La chasse aux indélicatesses Mode d'emploi
Le chef d'entreprise ne soupçonne jamais la mesure du préjudice subi. Comment pister les fraudes et se séparer d'un indélicat sans risque de poursuite ?
Vous ne le savez peut-être pas, mais il est fort possible que vous vous fassiez racketter chaque jour de 20, 50, 100 et même… 500 € ! Faites le compte sur un an, vous verrez qu'il y a de quoi s'inquiéter.
Même si le fait n'est pas nouveau, notamment sur les tournées, on ne peut que constater que le vol dans la caisse devient préoccupant depuis deux ou trois ans. C'est en tout cas le constat alarmant que font les divers professionnels rencontrés.
Le détournement de cash rentre dans un quotidien bien huilé. (photo)
L'étendue du problème
L'un d'eux, Patrick Meyer, est directeur de Tigra Business, société spécialisée dans l'encaissement sécurisé (CashGuard). Il explique que « le vol interne dans les petits commerces est plus fréquent qu'on ne croit et concerne une proportion insoupçonnée du personnel, toutes générations confondues, notamment celui en contact avec la caisse.
Le vol de marchandises, même s'il existe, ne rivalise pas dans les mêmes montants. Les jeunes serveuses n'ont pas froid aux yeux ! Le pire, c'est qu'elles n'ont pas vraiment conscience de la portée de leurs actes. Elles tombent toujours des nues quand on leur explique qu'elles ont détourné des montants qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliers d'euros. »
Un grand nombre d'employeurs reste assez indulgent vis-à-vis de cette tentation bien humaine, acceptant ces agissements comme de simples « erreurs de caisse » et ne mesurant pas vraiment l'ampleur de cet « écrémage », comme on dit dans le métier.
Des signes qui ne trompent pas
Les vendeuses savent aussi s'y prendre pour écarter tout soupçon. « Elles testent toujours la vigilance du patron. Elles prennent d'abord 2 € puis 3, 5, 10. Elles montent ainsi progressivement tant qu'elles ne sentent personne broncher. Quand elles perçoivent un danger, elles se calent un peu en dessous », continue Patrick Meyer.
Christophe T., boulanger-pâtissier en proche banlieue parisienne, a estimé son préjudice à 120.000 € par an. En comptant auparavant sa caisse chaque soir, il savait bien que l'écart entre ce qui était affiché sur la bande témoin et les liquidités encaissées avait quelque chose de louche.
« Quand le bilan annuel affiche une marge brute [écart entre le prix de vente et le prix des matières premières] qui n'arrive pas à la hauteur escomptée, il ne faut pas chercher plus loin », ajoute-t-il, écoeuré mais soulagé depuis qu'il a opté pour une caisse sécurisée.
Sans compter qu'avec le temps, le train de vie des fraudeuses ne passe plus inaperçu : achat d'équipements de haute technologie, manucure et coiffure hebdomadaires, voitures luxueuses, fringues de marque…
La main dans le sac
Mais ces soupçons ne constituent pas des preuves juridiques. « Il ne suffit pas de les coincer, encore faut-il avoir un élément qui prévaut au tribunal, sinon elles sont encore capables de vous poursuivre au pénal pour diffamation ! Le seul moyen est d'orchestrer un flagrant délit avec un constat de police. Ce qui est très compliqué à mettre en oeuvre », explique Christophe T.
Le licenciement pour « faute grave » doit en effet s'appuyer sur des faits solides pour ne pas être déclaré « abusif ».
Les détectives privés peuvent vous aider à mettre en place une procédure verrouillée.
« Le mieux est de filmer la boutique en direct. En prenant le contrevenant sur le fait accompli, avec l'effet de surprise, il avoue souvent. On enregistre sa déclaration et on constitue un rapport qui a une valeur aux prud'hommes », nous explique le directeur d'une agence réputée en région parisienne.
Notez qu'une prise vidéo n'est pas considérée en elle-même comme une preuve formelle, mais peut être un bon moyen de pression pour pousser le salarié à partir.
par Armand Tandeau (publié le 6 septembre 2010)