Xavier Netry : champion multicasquette
Le gagnant du dernier Prix de la baguette de Paris est un modèle de persévérance. Chef boulanger de l'enseigne parisienne Utopie, son talent et sa passion le mènent aujourd’hui aux quatre coins du monde, et notamment à l’ambassade des États-Unis en France, où il a été reçu.
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Au fournil comme à la ville, on remarque Xavier Netry à son couvre-chef. Sa casquette : sa « marque de fabrique », plaisante le chef boulanger, qui a des projets plein la tête. Mais le lauréat de la meilleure Tradition de Paris 2024, qui officie à la boulangerie Utopie (11e arr.), est surtout un orfèvre de la panification qui transmet son art aux quatre coins du monde, et notamment à l’ambassade des États-Unis en France, où il a été reçu. Guidé par sa détermination, il met un point d’honneur à garder son authenticité.
La Toque magazine (LTM) : À quel âge avez-vous débuté la boulangerie ?
Xavier Netry (XN) : Très jeune. Dès l’âge de 13 ans, j’ai dû trouver quelque chose à faire. Ma mère était malade, il fallait que je me bouge ! Le père d’un copain avait une boulangerie. J’ai été curieux et je suis allé voir comment ça se passait. Je lui ai demandé s’il avait besoin de main-d’œuvre et il m’a accepté. J’ai commencé à faire des choses basiques, comme le balayage, la pesée de la farine ou celle des pâtes. Plus le temps passait, plus j’appréciais ce que je faisais. Je me suis donc lancé dans un CPA [capacité professionnelle agricole, NDLR], c’est l’équivalent du brevet blanc. Après, j’ai fait un CAP. Et au fur et à mesure, ce qui n’était au départ pas réellement une passion, l’est devenue. J’ai vraiment commencé à aimer ce que je faisais vers 20 ans. Aujourd’hui, ça fait vingt-cinq ans que je fais ce métier.
LTM : Quels obstacles avez-vous rencontrés ?
XN : J’ai été confronté à pas mal de racisme… Il y en a toujours eu dans ce milieu, et ça a été un peu compliqué pour moi. Mais c’est aussi ce qui m’a forgé : j’avais envie de briser les murs qui se dressaient sur mon chemin. Je me suis battu pour garder la tête haute et j’ai persévéré…
LTM : Jusqu’à obtenir le titre de la Meilleure baguette de Paris…
XN : Oui, et ça après quatre essais ! J’avais vraiment envie de gagner cette distinction ! Même si au bout de la quatrième tentative, ça devient un peu lourd moralement. Je me suis dit : “Je tente une dernière fois et on verra”. Je n’avais d’ailleurs prévenu personne de ma participation, et ce fut la bonne !
LTM : Qu’est-ce qui a fait la différence cette fois ?
XN : Comme toujours, j’ai donné mon maximum, mais je pense que le fait d’y être allé sans prise de tête, en me disant : “Je n’ai rien à perdre” a fait la différence…
LTM : Depuis, vous êtes beaucoup sollicité…
XN : Ce qui est important pour moi, c’est de pouvoir transmettre ce métier de partage, de passion et de savoir-faire. J’ai eu en effet beaucoup de propositions attractives, mais je choisis celles qui me permettent de garder mon authenticité. Je suis invité à faire des masterclasses dans pas mal de pays, c’est très intéressant ! Je suis notamment parti en Corée, je vais au Canada prochainement…
LTM : Des voyages qui vous inspirent aussi pour vos créations, notamment vos pains originaux du week-end ?
XN : Je suis quelqu’un de très curieux. Quand je voyage, j’aime goûter un peu de tout, les spécialités locales que je tente d’adapter dans mes pains. J’aime bien m’essayer aux choses assez excentriques ! Je n’ai pas encore voyagé en Afrique, mais j’ai créé un pain à base de mafé, plat traditionnel malien avec de la cacahuète, de la tomate. On y retrouvait toutes les saveurs ! Je peux aussi trouver l’inspiration en faisant des courses, en mangeant dans un restaurant ou tout simplement en discutant avec des gens.
LTM : Sur les réseaux sociaux, vos pains s’affichent telles des œuvres art. Combien de tests réalisez-vous en moyenne pour obtenir le résultat escompté ?
XN : Je fais énormément de tests dans la semaine. C’est relativement compliqué car j’intègre des ingrédients assez complexes pour la panification. En pâtisserie, on a plus de possibilités. Pour le pain, c’est différent, le passage au four peut faire perdre certaines saveurs. Je pense que ma détermination joue aussi. Par exemple, je me suis inspiré du mélange fraise-basilic, connu en pâtisserie, que l’on trouve aussi dans des plats. Je me suis dit : “Pourquoi pas dans le pain ?” J’ai travaillé pendant une semaine sur cette création pour mettre au point ma recette. Au final, c’était vraiment bon, ce fut une vraie satisfaction.
LTM : Comment travaillez-vous au quotidien ?
XN : Chez Utopie, on utilise des farines d’Île-de-France de très bonne qualité, issues des Moulins familiaux. On travaille aussi sur une base de levain, et toujours sur de longues fermentations. Pour moi, ce retour aux sources, c’est l’avenir de la boulangerie.
LTM : Utopie a remporté l’émission de M6 La Meilleure Boulangerie de France, en 2016. Vous excellez de votre côté cette année avec la Tradition. Avez-vous d’autres concours en vue ?
XN : J’aimerais bien tenter le Championnat du monde de la boulangerie mais je dois encore me renseigner. Je verrai cela plus tard… Pour l’heure, je me consacre à mon livre.
LTM : Que diriez-vous aujourd’hui à l’ado de 13 ans que vous étiez ?
XN : Je lui dirai que c’est un métier compliqué mais très attrayant et de ne surtout pas se décourager. Il ne faut pas croire que la boulangerie consiste uniquement à se lever à 2 heures du matin pour faire du pain blanc. Non, c’est un métier où l’on peut vraiment s’éclater !
LTM : Un message que vous souhaiteriez aussi passer aux jeunes ?
XN : Tout à fait. C’est important qu’ils sachent que c’est un métier passionnant, où l’on prend du plaisir et qui nous permet de jouer avec notre créativité, comme en pâtisserie.
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