Île-de-France, mais quelques achats à La Réunion « en direct et en pleine saison » apportent une touche d’exotisme. « L’excellence a un coût, que la population locale n’a malheureusement pas les moyens de s’offrir ; qui donnera un débouché aux producteurs si ce n’est nous ? » questionne le chef. Lui qui achète tout en direct est capable de nommer chacun de ses fournisseurs (maraîcher, ostréiculteur, etc.) en préparant son plat.

Chez Clem et Gwen, a la tete de deux boulangeries-patisseries dans les Hauts-de-Seine, la pate croissant offre une base feuilletee gourmande a des tartes salees a la garniture ciselee. ( © B. LAFEUILLE)
Wesh Grow met en avant des solutions bonnes pour la santé, la planete et le palais. ( © B. LAFEUILLE)

Le secteur de la boulangerie-pâtisserie n’a pas non plus fini de réinventer ses classiques. Au food corner, la boulangerie Clem & Gwen (deux boutiques en Île-de-France) détourne la pâte à croissant dans des tartes salées aux garnitures ciselées. En dessert, les pâtissiers ont réalisé une création sucrée à l’Oabika, le jus de cabosse commercialisé par Valrhona – un produit « pas simple à travailler », concèdent-ils.

Chez les partenaires exposants, les tendances des dernières années continuent à s’accentuer, prenant parfois des formes très contrastées. Tout est résumé dans le slogan de la start-up parisienne Wesh Grow, qui met en avant des solutions “bonnes pour la santé, la planète et le palais”. Elle cultive des micro-pousses et des aromatiques sur des substrats de fibres de coco dans un sous-sol parisien, qu'elle livre en direct aux restaurateurs.

« Caviar » d’algues et « thon » végétal en poudre

Également associées – à tort ou à raison — à un mode de vie sain et respectueux de la planète, les alternatives végétales se multiplient. Le “caviar” à base d’algues et de graines de chia de Piquette (société créée en 2022) fait presque illusion, tout en étant 100 % naturel et à prix abordable.

La maison Avka a developpe une poudre vegetale a melanger a de l'eau et de l'huile pour reconstituer instantanement un ersatz de thon. ( © B. LAFEUILLE)
La maison Avka a developpe une poudre vegetale a melanger a de l'eau et de l'huile pour reconstituer instantanement un ersatz de thon. ( © B. LAFEUILLE)

Il y a moins de nature et plus de chimie dans la “poudre de thon” (dont la dénomination devra sans doute changer pour sa commercialisation en France) à base de protéines de pois présentée par la société Avka. Son fondateur Yoav Peretz (qui est aussi cofondateur de la maison Philippe Conticini Paris avec le chef pâtissier du même nom) est convaincu de l’intérêt de son produit. « C’est simple d’utilisation : il suffit de mélanger la poudre avec de l’eau et de l’huile pour garnir un sandwich ou des toasts, argumente-t-il. On ne se coupe plus en ouvrant des conserves, on n’a pas de problèmes de salmonelles… » Et le goût dans tout ça ? L’homme d’affaires pense que « la plupart des gens ne verront pas la différence avec du thon ». On en doute ; il admet : « Les Français ont un meilleur palais que les Anglais, qui ont déjà adopté le produit… Alors si on perce en France, on pourra le vendre partout ! »

Boissons maison

Côté boisson, le sain, fait maison et zéro déchet est à l’honneur chez Orisae, qui vend des kits pour faire soi-même son kefir ou son kombucha, et tout une gamme d’arômes naturels (bio). Bon à savoir : les grains de kefir et la mère de kombucha se réutilisent à l’infini… Et pour les amateurs de bière cherchant un mode de vie sain, bonne nouvelle : un sportif a créé la Goxoa, titrant à 0,3 % et parfumée aux trois houblons, qui présente en plus un caractère isotonique facilitant l’hydratation après l’effort.

La biere Goxoa qui ne titre qu'a 0,3 est riche en saveurs, faible en calories et isotonique, adaptee notamment a l'hydratation des sportifs. ( © B. LAFEUILLE)

La limonade prend également de nouvelles saveurs avec L’Agrumiste, spécialiste parisien des agrumes, qui en cultive 200 variétés au Maroc et les fait découvrir dans des recettes variées. Quelques stands plus loin, chez Edem, on sert la grenade en jus concentré, et même en jus ultra-concentré et fermenté : cette boisson qui se conserve plusieurs semaines sans s’oxyder, se dilue dans l’eau ou donne du peps à un cocktail. Edem travaille aussi la datte de façon inhabituelle : fermentée en cuve pendant cinq ans, elle donne un étonnant “vinaigre balsamique”. Quant à son noyau, torréfié et broyé, il devient un substitut de café sans caféine.

Edem produit du jus concentre de grenade ainsi que du jus ultra-concentre et fermente. ( © B. LAFEUILLE)
Le vinaigre balsamique de dattes est fabrique en laissant macerer des dattes pendant cinq ans en cuve. ( © B. LAFEUILLE)
Les noyaux de dattes torrefies et broyes par Edem fournissent un substitut de cafe sans l'effet excitant. ( © B. LAFEUILLE)

Des plantes sans sol, du thon sans animal, du caviar sans œufs de poisson, de la bière sans alcool et du café sans caféine : la cuisine de demain peut donner le vertige. Mais au salon Omnivore — qui porte bien son nom en réunissant tous types de mangeurs —, il n’est pas question d’enterrer les fondamentaux. Et le pays qui a vu naître le mouvement slow food était là pour le rappeler : invitée d’honneur de cette vingtième édition, l’Italie était plus que jamais plébiscitée pour sa gastronomie de terroir. Avec son huile d’olive, ses fruits secs et ses foccaccias, bien sûr, mais aussi ses plateaux de burrata, parmesan et gorgonzola, et ses énormes jambons.

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