De Germain G. (Val-de-Marne) « L'acquéreur de mon fonds a-t-il le droit de réclamer une diminution du prix de vente ? »

La question : « J'ai vendu mon fonds de commerce en 2015. Aujourd'hui, l'acquéreur me réclame une diminution du prix. Il prétend avoir perdu 30 % de chiffre d'affaires car selon lui j'ouvrais ma boulangerie une demi-heure avant les heures d'ouverture indiquées sur l'acte de vente. Il avait pourtant connaissance de l'heure d'ouverture exacte par les documents fournis lors de la cession (tickets de caisse, etc.). Qu'en pensez-vous ? »  

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La réponse de Me Verdier

Il arrive que l'acquéreur regrette son achat et tente d'obtenir l'annulation de la cession ou une réduction du prix de vente. En cas d'achat d'un fonds de commerce, l'acquéreur dispose de diverses actions lui permettant de remédier à un manquement d'information de la part du vendeur.

Il s'agit tout d'abord de l'action en garantie. En vertu de l'article L.141-1 du code de commerce, le vendeur du fonds de commerce est tenu à l'exactitude de certaines énonciations notamment : l'origine de propriété du fonds, le bail, les chiffres d'affaires, les résultats notamment, etc... Toutefois, l'action résultant de cet article doit être intentée par l'acquéreur dans le délai d'une année à compter de la date de sa prise de possession. La vente de votre fonds de commerce ayant eu lieu il y a deux ans, l'acquéreur n'est plus dans les délais pour agir en garantie contre vous si sa contestation porte notamment sur la réalité des chiffres d'affaires. L'inexactitude des énonciations du vendeur doit porter sur une mention obligatoire de l'acte de vente d'un fonds de commerce, ce qui n'est pas le cas des heures d'ouverture de votre commerce. En effet dans votre cas, c'est plutôt la façon dont est réalisé votre chiffre d'affaires qui est contesté : c'est-à-dire l'amplitude horaire de votre boutique.

Quel pourrait donc être le recours de votre acheteur ?

Un vendeur doit garantir l'acheteur des vices susceptibles d'affecter le fonds vendu. Il s'agit de l'action en garantie des vices cachés (article 1641 et suivants du code civil). La prescription est dans ce cas de deux ans à compter de la découverte du vice affectant la chose. L'acheteur peut demander soit l'annulation de la vente, soit une réduction du prix en fonction de son préjudice sous plusieurs conditions :

• Le vice doit être caché, c'est à dire non apparent au moment de l'achat ; • Le vice doit rendre le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou diminuer très fortement son usage ; • Le vice doit être antérieur à la vente. Les juges recherchent si l'acheteur était ou non en mesure de déceler le vice incriminé. Par exemple la garantie des vices cachés a été écartée lorsque l'acheteur professionnel, et notamment de la même spécialité que le vendeur, reprochait à ce dernier de ne pas lui avoir fourni des indications élémentaires qu'il est en mesure de recueillir par lui-même (Cass. Com. 15 juillet 1987, n° 85-15.074). Dans votre cas, l'acquéreur pourra difficilement prouver que les horaires d'ouverture lui ont été cachés dès lors qu'il a été présent avant la vente pendant au moins huit jours avec vous. D'autre part, il doit prouver que le mensonge relatif à cette information compromet l'exercice de l'activité de son fonds de commerce. Les recettes de la première heure ou demi-heure du matin sont en général peu significatives. S'il vous demande vos brouillards de caisse, il est facile de vérifier les recettes pendant la période contestée.

Enfin, l'acquéreur a également la possibilité d'engager une action en nullité ou en réduction du prix de vente pour vice du consentement : le consentement de l'acquéreur peut avoir été vicié par le dol (manoeuvres frauduleuses), par l'erreur (sur une qualité substantielle du fonds), ou par la violence. Cette action a l'avantage d'être soumise à un délai de prescription de 5 ans. Les conditions pour obtenir la nullité de la vente ou la réduction du prix pour dol doivent cependant être réunies. Le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou l'aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Non seulement la preuve des manoeuvres dolosives doit être apportée ainsi que celle du caractère déterminant de ces manoeuvres mais l'attitude de l'acquéreur est également prise en considération. Il conviendra donc que l'acquéreur apporte la preuve que vous lui avez sciemment menti. Il sera difficile pour lui de le prouver. Sauf si bien sûr, un important chiffre d'affaires était réalisé pendant cette demi-heure et s'il s'agit bien d'une demi-heure… et non davantage. Le vendeur se doit, en toute hypothèse, d'être loyal envers l'acquéreur et de l'aviser des informations ayant un impact sérieux sur le fonds de commerce.

Quoiqu'il en soit, se manifester deux ans après la vente est aussi implicitement la reconnaissance par l'acquéreur que cela n'avait pas une grand importance…

Le conseil Le vendeur doit être vigilant sur l'exactitude des informations qu'il fournit à l'acquéreur lors de la vente de son fonds de commerce. Si vous avez vendu un fonds de commerce et que l'acquéreur vous reproche un manquement à votre devoir d'information, rapprochez-vous de votre avocat afin d'évaluer les chances de succès de la partie adverse et de préparer votre défense. Apportez toujours une réponse aux demandes ou courriers qui vous sont adressés par votre acquéreur ou son conseil. L'absence de réponse fait toujours peser un doute sur votre bonne foi et engendre souvent une procédure judiciaire.

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