Préparer la transmission en milieu rural
Le monde rural reste attractif mais risqué pour les entrepreneurs cherchant une certaine qualité de vie. Etat des lieux et pistes pour séduire acquéreurs et financeurs.
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En zones rurales, de nombreux artisans connaissent de graves difficultés pour vendre leur fonds. Un chiffre d'affaires médiocre ou en baisse, une mauvaise rentabilité, une activité centrée sur la pâtisserie, un matériel obsolète, des locaux vétustes, un mauvais emplacement, un manque de visibilité, une population vieillissante… mille raisons peuvent expliquer le désintérêt des acheteurs potentiels. Aussi pour analyser une situation bloquée et trouver des solutions, il faut bien distinguer l'état financier et matériel du fonds (que le cédant peut tenter d'améliorer avant de vendre) du potentiel de l'emplacement et du territoire (sur lequel le vendeur n'a guère de prise mais qu'il peut valoriser).
Un grand nombre depetites boulangeries disparaissentfaute de repreneurs.
Commerce fragile Ludovic Bodin, responsable Transaction pour les régions Centre, Auvergne et Limousin chez Axiane Meunerie (Secrets d'artisans) reconnaît qu'il y a de vraies difficultés sur certains territoires ruraux. « Au niveau national, les boulangeries se vendent aujourd'hui sur une fourchette comprise entre 70 et 95 % du chiffre d'affaires, parfois moins (60 % reste possible en zones reculées), parfois plus (notamment à Paris où des bien évalués à 110-120 % avec deux jours de fermeture hebdomadaire peuvent partir rapidement !). Plus le commerce dégage un petit chiffre d'affaires, plus il est en situation de fragilité. Sous la barre des 130 000 € (sans investissement conséquent à prévoir), les banques ne suivent plus, ce qui est malheureusement le cas de très nombreux fonds situés dans de petites communes isolées ou sur des territoires en perte de population. Cela ne signifie pas qu'on ne peut pas réussir en achetant une affaire à 100 000 ou 120 000 euros au fin fond du Larzac ! Mais dans ce cas, il faut un apport vraiment conséquent et un projet solide. Paradoxalement, plus on peut se passer des banques, plus on peut acheter bas ! » explique-t-il.
Fonds sans repreneursLes pistes de la dernière chance• Mettre le fonds en location-gérance (avec promesse de cession) à un jeunecouple sans apport (certains meuniers peuvent aider au financement du dépôtde garantie) ; • Voir si le fonds peut intéresser la mairie (pour conserver le service via une gérance) ; • Brader le prix de vente (40-50% du chiffre d'affaires) ; • Elargir son activité sur une offre multi-services (épicerie, dépôt de gaz, relaiscolis…) pour retrouver de la rentabilité (mise à jour du bail nécessaire) ; • Vendre le droit au bail à un autre commerçant à proximité (modification de l'objet du bail nécessaire); • Vendre le matériel et le mobilier sur le marché de l'occasion et, sipropriétaire des murs, vendre les locaux à un investisseur immobilier (ou le transformer en logement).
Tentation Une petite affaire garde toutes ses chances, surtout si la zone géographique reste porteuse commercialement (population en croissance, région touristique, axe routier à proximité, absence de concurrence…). À vous, vendeurs, de mettre en avant ces qualités et de voir comment vous pouvez remédier aux défauts ! Un investissement judicieux ou une restructuration stratégique (voir ci-avant) sont parfois suffisants pour renverser une situation mal engagée. « Avoir conscience des handicaps et des atouts de son fonds de commerce, c'est déjà se préparer à le transmettre. Investir pour pouvoir mieux vendre ou accepter de vendre son bien au prix du marché restent des décisions compliquées. Mettre un prix à 20 ou 30 % plus élevé que celui du marché, en espérant tenter le « tout pour le tout », est une perte de temps : les acquéreurs vont à l'essentiel et opèrent un tri parmi les offres les plus pertinentes. On peut, il est vrai, déclencher un achat légèrement au-dessus du marché (5 à 10 % par ex.) si le cadre de vie est particulièrement agréable ou si le commerce a un certain charme. La qualité du logement attenant peut aussi permettre de jouer sur un coup de coeur. Trop souvent abandonné par le vendeur, il ne doit plus être négligé aujourd'hui car les jeunes couples y sont très attentifs » conseille-t-il vivement.
L'évaluation du matériel doit être effectuée parune entreprise spécialiséeen boulangerie-pâtisserie.
Prévisionnel solide Un fonds mal en point financièrement mais offrant un cadre exceptionnel peut séduire un couple recherchant un certain équilibre de vie. Il suffit parfois d'une vendeuse avenante ou d'une modification radicale de l'offre pour que les clients affluent de nouveau ! Aussi, si le repreneur doit passer par un emprunt bancaire, il est préférable que son dossier soit bien étayé. Coopérez donc avec l'acheteur ! « Le banquier tient compte de la rentabilité du prédécesseur, mais ne néglige pas la fiabilité du projet de l'acquéreur et son professionnalisme. Celui-ci doit apporter un prévisionnel cohérent avec un certain équilibre entre le prêt demandé, le montant de l'apport, les investissements à réaliser et la rémunération qu'il veut en tirer. Son estimation doit rester proche des chiffres du vendeur. À cet effet, l'acheteur doit disposer d'un état des finances et du matériel précis et fiable sur lequel il peut se baser. Par exemple, les ventes en porte-à-porte (tournées) ou en portage (livraisons) ne peuvent guère être valorisées s'il n'y a pas de contrats derrière. Faire intervenir une tierce partie neutre et professionnelle permet sans aucun doute de sécuriser la transaction, de viabiliser un projet d'installation et de rassurer un financeur », recommande David Sépulcre, directeur du cabinet Michel Simond Pyrénées- Orientales (Aude, Ariège, Andorre).
Les bons chiffres Pour cet ancien boulanger, la cession de boulangerie en milieu rural ne pose pas de problème à partir du moment où le fonds est correctement et honnêtement chiffré. « Pour bien évaluer la valeur du fonds, il faut faire intervenir des professionnels spécialisés sur le secteur de la boulangerie. Une entreprise d'installation et de dépannage d'équipements sera en mesure de réaliser un audit précis du matériel et du mobilier. Un cabinet d'affaires ou une agence immobilière connaissant bien le marché local saura aussi évaluer plus finement le potentiel d'un bien : ventilation du chiffre d'affaires, rentabilité, emplacement, zone de chalandise, axes de développement possibles… Un fonds bien évalué doit pouvoir se vendre dans les six à douze mois. S'il reste sur le marché de la transaction, il faudra absolument faire un point périodiquement sur les conditions de vente avant qu'il ne soit trop tard. Il n'est jamais bon qu'une affaire reste sur le marché trop longtemps », indique-t-il. Dans une situation compliquée, il peut être avantageux sur le plan fiscal de reculer de quelques années le départ à la retraite pour investir et tenter de redresser l'affaire. Le bien peut aussi prendre de la valeur si le territoire est en pleine mutation. Et pourquoi ne pas mettre son fonds en location-gérance pour deux ou trois ans ? Cela pourra permettre à un couple sans trop de moyens de s'y installer et d'en devenir propriétaire le jour où vous partirez (pour de bon) à la retraite !
Conseil de propar Armand Tandeau (publié le 10 juin 2016)
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