Michel Kayser : créer de l’émotion

Michel Kayser.

Pâtisserie et cuisine, deux arts que maîtrise à la perfection le chef doublement étoilé Michel Kayser. À l’occasion du quarantième anniversaire de son installation à Garons, près de Nîmes, en juin dernier, nous avons rencontré cet amoureux des produits du terroir, qu’il aime faire pousser dans son jardin et qu’il sublime au gré de ses inspirations.

L’été dernier, Michel Kayser, le chef étoilé originaire de Lorraine, fêtait les quarante de son installation à Garons, près de Nîmes, dans le Gard. À la tête du restaurant Alexandre (deux étoiles au Michelin), celui qui a débuté sa formation à 13 ans, excelle tant en cuisine qu’en pâtisserie, et ravi ses convives avec son extraordinaire chariot à desserts. Rencontre.

(© Karima M)

La Toque magazine (LTM) : Quand la pâtisserie est-elle entrée dans votre vie ?

Élodie-Elsy Moreau (É-E. M) : J’ai eu la révélation lorsque je suis partie faire une saison, j’avais 18-19 ans. J’étais à Courchevel [Savoie, NDLR], dans un hôtel-restaurant où il y avait un pâtissier de talent. Il faisait une pâtisserie élégante, goûteuse. Je me suis dit : c’est une corde qui manque à mon arc. Dans les années 1970, les écoles complémentaires en pâtisserie n’existaient pas. J’ai donc cherché un patron qui était pâtissier de formation et j’ai intégré la maison Maître Paul. Paul était pâtissier et avait une étoile au Michelin. C’est grâce à lui que j’ai appris les grands classiques. C’était en 1974. Il faut ensuite rester informé, s’adapter car cela a beaucoup évolué.

LTM : Parlez-nous de votre manière de travailler

É-E. M. : Des plats aux desserts, l’esprit doit rester le même. La pâtisserie prolonge la cuisine. J’ajoute le moins de sucre possible. Lorsque je travaille le fruit, je cherche la concentration, à obtenir la fraîcheur, sans dénaturer le produit ; et j’essaie de comprendre à quoi l’associer​​​​​. Notre dessert au chocolat d’Équateur, vendu en direct, est noir à 80 %, avec un minimum de beurre et de sucre. La qualité est telle que, lorsqu’on le goûte, il est déjà bon et a très peu d’amertume. Pas besoin de le sucrer. Nous le traitons le moins possible pour transmettre le goût de la fève de cacao. Nous équilibrons le tout avec une glace à l’huile d’olive, et dessus on râpe des olives noires confites, qui apportent une subtilité. C’est ce qui m’intéresse : procurer du plaisir en bouche. J’appelle cela avoir de la considération pour un produit, cela lui donne de la force et apporte de l’émotion aux convives.

LTM : Vous proposez aussi un sorbet à l’oseille et à la rhubarbe. Vous aimez marier des saveurs complètement opposées ?

É-E. M : La pâtisserie doit faire pétiller les papilles. L’été dernier, on a eu plein de rhubarbe dans le jardin, et on a planté de l’oseille à côté. L’idée est ensuite venue de faire un sorbet à l’oseille sans transformation, en adoucissant le goût de la rhubarbe. Et c’est un bon mélange ! Pour l’olive confite, c’est un hasard au départ ! Il y a cinq-six ans, on faisait déjà un dessert à l’olive confite. Après les avoir blanchies trois fois pour retirer le sel et l’amertume - qu’on aime à l’apéritif mais pas dans un dessert -, on les a égouttées. Quinze jours après, en goûtant, on s’est aperçu que c’était comme un carré de chocolat croquant, terminant sur une note de réglisse et d’anis. Or, il ne s’agit que du fruit qui a été confit et séché. On a aussi un crumble au sel. C’est bien quand il y a des choses qui s’entrechoquent, c’est ça la cuisine et la pâtisserie !

LTM : Pour vous la durabilité est aussi essentielle…

É-E. M : J’ai été éduqué en ne jetant rien à la maison, et les plats étaient toujours bons ! Lorsque l’on blanchit les olives, on récupère le sirop, c’est extraordinaire ! On utilise aussi la peau de la rhubarbe, que l’on fait infuser. J’utilise les chutes de radis, que je passe à la centrifugeuse pour en faire un jus, monté au beurre. Bien sûr, le cacao ne pousse pas chez nous, mais il est fourni par un garçon que je connais depuis longtemps, qui vit près d’ici. Ses parents ont planté des cacaoyers en Équateur et, aujourd’hui, c’est lui qui les importe. Les produits qui viennent de loin, il faut les payer à leur juste valeur, quitte à en consommer moins mais y attacher de l’importance. Ce sont mes valeurs !

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