Juridique Les spécificités de la procédure de sauvegarde

Les spécificités de la procédure de sauvegarde

Par Lucien.D (75) : Cher Maître, J’ai appris que la boulangerie Poilâne faisait l’objet d’une procédure de sauvegarde. Quelles en sont les étapes et existe-t-il des intérêts stratégiques à y recourir ? Merci par avance.Réponse de Me VERDIER :

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La réponse de Maître Laurent Verdier :

Cher Monsieur,

La procédure de sauvegarde est une procédure collective produisant des effets similaires au redressement judiciaire : notamment l’arrêt des poursuites des créanciers antérieurs, mais elle peut être plus attractive, notamment par son ouverture au débiteur n’étant pas encore en état de cessation des paiements.

L’article L631-1 du Code de commerce définit la cessation des paiements comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible », cette dernière privant du bénéfice d’une procédure préventive et entraînant l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation.

La procédure de sauvegarde est accessible à toute personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale ainsi qu’à toute personne morale de droit privé, qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter ». Ces conditions sont appréciées au jour où il est procédé à l’ouverture de la sauvegarde.

Principales étapes de la procédure de sauvegarde :

Procédure volontariste, elle ne peut être déclenchée que par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique, par une déclaration au greffe du tribunal compétent, répondant aux modalités définies à l’article R621-1 du Code de commerce. Les difficultés rencontrées et leur caractère insurmontable devront notamment être justifiés.

Le tribunal est libre d’apprécier l’opportunité d’ouvrir la procédure demandée (il peut mettre en place avant sa décision une enquête).

En cas d’accord, il désigne un ensemble d’acteurs comme un juge-commissaire, veillant au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence, ou encore le mandataire judiciaire, obligatoire en sauvegarde et redressement judiciaire, qui est seul à avoir qualité pour agir au nom et dans l’intérêt des créanciers. Il les avertit notamment de lui déclarer leurs créances.

Enfin, il peut désigner un administrateur judiciaire, dont la désignation est obligatoire si l’entreprise compte plus de 20 salariés ou a un chiffre d’affaires supérieur à 3 millions d’euros. En pratique, il est quasi systématiquement désigné pour les redressements judiciaires. En sauvegarde, il a une mission d’assistance mais ne se substitue généralement pas au dirigeant.

La période d’observation :

Dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, une période d’observation est ouverte au moment du jugement d’ouverture, durant laquelle l’activité de l’entreprise est maintenue afin de préserver ses capacités de production en vue de son redressement. La situation de tous les acteurs de la procédure s’en trouve modifiée :

- Les pouvoirs de la personne placée sous sauvegarde se voient encadrés ;

- les droits des créanciers antérieurs sont restreints tandis les cocontractants sont tenus de poursuivre leurs relations contractuelles avec l’entreprise ;

- les salariés voient leur contrat de travail maintenu et le paiement de leurs salaires garanti.

La durée de la période d’observation est limitée à 6 mois dans le cadre d’une sauvegarde, renouvelable une fois sous conditions pour une durée maximale de 6 mois. Cette limite s’explique par l’avantage que celle-ci procure, puisqu’elle interdit provisoirement de payer les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture et interdit les poursuites à ce titre.

Inversement, pour encourager les créanciers participant à la poursuite d’activité, les créanciers postérieurs se voient garantir le paiement à échéance de leurs créances lors de la période d’observation. Quant aux contrats en cours, c’est-à-dire nés avant le jugement d’ouverture et non annulés, résiliés ou résolus antérieurement à ce jugement, ils sont maintenus.

Bien que l’administration de l’entreprise reste assurée par le dirigeant en sauvegarde, et que sa rémunération n’est pas remise en cause, l’accomplissement de certains actes reste interdit ou réglementé. L’éventuel administrateur judiciaire désigné conserve normalement une simple mission de surveillance et au maximum une mission d’assistance.

La période d’observation s’achève par l’adoption d’un plan de sauvegarde (d’une durée limitée à 10 ans), élaboré pendant les 6 ou 12 mois où l’entreprise a continué son activité, établi un inventaire, vérifié les créances antérieures déclarées et étudié ses possibilités de rétablissement.

Attention néanmoins, une cession globale de l’entreprise est exclue dans la procédure de sauvegarde. Elle n’est autorisée que dans le cadre d’un redressement judiciaire. Les modalités de remboursement échelonné des créances définies par le plan de sauvegarde obéissent également à des règles bien encadrées qu’il conviendra de respecter.

En résumé :

Sous réserve de répondre aux conditions nécessaires pour que le tribunal décide d’ouvrir une procédure de sauvegarde, l’ouverture de la procédure interdit le paiement des créances antérieures et permet de poursuivre l’activité en payant prioritairement les créances postérieures. Enfin, à l’issue d’une période d’observation de 6 mois à 1 an, un plan de sauvegarde est établi pour redresser l’activité et rembourser progressivement les créances antérieures.

Il est important de consulter vos conseils pour étudier l’opportunité d’une procédure collective.

Cette procédure de sauvegarde peut s’avérer d’une précieuse aide dans une phase de prévention d’une situation difficile, malgré le cadre strict qu’elle impose et les potentielles restrictions dans l’exercice des pouvoirs du dirigeant.

Maître Laurent Verdier, Cabinet Les Associés

Voir l’article : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/27/la-boulangerie-poilane-a-active-une-procedure-de-sauvegarde_6147524_3234.html

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