Qui doit payer le ravalement de l’immeuble : le bailleur ou le locataire ?

Les façades de l’immeuble dans lequel j’ai ma boulangerie-pâtisserie ont subi un ravalement pendant plusieurs mois. Le bailleur me demande aujourd’hui, dans le cadre de la régularisation des charges, de régler la part mise à sa charge par le syndic. Dois-je payer ? Ai-je un recours ? Nicolas N. (89)

La réponse de Me VERDIER

Cher monsieur,

En principe, le ravalement est à la charge du bailleur, sauf clause contraire du bail (Cour de cassation, 19 décembre 2012, n° 11-25414). La réponse à votre question se trouve donc dans votre bail commercial, qu’il convient de lire attentivement car les clauses relatives au ravalement peuvent contenir certaines subtilités. Par ailleurs, il faut faire une distinction entre les baux commerciaux conclus avant et après la loi Pinel et son décret d’application du 3 novembre 2014.

Baux conclus avant la loi Pinel et non renouvelés depuis 

Les baux antérieurs à la loi Pinel pouvaient mettre à la charge du locataire les travaux de gros œuvre relevant de l’article 606 du Code civil, à deux conditions :

- que les réparations visées par l’article 606 du Code civil soient mentionnées dans le bail comme étant à la charge du locataire ;

- que le bail mentionne clairement et expressément que les dépenses de ravalement, quelle que soit la nature de ce dernier, sont à la charge du locataire.

En introduisant l’article L145-40-2 du Code de commerce, la loi Pinel a changé les règles pour les baux commerciaux nouveaux ainsi que pour ceux renouvelés depuis le 5 novembre 2014. Cet article prévoit qu’il est interdit pour le bailleur d’obliger le preneur à régler “certaines dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux”.

Par conséquent, si les travaux de ravalement ont consisté en des travaux de “gros œuvre” relevant de l’article 606 du Code civil, ils ne pourront pas être mis à la charge du locataire.

Les travaux effectués relèvent-ils de l’article 606 du Code civil ?

Les grosses réparations prévues par l’article 606 du Code civil sont celles “des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celles des digues, et des murs de soutènement et de clôture”. Ce sont les juges qui décident de la limite entre une petite et une grosse réparation.

La Cour de cassation a ainsi précisé qu’une grosse réparation affecte la structure de l’immeuble : “la réfection complète de la peinture du plafond du local rendue nécessaire par l’absence d’étanchéité de la toiture-­terrasse affecte la structure de l’immeuble et constitue une grosse réparation” (22 juin 2017, pourvoi n° 15-18316). La cour d’appel de Paris a d’ailleurs repris cette définition : “considérant qu’au sens de l’article 606 du Code civil, les grosses réparations sont celles qui touchent à la solidité et à la structure même de l’immeuble” (21 mai 2014, RG n° 11/19300).

En résumé, si les travaux de ravalement sont destinés à un “rafraîchissement” des façades, peinture, zinguerie, le locataire en supportera les frais car il s’agit de travaux d’entretien. À l’inverse, s’ils ont nécessité une intervention lourde sur les murs et le traitement des surfaces, par une reprise de maçonnerie, par exemple, le bailleur en assumera la charge.

Sont également à la charge du bailleur les travaux de ravalement prescrits par une autorité administrative (si la Ville donne injonction au propriétaire de réaliser le ravalement de son immeuble), sauf si le bail prévoit expressément que de tels travaux sont à la charge du locataire.

En résumé

Le ravalement n’est pas considéré comme une charge dite locative. Pour faire supporter au locataire son coût, il convient de le stipuler sans équivoque et avec la plus grande clarté dans le bail. Par ailleurs, depuis la loi Pinel de 2014, les travaux de ravalement relevant du gros œuvre, et donc de l’article 606 du code civil, ne peuvent plus être mis à la charge du locataire par le bail commercial. Vous ne devez donc supporter le coût de travaux de ravalement qu’à la condition que cette charge figure expressément et de façon non équivoque dans le bail commercial comme incombant au locataire, et qu’il soit essentiellement esthétique. Rapprochez-­vous de votre conseil avec votre bail pour vérifier si cette dépense vous est bien imputable, ce d’autant plus, que les montants de travaux sont en général très conséquents.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement