Une identité remarquable

La référence à une zone géographique permet de tirer parti de l'attachement des consommateurs à leur région ou au patrimoine (Photo : latoque.fr). Pâté aux prunes d'Anjou (Photo : latoque.fr).

La mention de l'origine est aujourd'hui un critère essentiel à l'achat. Mais qu'attendent exactement les consommateurs à travers ce choix ? Et comment y répondre en boulangerie-pâtisserie artisanale ?

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Quand on sait que la majorité des consommateurs cherchent à connaître l'origine des denrées alimentaires qu'ils achètent et privilégient les produits fabriqués en France (voir encadré), il y a tout lieu de penser que les labels revendiquant une origine géographique ont de beaux jours devant eux. L'Appellation d'Origine Protégée (AOP, qui a définitivement supplanté l'AOC depuis le 1er janvier 2012, sauf dans le vin) et l'Indication Géographique Protégée (IGP) sont devenues des standards de qualité incontournables de l'offre « grand public ». L'Origine France Garantie (OFG) fait aussi son bonhomme de chemin (dans les levures et levains notamment). Mais il existe de nombreuses productions non labellisées que les artisans locaux ont plaisir à sublimer et qui font la fierté d'une commune, d'un pays ou d'une région. Que leur réputation soit cantonnée à une échelle locale ou rayonne au-delà des frontières nationales, force est de constater qu'en boulangerie-pâtisserie, les origines sont commercialement impactantes.

Revendiquer une origine implique de pouvoir le justifier  par une traçabilité irréprochable.

Patrimoine C'est le constat que fait Nicolas Tilleau, pâtissier, chocolatier et glacier à Peyrehorade (Les gourmandises de Nicolas), petite bourgade du pays d'Orthe dans les Landes. « Nous sommes ici dans la région du kiwi. Ce serait un crime de ne pas valoriser l'emblème de la commune ! Les clients y sont très sensibles. Même les touristes de passage apprécient de déguster nos spécialités à base de kiwi (l'établissement est référencé dans le Guide du Routard et dans les brochures touristiques - NDLR). « Globalement, le grand public aime tout ce qui touche au patrimoine, à la gastronomie régionale. Nous avons la chance d'avoir des productions locales renommées comme le kiwi de l'Adour (IGP) donc, ou la cacahuète de Soustons (non labellisée). Il faut en tirer parti le plus possible ! Pour pouvoir avoir des kiwis toute l'année, je les épluche et les congèle tout de suite après récolte (en octobre-novembre). Hors saison, je travaille le fruit congelé essentiellement sous forme de sorbet et de pâte de fruit (la conservation négative et la cuisson n'ont aucune incidence sur le parfum - NDLR). C'est là que l'arôme et le côté acidulé s'expriment le mieux, les essais sur mousses ou crèmes n'ayant pas vraiment donné satisfaction. Ces bases peuvent être ensuite utilisées en fourrages ou en entremets. Il y aura évidemment une bûche et des chocolats au kiwi pour Noël ! » indique-t-il.

Les Français et la consommation locale (Enquête IPSOS, février 2014)• 81% déclarent privilégier l'achat d'un produit alimentaire fabriqué en France. • 77% indiquent chercher à connaître l'origine d'un produit alimentaire avantde l'acheter. • 69% déclarent consommer plus de produits alimentaires locaux qu'il y a deux ans. • Les éléments qui rassurent le plus sur la qualité des produits alimentaires :1. le fait que le produit soit vendu directement par le producteur (23%).2. l'existence d'un signe officiel de qualité (16%). 3. le fait de connaître l'origine du produit (15%).

Consommation locale Même si les sigles, aujourd'hui bien identifiés, constituent un gage de confiance indéniable pour les Français, ce n'est pas tant la qualité certifiée qui est attendue que la connaissance de la provenance du produit (voir encadré). L'OFG, l'AOP, l'IGP et toutes les origines non certifiées s'intègrent en effet dans une tendance plus large : la consommation responsable. « Au-delà de la notoriété des produits, c'est surtout les circuits courts et le soutien aux entreprises locales qui m'intéressent. Lait, oeufs, fruits… presque toutes nos matières premières viennent de producteurs du coin. Les artisans devraient être les premiers ambassadeurs de la gastronomie régionale et défenseurs de l'économie locale. Malheureusement bon nombre préfèrent acheter des produits standardisés tout faits, fabriqués ailleurs. C'est dommage pour l'artisanat qui perd sa crédibilité, d'autant qu'à y regarder de plus près, l'utilisation de produits non transformés nous fait gagner en rentabilité et surtout en qualité (le litre de lait de ferme est à 50 cts le litre par ex.). Les clients savent la reconnaître et le bouche-à-oreille fait le reste. Je n'ai pas besoin d'afficher « artisan » en gros sur ma devanture pour attirer les clients ! » revendique le jeune pâtissier landais.

La communication exploitant les labels doit respecterla législation commercialeet être traitée en "mode artisanal".

Qualité La réputation ou la sécurité des produits locaux ou régionaux sont certes un moyen de retenir l'attention et de se démarquer, mais attention à ne pas rester dans une posture conservatrice ou fondamentaliste ! C'est ce que défend Jean- Pierre Semper, maître artisan pâtissier à Agen (La Fabrique du Pâtissier). « Les produits d'origine ou du terroir comme le pruneau d'Agen (IGP), la pomme du Limousin (AOP) produite en Nord- Dordogne, le miel de châtaignier d'Aquitaine (non labellisé) ou la noisette de Cancon (non labellisée) apportent effectivement une petite note d'originalité à une pâtisserie et permettent de se différencier de la concurrence industrielle, notamment au moment des fêtes. Mais il ne faut pas s'enfermer là-dedans et se limiter à ces produits. La saisonnalité, les produits locaux, les fruits frais, la fabrication maison permettent également de séduire et de rassurer les clients. Les grandes marques nationales ont aussi toute leur place : laits, crèmes, beurres, purées de fruits, couvertures chocolat… Ce qui reste essentiel pour se démarquer sur le long terme, c'est le goût. La puissance aromatique d'un fruit, la saveur d'une crème ou l'équilibre d'un chocolat font la différence. L'artisan doit sélectionner ses partenaires produit après produit, qu'ils soient locaux, régionaux ou nationaux » soutient-il. L'origine est certes un levier de séduction pertinent dans bien des cas, mais elle n'est pas la seule. L'important c'est d'avoir toujours en tête qu'une offre impactante doit séduire aussi bien en vitrine que dans l'assiette !

par Armand Tandeau (publié le 23 novembre 2015)

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