Arnaud Larher : de paris-brest à Asnières
Le Meilleur ouvrier de France, surnommé à Paris la star de Montmartre, prend ses quartiers dans les Hauts-de-Seine. Visite de sa nouvelle boutique et entretien avec le chocolatier-pâtissier qui mélange autant les textures que les saveurs.
Vingt-sept ans de métier. Brestois d’origine, Arnaud Larher a ouvert en fin d’année dernière une nouvelle boutique près de la gare d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) ; lui qu’on surnomme “la star de Montmartre”, quartier parisien où il a installé ses premières boutiques en 1997 puis 2012, cinq ans après avoir remporté le titre — « le plus complet », relève-t-il — de Meilleur ouvrier de France (MOF) pâtissier. Desserts à l’assiette, pâtisseries, confiseries, pièces en chocolat… sont en effet au programme de ce concours. Entretien avec le pâtissier-chocolatier qui voue une passion au mélange des textures, et dont les mets sont prisés jusqu’au Japon.
La Toque magazine : Quand est née votre passion ?
Arnaud Larher : J’adore le sucré et ses odeurs depuis toujours ! J’ai commencé à pâtisser à dix-onze ans. J’aimais goûter la pâte crue, cuite. C’est une matière qui m’a toujours intéressé. J’ai attaqué l’apprentissage à Brest à quinze ans, puis tout s’est enchaîné. Ce qui est important, c’est de rencontrer des gens qui vous font aimer un métier. J’ai eu cette chance !
LTM : Justement, parlez-nous de vos mentors…
AL : Mr Guillerm [alors meilleur pâtissier de Brest, NDLR], mais aussi son chef, toujours présent : il me disait “Goûte ça, et ça !” Ils ont vu que j’étais très curieux. J’avais soif d’apprendre et de comprendre. Ils m’ont transmis le virus.
LTM : Vous posez ensuite vos valises à Paris…
AL : Oui, sur les conseils de mon maître d’apprentissage. J’avais gagné le concours du Meilleur apprenti de Brest, de Bretagne. Je suis allé jusqu’en finale de celui du Meilleur apprenti de France. J’avais du mal avec l’idée de quitter la mer, mes copains… je me suis dit : “Je pars un an et je reviens.” Mais en arrivant, j’ai pris une claque ! On s’aperçoit qu’il y a un gap avec la pâtisserie de province, enfin à l’époque. J’avais dix-neuf ans, je ne connaissais pas la brigade, le métier de chef de poste.
LTM : Par quelles maisons êtes-vous passé ?
AL : La Maison Peltier, la plus belle de Paris à l’époque ! Tous les MOF y avaient travaillé. Lucien [Peltier, NDLR] était quelqu’un de très technique. Il avait l’art de compliquer les choses pour ne pas être copié. Cela m’a forgé. Plus on maîtrise les bases, plus on peut jouer et créer. C’est le conseil que je donne à mes jeunes. Il y a eu ensuite Dalloyau, où je suis resté six-huit mois. Et un jour, un copain m’appelle pour me dire qu’il travaille chez Fauchon. On se voit, on discute une heure, il y avait Pierre Hermé. Le lendemain, il me rappelle et me dit « Pierre veut que tu viennes travailler avec nous ». Je n’ai pas hésité ! Là-bas, je suis passé par tous les postes.
LTM : Puis, vous fondez de plus en plus pour le chocolat…
AL : Quand je me suis installé à Montmartre, je faisais de la pâtisserie et proposais des chocolats à Noël — des tablettes, des truffes, des mendiants ou des orangettes. J’arrêtais après les fêtes mais les clients en redemandaient, j’ai donc continué. Je me suis professionnalisé car lorsqu’on fait une confiserie, une ganache, un praliné, le produit doit garder toute sa fraîcheur durant un mois. C’est au gramme près, pire que la pâtisserie ! Je suis allé voir des copains chocolatiers pour leur demander des conseils. Et de fil en aiguille, je suis devenu autant chocolatier que pâtissier.
LTM : Pourquoi Asnières ?
AL : J’y fais le marché de Noël depuis une dizaine d’années et le maire me proposait de venir m’installer. Depuis le covid, les Parisiens partent vivre en banlieue. Nous ne sommes pas loin de Paris. On a signé le bail de notre local en mai 2023. On devait ouvrir début décembre mais on a eu des problèmes d’acheminement de matériel. On a donc ouvert le 23 décembre dernier. Parfait pour les fêtes. Les gens voulaient passer commande, mais j’ai refusé : on n’allait pas s’en sortir sinon ! Depuis, il n’y a que de bons retours. Les clients nous remercient même d’être là ! Je suis content. C’est une belle opportunité. Il faut toujours être en éveil. C’est la règle dans le commerce.
LTM : Comment créez-vous ?
AL : Ce que j’aime, c’est mélanger les textures : l’alliance de la mâche, du moelleux, du croustillant. C’est comme un matelas, un support. Je travaille entre six mois et un an à l’avance. Dès que j’ai une idée, je l’écris dans un petit calepin ; quand je décide de la mettre en pratique, je la construis par étapes. Je fais des essais séparés : les crèmes, le biscuit… La semaine d’après je commence à monter le gâteau. Je me laisse bien entre deux et trois mois pour le réaliser. Travailler en amont permet d’échanger avec mes équipes, d’acquérir la maîtrise. On propose aussi le dessert du week-end, qui change régulièrement. On a un planning sur trois mois. Cela permet de stimuler mes gars et de faire travailler leur créativité.
LTM : Vous avez deux boutiques à Tokyo. Adaptez-vous vos créations ?
AL : On a à peu près soixante pour cent de produits similaires. Et des desserts à base de thé vert matcha, de sésame… C’est surtout la taille des produits qui change : les gâteaux sont vingt à vingt-cinq pour cent plus petits, les Japonais mangeant moins. On essaie de garder cette identité de pâtisserie à la française : c’est ce qui est recherché ; et dans le même temps, les Tokyoïtes apprécient qu’on s’intègre en travaillant leurs produits à notre façon.
LTM : Pour finir, prévoyez-vous une collection spécial JO ?
AL : On a créé des petites médailles en chocolat en “or”, “argent”, “bronze”, avec un ruban à mettre autour du cou. On va aussi faire des macarons, des coffrets pour les touristes, avec des emblèmes de tous les sports, à manger et à partager facilement.