Pain artisanal A-t-il de quoi séduire les sens ?

La minéralité du sel de Guérande apporte une certaine rondeur en bouche. (Photo : latoque.fr) La minéralité du sel de Guérande apporte une certaine rondeur en bouche. (Photo : latoque.fr)

Le pain dispose d'une large palette d'arômes et de caractères organoleptiques. Pour autant, peut-il accéder à un niveau sensoriel comparable à celui du vin ?  

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Le développement du pain artisanal pourrait prendre une tout autre tournure si l'on parvenait à explorer la richesse de son univers sensoriel. Mais le produit dispose-t-il de suffisamment de nuances pour pouvoir être apprécié au même titre qu'un grand vin, par exemple ?

Diversifier le goût de la baguette, sans tomber dans la gamme des spéciaux, est une voie de progrès.

Palette de saveurs Sur ce point, Charles Caron, directeur commercial du Moulin de Signy à Signy l'Abbaye (08) et membre du groupement La Pétrie, en est convaincu : « Le pain artisanal est aujourd'hui tellement diversifié que nos cinq sens sont largement impliqués dans l'appréciation d'un produit. Le pain dispose aussi d'une grande diversité d'arômes qui s'étendent entre deux extrêmes : le torréfié d'un côté et l'acidulé de l'autre. Dans cette fourchette, nous retrouvons le malté, le beurre noisette et le fruité. Un palais plus exercé peut percevoir des nuances de café, terre, feu de bois, champignon, herbes, fruit sec, miel, épices, fleurs... ce qui permet de faire un parallèle avec le monde du vin. Mais, dans celui-ci, la variété aromatique est beaucoup plus vaste. Les vins exceptionnels déploient une richesse organoleptique que le pain ne pourra jamais égaler. » Le potentiel aromatique du pain n'est donc pas négligeable, mais le consommateur est-il prêt à entendre un message sensoriel sur ce type d'aliment ? Car le pain reste avant tout un produit de grande consommation : le nourricier reste prépondérant sur le plaisir.

Le risque des spéciaux Bien sûr, meuniers et boulangers se sont déjà largement amusés sur la gamme des spéciaux avec l'utilisation d'ingrédients multiples et variés. « Le problème est que les spéciaux sont aujourd'hui arrivés à maturité en boulangerie, souligne Charles Caron. Les innovations ont du mal à percer et les ventes se stabilisent. Or, dès que l'on sort de l'arôme beurre noisette ou fruité par des produits trop typés, on entre dans la gamme des spéciaux et donc sur des ventes réduites. Aujourd'hui, c'est l'arôme beurre noisette que le consommateur plébiscite dans sa majorité. Signer ses baguettes d'une saveur plus marquée en utilisant par exemple un levain acidulé et/ou aromatisé est toutefois possible en hypercentre sur une niche de consommateurs ciblés. »

L'évaluation sensorielle du pain est héritée de celle du vin.

Leviers du goût Mais si l'on reste centré sur le pur froment, le potentiel sera-t-il suffisant pour séduire les palais les plus exigeants ? « Les meuniers et les boulangers disposent de nombreux leviers organoleptiques, convient-il. Le volet sensoriel tient une place toujours plus importante dans le choix des variétés de blés. Notez que la finesse de la mouture et le temps de plancher influent également sur la qualité technique des pâtes qui, elle-même, a une incidence directe sur les aspects organoleptiques qui, à leur tour, sont indispensables pour véhiculer les notes plus délicates liées au froment ou aux ferments. La qualité de la farine et le travail du boulanger sont à cet égard essentiels. La performance du four est également centrale, car une bonne cuisson est nécessaire pour révéler le potentiel organoleptique d'une pâte. Toutefois, associer une qualité de pain à une variété unique de blé reste plus difficile que dans le vin, en raison de l'impact climatique qui est parfois radical certaines années sur certaines variétés. Même si l'influence du sol et du terroir sur le goût du pain est vraisemblablement minime, le concept de “pain de cépage” reste commercialement intéressant et à approfondir. »

Qualité organoleptique Il s'agit de l'ensemble des caractères sensoriels d'un produit (alimentaire le plus souvent) pouvant être appréciés par les cinq sens. Pour le pain, la qualité organoleptique porte sur :

•L'ouïe : craquement et croustillance de la croûte.

• La vision: brillance, coloration, finesse et régularité de la croûte ; grigne, coups de lame, farinage, sole; alvéolage, brillance, coloration, finesse et régularité de la mie.

• Le toucher: rugosité et dureté de la croûte, température, finesse de la mie, densité et sécheresse de la texture perçues par la main, les lèvres, les dents et la cavité buccale.

• L'olfaction: odeur de la croûte et de la mie.

• La rétro-olfaction: arômes perçus en milieu et fin de bouche (à la mastication et après déglutition).

• Le goût : saveurs (salé, sucré, acide, amer…) et sensations associées (astringence, rondeur, goût métallique…) perçues à la mise en bouche et en milieu de bouche.

par Armand Tandeau (publié le 27 septembre 2013)

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement