Tradition et qualité Les ingrédients nobles sont de retour
Les produits fermiers sont souvent bien placés sur le goût… mais le sont souvent moins sur l'hygiène. Témoignages de boulangers-pâtissiers convaincus et pragmatiques.
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Les ingrédients fermiers crus qui ont peu à peu déserté les laboratoires du fait de leur niveau de risque plus élevé (c'est une réalité !) ont aussi emporté avec eux des saveurs et des textures extraordinaires. OEuf, lait, beurre, crème fraîche… chacun reconnaît que ces produits, lorsqu'ils sont fermiers, n'ont rien à voir avec leurs homologues industriels (voir l'article Solution Technique à ce sujet). Aussi, avec une concurrence qui ne faiblit pas, nombreux sont les artisans qui y reviennent aujourd'hui dans la plus pure tradition pâtissière.
Qui ne tente rien n'a rien David Reynaud, installé à Ablis (78), a engagé sa production dans ce sens, avec des fournisseurs locaux. Sa progression en terme de chiffre d'affaires est exemplaire. Boulanger de métier, il ne cherche pas à jouer sur le terrain de la haute pâtisserie, mais se contente de parfaire ses spécialités « boulangères » : tartes aux fruits, flans, cakes, feuilletages.... « Pour tenir sur la haute qualité sans perdre en productivité, il faut viser au plus simple. Un fruit de saison bien mûr posé sur une vraie pâte sablée, cela suffit pour ravir les clients ! L'essentiel est de mettre en avant le goût des ingrédients à travers des recettes certes basiques, mais originales et réalisées dans les règles de l'art. Sur ma gamme de flans (nature, coco, myrtille…) par exemple, j'utilise du lait cru entier fermier pour la crème pâtissière et bientôt, je l'espère, des oeufs fermiers. Evidemment, c'est un peu plus délicat à travailler, mais il faut voir aussi le volume des ventes et l'image de marque que ce niveau d'exigence apporte au final ! Et pour mettre en avant les produits en magasin, on est plus à l'aise car on a quelque chose à dire. Les clients sentent l'authenticité de notre démarche. C'est aussi notre devoir de les éduquer au meilleur. Si on arrive à leur redonner ce sens du goût, les supermarchés auront bien du mal à nous suivre sur ce terrain ! » affirme-t-il. Pour le beurre, il a comparé plusieurs fournisseurs et a retenu celui qui donnait le meilleur résultat sur viennoiseries. Le lauréat : une (bonne) marque industrielle !
Grand cru Arrêtons donc de diaboliser les produits fermiers crus, mais considérons-les avec justesse. Thibault Salomé, jeune boulanger-pâtissier-glacier installé en milieu rural, à Croisilles (62), près d'Arras, a fait aussi le choix de s'approvisionner en lait cru auprès d'un petit producteur local pour faire ses crèmes (pâtissières ou autres) et ses glaces. Après une première année menée tambour battant, il progresse encore. « Le lait cru est une matière première comme une autre. Il s'agit juste de respecter scrupuleusement le délai d'utilisation, la température de conservation et la pasteurisation haute (ébullition). Les contrôleurs des Fraudes sont déjà venus analyser des pâtisseries « âgées » (3 jours). Résultat : rien à signaler. Il est surtout important de bien sécuriser la relation avec le producteur en termes de traçabilité ou de volume. À part ça, je ne vois que des avantages. Texture, goût, fraîcheur : les produits finis réalisés avec du lait cru sont incomparables ! Il faut essayer pour le croire. En plus, on fait des économies ! » explique-t-il, convaincu.
Pour les oeufs, il s'est rabattu sur des oeufs coquille ordinaires (poules de batterie) parce que les producteurs contactés ne pouvaient assurer les 700 unités demandées par semaine. Comme quoi, choisir une fabrication « rétro » ne signifie pas forcément être dogmatique. Et n'empêche pas la fantaisie. La preuve : il a sorti une pâtisserie symbolisant un attribut masculin !
par Armand Tandeau (publié le 23 janvier 2012)
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