Pasquale Altomonte, alchimiste du goût

Pasquale Altomonte.

À la tête de la société KitchenLab, le chef autodidacte Pasquale Altomonte associe cuisine et science pour révéler les arômes et valoriser au mieux les produits. Une démarche qu’il transmet aux professionnels des métiers de bouche.

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Passionné de cuisine depuis l’enfance, cet ex-­ingénieur en sécurité routière concilie recherches scientifique et culinaire à travers Kitchen Lab, société fondée en 2013 avec sa femme et associée, Dao Nguyen, docteure en pharmacie. Polyglotte, l’entrepreneur autodidacte a grandi aux États-Unis dans une famille aux origines cosmopolites, ce qui a contribué à lui donner le goût du monde et des épices. Tout un annuaire de saveurs qu’il s’emploie aujourd’hui à analyser, disséquer, étoffer, pour mieux le mettre en œuvre en tant que chef privé, et le transmettre lors de ses masterclasses. Avec un objectif : valoriser les produits de A à Z et lutter contre le gaspillage alimentaire.

La Toque magazine : Quel a été le déclic pour amorcer votre reconversion ?

Pasquale Altomonte :Plus jeune, je travaillais dans la restauration pour me faire de l’argent de poche. Je regardais aussi les concours culinaires à la télévision. Mais jamais je n’ai pensé pouvoir en faire mon métier. La bascule a eu lieu en 2011. Ma femme m’a inscrit à un concours de cuisine amateur en Suisse : il fallait créer une recette saine, rapide, complète, avec un petit budget, pour des étudiants. Je me suis pris au jeu ! Dans la foulée, j’ai enchaîné les concours ainsi que les extras et les postes en restauration pour apprendre le métier, d’abord dans des pizzerias, des brasseries, puis auprès de chefs étoilés. La haute gastronomie représente un Graal pour moi et je voulais m’y confronter pour mieux comprendre ses secrets.

Pasquale Altomonte. (© DR)
Les concours, comme le Bocuse d’Or : un challenge autant qu’une vitrine pour son travail. (© DR)

LTM : Qu’avez-vous appris ou compris auprès de ces chefs ?

P.A. : Dans un monde d’aliments ultratransformés, la haute gastronomie consiste — pour moi — à prendre un produit de qualité et à réussir à le sublimer simplement, sans le dénaturer et avec une parfaite maîtrise des techniques culinaires, cuisson en tête. Je regrette une tendance croissante à l’effet waouh : certains plats sont visuellement exception­nels mais sans lisibilité des saveurs ni goûts francs. Alors que c’est cela qui doit primer dans une recette ! Je suis aussi très attentif au respect des saisons, à l’approvision­nement en circuits courts et à la lutte contre le gaspillage alimentaire. C’est une démarche écoresponsable que l’on peut mettre en œuvre dans tous les métiers de bouche.

LTM : Tout cela vous a amenés à créer KitchenLab en 2013 ?

P.A. : Avec ma femme Dao Nguyen, notre objectif était de comprendre les produits et leurs réactions physico-chimiques pour innover en cuisine. Exemple avec une purée de carottes, souvent enrichie en beurre pour lui donner du goût et de l’onctuosité. En fait, il suffit de cuire la carotte à plus de 70 °C pendant 45 minutes pour obtenir la même texture sans ajout de matières grasses, la cellulose se dégradant à une certaine température. La purée aura alors un goût incomparable, encore davantage si la cuisson se fait dans un jus ou un bouillon de parures de carottes. Dans le même esprit anti-gaspi, je récupère mes déchets comestibles (jus de cuisson, épluchures, petit-lait, etc.) pour les retravailler.

Au sein de son entreprise KitchenLab, il associe cuisine et science pour innover dans l’assiette. (© DR)
Une cuisine sans déchets, l’une de ses premières préoccupations. (© DR)

LTM : Quelles sont les applications possibles en boulangerie-pâtisserie ?

P.A. : Une fois déshydratés, au four par exemple, ces déchets se transforment en poudre, à intégrer dans des pâtes à pain en tant qu’agent aromatique ou dans des pâtisseries comme colorant naturel. Il est possible de les conserver au sec pour une utilisation comme épices. De la même manière, les agrumes non traités peuvent être valorisés de A à Z (à l’exception des pépins), ainsi que les herbes aromatiques. Je conseille aussi aux pâtissiers l’utilisation d’œufs lyophilisés, fantastiques pour réaliser des meringues, par exemple, pourquoi pas aromatisées avec de la poudre de betterave !

(© DR)
(© DR)

LTM : À quoi ressemble votre journée type ?

P.A. : Je cumule plusieurs activités autour de la cuisine, donc je n’ai pas vraiment de routine. À titre personnel, je propose mes services comme traiteur et chef à domicile. Avec ma femme, nous avons créé un laboratoire hybride mi-cuisine mi-scientifique, à Genève, pour mener à bien nos travaux d’innovation culinaire, dont nous transmettons les résultats à travers des ateliers et des masterclasses pour les professionnels et les particuliers. Je réalise aussi des missions de consulting auprès de chefs en quête d’innovation. J’interviens dans des salons, comme le Science & Cooking World Congress, à Barcelone, en novembre. Et je participe toujours à des concours culinaires, une quarantaine à ce jour.

Des goûts francs et de la technique pour une cuisine sans fausse note. (© DR)

LTM : Et quel est votre meilleur souvenir culinaire ?

P.A. : J’en ai tellement, difficile d’en choisir un en particulier ! Mais je me souviens tout particulièrement d’une tomate juste marinée dans une saumure aigre-douce, puis sortie et séchée trente minutes à l’air ambiant avant dégustation. En bouche, elle était incroyable : la vraie tomate dans sa plus pure expression. Cet exemple illustre bien mon goût et ma démarche en cuisine.

Instagram : @thekitchenlaboratory

E-mail : kitcheNlaboratory@gmail.com

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