Victoire Vogel : gardienne du temple
Victoire Vogel représente la troisième génération à la tête de la boulangerie-pâtisserie familiale, à Ribeauvillé, dans le Haut-Rhin. Une petite entreprise que la jeune femme a souhaité reprendre lors du départ à la retraite de ses parents, alors qu’elle s’était engagée dans une autre voie professionnelle.
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En ce vendredi 1er septembre, les rues de Ribeauvillé (Haut-Rhin) accueillent encore beaucoup de passants. Il est 16 heures. Devant la boutique de la boulangerie-pâtisserie Vogel, deux clientes allemandes se restaurent sur l’une des petites tables installées dehors à la belle saison. Le week-end qui s’annonce promet d’être très chargé : c’est la fête des Ménétriers, qui va faire remonter la cité alsacienne à l’époque du Moyen Âge.
« Depuis le covid, nous n’avons quasiment plus de périodes creuses, ou tout du moins calmes, explique Victoire Vogel, qui est à la tête de la maison familiale depuis que ses parents sont à la retraite,même s’ils continuent à être salariés, tant il y a à faire. Nous avons la chance d’être sur la route des vins, un incontournable de la région qui draine beaucoup de monde : des touristes français, mais aussi belges, luxembourgeois, beaucoup d’Allemands, des Suisses, les deux pays frontaliers se trouvant à quarante-cinq minutes d’ici. Ribeauvillé est très dynamique. Il y a cinq mille habitants et beaucoup d’associations, qui organisent de nombreuses animations. Comme le marché de Noël, un autre incontournable très fréquenté, poursuit-elle. Les habitudes des touristes ont changé aussi depuis la crise sanitaire. Maintenant, ils sont présents quasiment toute l’année, avec des séjours courts plusieurs fois par an. Les habitudes de consommation sont aussi différentes chez nos voisins allemands, ils mangent peu le midi. Et à 16-17 heures, ils apprécient un gros goûter, comme ces deux dames devant. Ce sont donc de bons clients ! »
Malgré cette fréquentation très soutenue, la boulangerie-pâtisserie-salon de thé ferme trois fois par an : pendant trois semaines fin juin-début juillet, une semaine en novembre, une semaine en janvier. «Car il faut savoir lever le pied, souligne Victoire. C’est aussi plus simple à gérer au niveau du personnel. »
Une affaire créée par son grand-père en 1974
La jeune femme n’était pas destinée à reprendre l’affaire familiale. Après des études de droit de l’environnement, elle démarre un master de management à Saumur (Maine-et-Loire). Mais à 56 ans, son père Daniel lui annonce qu’il souhaite vendre la boutique. Une affaire dont il avait lui-même hérité de son père, qui l’avait créé en 1974 et qui la gérait avec son épouse Karine. Pour Victoire, il est alors inconcevable que le magasin sorte de la famille. « C’est la maison de mon enfance, avec tous les souvenirs qui y sont liés, les odeurs, comme celle des pains au chocolat… Impossible de la laisser partir ! Alors je me suis décidée à revenir. Et comme je suis fille unique... »
Depuis, la jeune patronne a pris en charge la vente en boutique et dans le salon de thé, et la confection des plats car une petite restauration est proposée. « Je n’ai pas passé de CAP, je suis une autodidacte, précise-t-elle. Pour la partie snacking : en plus des classiques quiches, d’une ardoise de truite fumée — la truite est une spécialité locale —, des tartines, des pizzas, je propose un plat mijoté différent par jour. Je prépare également des plats végétariens, tous les fruits et légumes que nous utilisons sont bio.» Victoire gère également la partie comptabilité et gestion.
Côté matières premières, la maison est très vigilante sur l’origine des produits. Les œufs et le lait, bio, sont fournis par un agriculteur local. Les farines proviennent de deux petits moulins du secteur, l’Alsace ayant encore une tradition de minoteries familiales. « Ce sont des farines natives, sans aucun ingrédient » , précise Victoire. Depuis une vingtaine d’années, la boulangerie propose des pains bio. Tous les pains sont fabriqués avec un mix levain-levure classique.
Méthode Respectus panis
La gamme comprend des baguettes blanches, tradition ; du pain 100 % seigle, Kamut, 100 % petit épeautre. Pour ces deux derniers, plus compliqués à façonner, des moules et des corbeilles sont utilisés. La boulangerie est engagée depuis de nombreuses années dans la méthode Respectus panis sous l’impulsion de Daniel. Tout est fait à la main, par petites quantités, avec très peu de pétrissage. « De belles valeurs, qui nous correspondent », souligne Victoire. Daniel fait d’ailleurs partie de l’association Les Ambassadeurs du pain, car il est un fervent défenseur de cette méthode.
L’équipe compte huit personnes plus un apprenti. Trois boulangers et Daniel s’affairent au fournil. Pour la pâtisserie, Victoire fait appel à un professionnel à son compte qui vient deux fois par semaine. « L’un des boulangers a en charge la pâtisserie simple, comme les millefeuilles, les éclairs… précise Victoire. Le pâtissier extérieur me fait les entremets plus sophistiqués, les glaces l’été, les chocolats pour Pâques, les bûches à la fin de l’année. Je tiens à ce que tout soit 100 % maison. Les spécialités locales, comme les bredele, les brioches de Noël, ce sont les boulangers qui les confectionnent.»
Dans les projets de Victoire, il y a l’ouverture d’une petite terrasse à l’arrière de la boutique. « Ce sera plus agréable pour les clients, que d’être juste à côté de la rue, très passante, note-t-elle. Pour le moment, ça n’avance guère, car la mairie n’est pas pressée de nous répondre. Mais nous y arriverons. » Un autre objectif est de refaire l’intérieur de la boutique afin d’optimiser le point de vente.
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