Une stratégie d'innovation durable

Les innovations se comptent sur les doigts d'une main, alors que la recherche sur la levure est très active. Pourquoi un tel décalage ?

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Le croisement de souches pures de levures a ouvert la voie de l'amélioration génétique. Avec les progrès fulgurant de la biologie, on aurait pu s'attendre à une grande variété de produits commercialisés. Pourtant, les levures pour boulangerie semblent immuables et seule une vingtaine de souches se partage le marché mondial.

L'outil industriel est soumis à des normes environnementaleset sécuritaires draconiennes. 

S'adapter pour durer

Stéphane Pucel, responsable du marketing chez Lesaffre (marque L'Hirondelle), répond sur ce point : « L'artisan traditionnel attend de sa levure qu'elle soit régulière en termes d'activité, de couleur, de friabilité, d'odeur. C'est la sécurité qu'il recherche avant tout. Cela dit, on voit arriver une nouvelle génération de boulangers qui n'a pas les mêmes repères métier.

La levure liquide Kastalia répond à ces nouveaux besoins. Il s'agit des mêmes souches, mais à l'état liquide. Ce qui change bien des choses ! » L'innovation, présentée en bag-in-box réfrigéré, offre plus de facilités en termes d'ergonomie, d'hygiène et de dosage. Lesaffre devrait optimiser le conditionnement et la concentration pour le secteur artisanal.

Pour sa part, AB Mauri va prochainement sortir Mauri Pratica en version de 10 et 15 kg. L'innovation est solide, techniquement et commercialement. Elle semble conçue pour durer. Répondre à une demande, plus que créer un besoin, serait-ce là la clé d'un « marketing durable » ?

« Oui et non, répond Stéphane Pucel, nous proposons cette innovation parce que le marché est prêt. Le besoin est là, mais personne n'est venu nous chercher pour cela. Même chose avec notre levure sans carton, sortie au dernier salon Europain, qui permet à nos clients industriels de diminuer leur impact carbone, dont la taxation va aller en grandissant. »

Viable biologiquement, fiable techniquement

Olivier Neyreneuf, responsable du développement et de la qualité chez GB Ingrédients / BEG France du groupe AB Mauri (marques La Parisienne, Mauri Original et Levareal), modère l'idée de cette apparente inactivité. « En dehors de veiller à la stabilité de ses souches, le levurier cherche à mieux connaître leur physiologie pour qu'elles soient toujours plus tolérantes au process.

Résistance au froid, aux conditions sucrées, à l'acidité des levains sont quelques uns des sujets qui nous préoccupent », indique-t-il. Ces nouvelles levures qui survivent aux « conditions extrêmes » sont aujourd'hui disponibles sur le marché (Lesaffre, AB Mauri). Les grandes marques font surtout l'objet du plus grand soin.

Olivier Neyreneuf, ajoute à ce titre qu'« avec le retour des fermentations longues sur levain, pâte fermentée ou poolish, on a dû vérifier que la levure était toujours aussi performante, ce qui est le cas ». Si c'est nécessaire, le levurier peut faire évoluer sensiblement ses levures sans pour autant changer les étiquettes.

La levure fait partie de la biodiversité,du règne vivant.

 

Biotechnologie « safe and secure »

Le goût est évidemment un axe de recherche actuel. « On a montré que la plupart des substances olfactives étaient significativement augmentées avec 45 minutes de pointage et 2 heures d'apprêt », note le scientifique. Pour l'heure cependant, difficile d'obtenir une souche suffisamment aromatisante et productrice de gaz, sans passer par le génie génétique.

« La levure est une star de la biologie moderne. Même si le génie génétique est couramment employé en laboratoires de biotechnologie industrielle, actuellement aucune souche commercialisée n'est modifiée génétiquement », garantit Olivier Neyreneuf. Le législateur met le frein sur les OGM, le consommateur étant très soucieux de sa santé.

La nouvelle levure désactivée pour la réduction de sel (LDRS), utilisable en tradition française, devrait bien mieux passer (Lesaffre, AB Mauri). Stéphane Pucel confirme que « la protection des consommateurs et de l'environnement est une priorité pour nos sites de production. Strasbourg vient par exemple d'obtenir l'agrément I.F.S. (International Food Standard) qui garantit une haute sécurité alimentaire ». La confiance, un mot qui résume à lui tout seul le défi des levuriers aujourd'hui.

par Armand Tandeau (publié le 8 novembre 2010)

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