Patrick Schoenecker : de l'armée de terre à Terra Chocolata
Militaire pendant vingt-six ans, Patrick Schoenecker, passionné de chocolat, a profité d’un dispositif de reconversion pour ouvrir son atelier de fabrication et un magasin, à Verdun, dans la Meuse.
Ancien militaire, Patrick Schoenecker dirige sa petite entreprise avec les “armes” acquises tout au long de cette première partie de sa vie professionnelle. « L’armée vous apprend l’adaptation, la débrouillardise. Lorsque vous avez un objectif à atteindre, cela s’articule en cinq étapes qui structurent votre projet : conceptualiser, formaliser, réaliser, contrôler, débriefer. Sur le terrain, on apprend surtout à faire face à l’adversité, à la complexité. Je suis à l’aise avec tout ça, autonome, volontaire. »
Mettant à profit toutes ces compétences, il a fait de sa seconde carrière un « succès sucré » : aujourd’hui, la chocolaterie-confiserie Terra Chocolata est une adresse réputée sur la place de Verdun, avec des clients — particuliers, épiceries fines, entreprises — qui viennent de tout le département.
L’atelier et le magasin emploient cinq personnes et forment de nombreux apprentis. Patrick Schoenecker veillant à ce qu’ils deviennent très polyvalents. En cette veille de Saint-Valentin, Léo, 15 ans, en CAP, souffre un peu sur le nœud à réaliser pour terminer un emballage. Mais la cliente repart enchantée de ses achats et satisfaite du résultat. Guillaume, 19 ans, en BTM, est occupé au labo mais vient donner un coup de main à la vente.
« Je ne forme pas ces jeunes uniquement à la maîtrise de la fabrication car les places en chocolaterie ne sont finalement pas nombreuses, détaille Patrick. Et surtout, je ne veux pas les enfermer dans un système. Je suis là pour les aider à grandir. Exactitude, politesse, présentation, contact avec le client : ils ont souvent beaucoup à apprendre. D’ailleurs, leurs formateurs viennent me voir ensuite, souvent surpris de leur évolution, positive. Tout le monde s’y retrouve : eux, moi, notre activité. »
Formé à l’encadrement militaire
Car l’artisan chocolatier s’y connaît en “pâte humaine”. Après avoir fait Saint-Cyr Coëtquidan, le centre de formation des cadres de l’armée de terre, il est allé sur les théâtres d’opérations, comme en ex-Yougoslavie. Il est titulaire d’un bac + 5 en stratégie d’entreprise et d’un diplôme en ressources humaines.
Originaire de Verdun, Patrick voulait faire les beaux-arts. Devant l’inquiétude de ses parents, de son entourage — «tu finiras en crève misère, en traîne-savate» — il s’oriente vers l’armée parce que sportif et aimant l’aventure.
Quant au chocolat, il commence à s’y intéresser peu à peu, d’abord comme un loisir. Avec son épouse, il concocte des recettes dans la cuisine familiale, achète des moules pour diversifier les présentations. Le couple organise des soirées chocolat avec des amis, chacun repartant avec ses confections.
Patrick Schoenecker se rend au Salon du chocolat à Paris, y fait des rencontres qui vont le conforter dans ses choix, se lance dans des formations. Il passe son CAP de chocolatier-confiseur à Besançon en 2007, effectue des stages auprès de Philippe Bertrand, Meilleure ouvrier de France, et de Thierry Kleiber, maitre-chocolatier. Il bénéficie en outre d’un dispositif de reconversion pour création ou reprise d’entreprise destiné aux militaires.
En 2011, Patrick, qui a bougé dix-sept fois au cours de sa carrière militaire, se pose enfin. Il achète un local à Verdun, situé dans une rue piétonne du centre-ville. Il choisit la cité verdunoise pour sa tranquillité, mais aussi son potentiel commercial, avec notamment le tourisme de mémoire lié à la Première Guerre mondiale. Il fait refaire tout l’intérieur du local pour un coût de 500 000 €. Sont installés un laboratoire divisé en deux parties, chocolaterie pure et biscuiterie, et le magasin. Terra Chocolata ouvre le 17 décembre 2011.
À côté des tablettes, des croustilles, des pâtes à tartiner, des bonbons, l’artisan a développé ses propres créations, notamment des produits personnalisables, très appréciés des entreprises. Il utilise ainsi la gravure laser sur bois pour réaliser un dessin, qui sera reproduit sur un moule en PETG — plastique utilisé pour l’impression 3D — de 10x10 cm, grâce à une machine à thermoformer.
En plus des classiques logos reproduits pour des entreprises — il a écoulé ainsi 3 000 carrés pour les fêtes de fin d’année 2023 —, il s’amuse à distiller quelques formules bien piquantes. Comme ce “J’en ai marre de toi” qui, étonnamment, se vend bien pour la Saint-Valentin !
Des ingrédients micronisés mélangés au beurre de cacao
Le labo transforme 4 à 5 t de fèves de cacao par an. Pour les autres matières, il achète des farines locales, le miel et les œufs chez des producteurs du secteur.
Précurseur dans bien des domaines, il a développé la micronisation, qui permet de réduire des ingrédients naturels pour leur donner une taille entre 15 et 25 microns (0,015 et 0,025 mm), en vue de les combiner avec le beurre de cacao et d’obtenir ainsi une pâte d’aromatisation et de coloration. « J’utilise ce procédé avec la fleur d’hibiscus, par exemple, qui donne un côté fruit rouge acidulé ou du rooibos, issu de la racine d’un acacia d’Afrique du Sud. Nous sommes les seuls en France à fabriquer du chocolat avec cette dernière saveur », précise l’artisan.
«Dans une ville moyenne comme Verdun, il faut avoir une offre très diversifiée pour satisfaire tout le monde, souligne-t-il. Vous ne pouvez pas être monoproduit comme à Paris. J’ai une quinzaine de références qui fonctionnent très bien. Et à côté, des produits plus originaux, très appréciés pour des cadeaux tout au long de l’année. »
Le magasin est également torréfacteur, commercialistant une douzaine de variétés de cafés en grains, moulus à la demande. Sont également proposés à la vente une sélection de thés Dammann Frères et des alcools locaux « Ici, les gens sont sympas, simples. Ils ne se prennent pas la tête comme dans certaines grandes villes. Mais je place haut mon niveau d’exigence, c’est la clé du succès. Si les clients vous demandent en moyenne un niveau de qualité de 7 sur 10, je fabrique du 9 sur 10. Leur satisfaction, c’est la vraie sanction. »