Marketplace : y aller ou pas ?
Levier commercial, la digitalisation passe souvent par des plateformes tierces de vente-livraison. Dans un paysage marchand en recomposition, certaines tirent leur épingle du jeu.
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Epicery, c’est fini. En décembre dernier, au lendemain des Fêtes, la plateforme de livraison de produits frais a annoncé la cessation de son activité. Fondée en 2016, cette marketplace — “place de marché” digitale, en français — se présentait comme une épicerie numérique. Elle offrait une large sélection de produits de bouche de qualité sourcés auprès d’un millier d’artisans français ; dont des boulangers et pâtissiers, à l’instar de la Maison Berthillon (Paris), d’Aurélien Cohen (Hauts-de-Seine) ou des Frères Barioz (Lyon). En cause : un contexte économique difficile et une vive concurrence sur le marché de la livraison de repas et de courses en ligne, dominé par des acteurs comme Deliveroo ou Uber Eats.
“Le secteur des plateformes de livraison alimentaire a traversé des épreuves particulièrement difficiles ces dernières années, et nous n’avons pas été épargnés”, a indiqué celle qui combinait livraison à domicile et retrait en magasin, au choix du consommateur. Et d’ajouter : “Malgré notre engagement indéfectible à soutenir le commerce de proximité, l’analyse de nos résultats révèle que notre modèle économique n’est plus viable.” Ce constat vient questionner la pérennité de ce type d’activités, qui a connu un essor fulgurant durant la crise sanitaire. D’autant que cette fermeture survient quelques mois après celle de la plateforme de commandes-livraisons de repas Just Eat en France.
Un “garde-manger” haut de gamme en ligne
Autre marketplace née en 2016, Pourdebon.com est-elle confrontée aux mêmes difficultés ? « Nous n’avons pas les mêmes promesses, ni les mêmes cibles », observe Nicolas Machard, cofondateur et directeur général. « Notre objectif n’est pas de “plateformiser” des commerces de proximité mais de créer et d’animer un marché digital de petits producteurs et d’artisans — huit cents à ce jour — valorisant le terroir et le savoir-faire français, ce qui répond à une tendance de fond dans l’alimentaire. »
Son “garde-manger” compte actuellement près de 30 000 références produits, sélectionnées selon divers critères de qualité, comme les pratiques de production ou la valorisation de matières premières locales. Pour les acheteurs, la navigation en ligne se fait par familles de produits (dont des farines, biscuits, gâteaux, miels, etc.), mais aussi par régions ou labellisations. Illustration avec le flan Savary, l’un des best-sellers de la plateforme, fabriqué avec 70 % d’ingrédients locaux (farines, lait, etc.) par la maison du même nom, basée à Chambly (Oise). « Au départ, Pourdebon a construit sa réputation sur la livraison de produits frais, grâce à notre partenariat avec Chronofresh, spécialiste du transport frigorifique alimentaire, qui assure plus de quatre-vingt-dix pour cent des livraisons à J + 1, dans le respect de la chaîne du froid », précise Nicolas Machard.
Après validation de l’achat en ligne, les artisans bénéficient de vingt-quatre heures pour préparer leur commande, collectée directement sur le lieu de production par Chronofresh. « Nous assurons toute la prestation logistique, en plus de la mise en relation entre producteurs et consommateurs. Nous valorisons également nos commerçants partenaires sur nos outils digitaux », expose l’entrepreneur. Cette formule clés en main a séduit Maison Savary, qui a délégué à Pourdebon toute son activité de vente en ligne, moyennant une commission sur le prix de vente (lui-même fixé par le vendeur), « relativement élevée en soi, mais légitime au regard de l’offre globale de services, la plateforme gérant pour nous les différents aspects de la relation client », explique Mathieu Bernard, responsable marketing de Maison Savary.
La répartition des ventes est détaillée en toute transparence sur le site de Pourdebon : 75 % HT du montant TTC revenant au producteur, davantage dans le cadre d’une vente BtoB. Car, après le marché BtoC, la plateforme investit le créneau professionnel avec le lancement de Pro.Pourdebon.com, offrant des fonctionnalités de commande et de facturation simplifiées. L’occasion de valoriser les circuits courts en créant des liens directs entre producteurs et transformateurs.
Centraliser les offres en ligne des commerces
Pourdebon se rémunère uniquement sur les ventes là où d’autres plateformes requièrent un droit d’entrée. C’est le cas de la start-up Bakeronline, fournisseur de solutions e-commerce pour les artisans boulangers, pâtissiers et chocolatiers (comptez 1 000 € de frais d’installation, auxquels s’ajoute un abonnement variable). Initialement, la plateforme se présentait comme une place de marché (toujours accessible), avec possibilité offerte aux internautes de géolocaliser les artisans partenaires à proximité et de commander des produits en ligne. Un virage stratégique a été opéré, Bakeronline développant désormais « des sites et webshops personnalisés en marque blanche [service conçu par une entreprise que d’autres établissements commercialisent sous leur propre marque, NDLR], avec une communication axée sur les artisans et non plus sur les consommateurs », précise Maud Delacroix, commerciale.
À Rennes, Christophe Hellegouarc’h, fondateur des boulangeries L’Attrape Douceurs, a souscrit à cette solution digitale pour « prolonger [son] offre de services et ramener du flux ». Pour autant, les commandes en ligne (avec retrait en boutique) restent marginales. Et l’artisan de conclure : « Ce n’est pas une priorité mais une fonctionnalité en plus. »
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