Réduction du sucre Les stratégies

Les gâteaux d'Eugène ciblent aussi bien les diabétiques que les personnes désirant se faire plaisir sans culpabiliser (Photo : Latoque.fr). Pâtisseries de chez Eugène (Photo : Latoque.fr).

Les pistes pour répondre aussi bien aux attentes des personnes diabétiques qu'aux consommateurs désireux de concilier plaisir et santé.

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Il n'existe plus aujourd'hui de régime spécifique pour diabétiques, qu'on se le dise ! Le rééquilibrage de l'alimentation est par contre un impératif. Eviter de grignoter entre les repas, diversifier et manger davantage de fruits et légumes, varier les féculents en favorisant les céréales complètes, limiter les sucres, les graisses et l'alcool constituent les recommandations essentielles qui, à regarder de plus près, sont les mêmes que celles applicables aux bien-portants (en savoir plus : www. mangerbouger.fr). De ce fait, les clients souffrant de diabète ne recherchent pas forcément des aliments sans sucre, mais des produits plus équilibrés sur le plan nutritionnel, c'est à dire moins sucrés, moins gras, avec plus de fibres, de minéraux et de micronutriments.

Les miels les plus épaissont aussi les plus richesen glucose.

Réduire la dose Le sucre de canne ou de betterave (saccharose) n'est pas un ennemi à éliminer à tout prix. Mais réduire sa quantité reste le défi prioritaire, sachant que sa fonction est aussi technologique (texture, caramélisation, conservation…). Pour Xavier Sterke, pâtissier consultant spécialiste du sans sucre, sans gluten et sans lactose, il existe globalement deux approches. « La première consiste à valoriser le goût des matières premières en choisissant des produits de grande qualité, naturellement sucrés et aromatiques, et en les travaillant de manière à exhaler leur parfum. Le sucre blanc est utilisé a minima, juste pour soutenir les arômes ou équilibrer les saveurs. La seconde stratégie consiste à étudier l'index glycémique (IG) des sucres ajoutés et de tous les ingrédients pourvoyeurs de glucides : fruits, chocolat, farines… L'objectif étant d'élaborer une recette à IG bas (inf. à 40). Dans cette logique, les ingrédients à IG élevé (farines T45 ou T55, fruits trop sucrés) sont à limiter et le sucre blanc est à remplacer, au moins partiellement, par d'autres solutions sucrantes » explique-t- il.

Alternatives sucrées Dans la seconde approche, le pâtissier doit connaître et apprendre à utiliser les sucres de remplacement (voir ci-après). À lui d'opérer un choix sur la base de critères technologiques, organoleptiques et déontologiques. « Ce qu'il faut étudier de près, ce sont l'IG (celui du glucose étant fixé à 100) et le pouvoir sucrant/PS (celui du saccharose étant fixé à 1) sans négliger leur saveur, leur arrière-goût, leur(s) effet(s) indésirable(s) et leur cohérence avec les attentes des consommateurs. Si vous comptez remplacer le saccharose par un édulcorant chimique, vous vous trompez certainement de cap ! », souligne-t-il. Exit donc les édulcorants intenses de synthèse (acésulfame, aspartame, saccharine…), d'autant que l'Anses ne leur reconnaît aucun bénéfice, ni sur le contrôle de la glycémie, ni sur la perte de poids (1). Il ne faut pas perdre de vue non plus que le sucre blanc est une matière sèche qui joue un rôle de « charge » (un peu comme le sable dans du ciment) et de « liant » du fait de son caractère hydrophile (qui retient l'eau). Or, ces caractéristiques ont un effet sur le volume et la texture des mousses, des crèmes ou des pâtes.

Le rôle des fibres Contrairement aux édulcorants intenses, les polyols (xylitol, maltitol, sorbitol) et le fructose raffiné sont intéressants à cet égard, mais leurs effets indésirables sur la santé (laxatif pour les polyols, facteur d'obésité pour le fructose) exigent de ne pas trop en consommer. Les miels et extraits naturels riches en fructose (mais aussi en fibres, minéraux et micronutriments) tels que le miel d'acacia, le sucre de coco ou le sirop d'agave sont de bons challengers car le fructose a un IG plus bas que le saccharose et un PS plus élevé (fructose : IG = 19 et PS =1,3 ; saccharose : IG = 68 et PS = 1). « Selon la ou les solutions sucrantes retenues, il faudra bien souvent retravailler la texture en trouvant une alternative à la matière sèche apportée par le sucre. Les fibres insolubles et solubles sont de bonnes candidates car elles ont aussi l'avantage d'abaisser l'IG et d'améliorer le transit intestinal. Là aussi, la naturalité est à privilégier pour rester en phase avec les attentes des consommateurs. Le psyllium blond, riche en mucilage (fibre soluble), est intéressant sur le plan technique et diététique. Il faut cependant l'utiliser avec modération (laxatif). Se passer de sucre exige au fond d'aller explorer les propriétés que le végétal nous offre et d'élargir ses connaissances à la fois médicales et technologiques » conseille Xavier Sterke qui donne régulièrement des formations à l'ENSP d'Yssingeaux (avis aux intéressés !).

La formation est un bon moyen d'acquérir les bases de la pâtisseriediététique (Photo : Xavier Sterkeà l'ENSP d'Yssingeaux).

Autrement bon Chez Eugène, la pâtisserie bien connue des Parisiens diabétiques, les deux stratégies de réduction de sucre cohabitent avec intelligence. « Nous ne faisons pas une chasse systématique aux sucres, mais nous essayons d'optimiser l'équilibre nutritionnel de nos recettes. Pour suppléer la perte de saveur liée au manque de saccharose, nous veillons d'abord à travailler des ingrédients qui ont du goût : des fruits frais aromatiques, des purées sans sucre ajouté (Capfruit), du chocolat noir/lait sans sucre ajouté (assemblage d'origines Cuba, Ghana et Venezuela de Cacao Barry)… Nous utilisons ensuite diverses astuces pour donner du peps et faire exploser les saveurs en bouche : du vinaigre balsamique (avec la fraise), du piment d'Espelette (avec la mangue), des essences (eucalyptus, anis), des zestes (orange, citron vert), etc. Nous travaillons aussi largement le thé vert matcha, la cannelle, le gingembre ou le levain qui ont une action bénéfique sur la régulation de la glycémie. Du sirop d'agave (en préparations crues) ou du sucre de coco (en préparations cuites) peuvent être ajoutés pour apporter davantage de douceur. Nous ne nous interdisons pas les fruits sucrés comme la mangue, l'ananas, la figue, le kiwi… au contraire ! Choisis pas trop mûrs, ils apportent le sucre nécessaire à la recette, ainsi que des fibres intéressantes » explique Luc Baudin, chef pâtissier-chocolatier. Les fibres (farine T80, pectine, inuline, son d'avoine, farine de lentille ou de pois chiche…) sont bien sûr largement utilisées.

Quand on connaît le succès d'Eugène et qu'on se rend compte que seulement 20 % de sa clientèle est diabétique, on pressent que cet axe d'innovation répond à une tendance bien plus profonde : celle de pouvoir considérer les gâteaux non plus comme des ennemis mais comme de vrais compagnons alimentaires. N'est-ce pas une révolution qui s'annonce ? C'est en tous cas une réelle opportunité pour l'artisan qui veut se démarquer.

BON À SAVOIRLe diabète > > >

(1) Agence nationale de sécurité sanitaire - Évaluation des bénéfices et des risques nutritionnels des édulcorants intenses, Avis du 9 janv. 2015.

par Armand Tandeau (publié le 2 mai 2016)

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