Ils créent de nouvelles saveurs : des glaces aux parfums d’aventures

Poivrons grillés, tomate-basilic ou thym-citron-miel : les glaciers tentent les associations les plus audacieuses.

Certains artisans glaciers osent se distinguer en mariant des goûts qui s’équilibrent et surprennent les papilles. Très créatifs, Clément Martin et Johan Mariman livrent leurs témoignages.

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Un sorbet au pastis, un trio thym-citron-miel, un duo citron basilic et une glace huile d’olive-pignons de pins caramélisés… Ces propositions originales figurent à la carte des boutiques des Glaces Ravi, à Lourmarin et L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) ainsi qu’à Saint-Rémy-de-Provence et Arles (Bouches-du-Rhône). 

« Nous avons vingt-huit parfums permanents et quinze à vingt éphémères qui changent toutes les deux semaines », précise Clément Martin, fondateur de l’enseigne, qui travaille aussi avec des restaurateurs, des plages privées et des épiceries fines. Dans son atelier de Puyvert (Vaucluse), il peut programmer l’étiqueteuse pour modifier à façon les noms des goûts collés sur les pots de 600 ml. « La glace est un produit de plaisir. Certains clients aiment être surpris et partir à l’aventure, mais pas trop non plus. Pour créer, je pars d’une idée et d’une envie. C’est infini, il faut apprendre à canaliser », explique avec enthousiasme l’artisan glacier.

Du temps en recherche & développement

Mettre au point un nouveau parfum exige du temps consacré à la R&D, et de la patience. Clément Martin, qui se fournit directement auprès de certains producteurs de Provence, ose des sorbets aux poivrons grillés, tomate-basilic ou aux tomates et piments d’Espelette.

Dans ses essais, il veille à la stabilité chimique (pH [mesure de l’acidité et de l’alcalinité] et Brix [concentration en sucre]) des ingrédients. « La conservation peut être limitante si le fruit exposé aux rayons ultraviolets perd sa couleur et n’est plus aussi appétissant. » Parfois, les tests ne sont pas concluants. Comme avec l’immortelle, une plante typiquement méditerranéenne au parfum de curry. Le résultat était trop complexe : il n’a pas été commercialisé.

Clément Martin, artisan glacier du Vaucluse, teste sans cesse de nouvelles saveurs. (© A. VALOIS)

Un producteur lui a proposé des avocats et un autre des grenades. Deux productions assez nouvelles en France. Ces fruits sont délicats mais ont peu de goût, si bien que le glacier a essayé de les marier avec différents thés. Ce printemps, il travaille le tagète, une herbe qu’il fait pousser dans son jardin. Elle parfumera des sorbets au fruit de la passion (maracuja) et au yuzu du Japon. Pour ces deux saveurs exotiques, il utilise des purées, plus stables que les fruits frais. « Je prépare les parfums éphémères en séries réduites. Ce sont des petites ventes mais qui attisent la curiosité. En boutique, nous les proposons à la dégustation, même si la personne achète finalement une glace vanille. »

Le Flamand Johan Mariman, lui, s’est investi dès son enfance dans la boulangerie de sa famille, en Belgique. Maestro del gelato formé à l’école de Bologne, il vit en France depuis deux décennies. Il a créé Glaces de Provence, à Malataverne (Drôme), et travaille avec le lait frais d’une ferme voisine, qu’il pasteurise lui-même. Selon la préparation, la température et le temps de pasteurisation varient. Ce disciple d’Escoffier estime que les glaces doivent être bonnes au goût et pour la santé. « Nos glaces sont moins sucrées et moins grasses. Nous n’utilisons pas d’œufs en émulsifiant mais de la gomme de guar ou de la lécithine de tournesol. Et, pour nous, une glace à la fraise doit contenir au minimum quarante-cinq pour cent de fruits. »

Gamme sans sucre ajouté

Son épouse étant diabétique, il a mis au point une gamme sucrée au maltitol qui n’augmente pas l’indice glycémique. Des créations sans sucre de canne ni de betterave ajouté aussi : un sorbet chocolat noir, un sorbet mangue, et une glace noisette médaillée au Concours international de Lyon en novembre dernier.

Avec ses compétences de boulanger-­pâtissier et de cuisinier, Johan Mariman cherche de nouveaux parfums, notamment en provenance d’autres pays. Il travaille le calamansi des Philippines, un fruit issu de l’hybridation du kumquat et de la mandarine. « Le calamansi dispose du parfait équilibre en termes d’acidité et de douceur », explique-t-il.

Le jus qu’il importe est associé à une tisane de verveine produite dans la Drôme. Pourquoi ? « Tout dépend des sensations que l’on veut donner sur les trois à cinq points des papilles de la langue. Ici, entre l’acidité du kumquat et la douceur de la mandarine, la verveine apporte de l’arrondi. » Le maestro explique encore la chimie du goût : « Chaque molécule dispose d’une locomotive — l’atome principal — et de différents wagons — d’autres atomes. Dans l’eau, l’hydrogène est la loco, et l’oxygène les wagons. Pour une glace la plus naturelle possible, notre rôle de glacier consiste à relier à cette locomotive d’autres wagons. » Un véritable voyage au pays des saveurs en somme.

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