Mélanie Paulau : latitude cacao, en Vendée

Une fin de matinée, en été. La chocolatière Mélanie Paulau parcourt la terrasse de son troisième et dernier magasin ouvert (en quatre ans), sur la place centrale de Saint-Jean-de-Monts, en Vendée, à proximité des Halles. Elle offre des bonbons aux nombreux clients attablés. L’occasion de faire découvrir sa gamme et de sensibiliser le grand public au bean to bar, spécialité de la manufacture de chocolat 20°Nord 20°Sud, fondée en 2021 à Notre-Dame-de-Monts.

Car l’artisane tient à le rappeler, ce mouvement ne se réduit pas au travail du cacao de la fève à la tablette (comme le sous-­entend sa traduction littérale), mais « inclut des notions de traçabilité, de qualité, avec un sourcing soigné et un accompagnement des producteurs, dans une logique de commerce équitable ». Sa collègue Marion Aury tient le même discours pédagogique en fin de journée à une quinzaine de curieux réunis pour la visite des ateliers de la maison mère. Le parcours est jalonné de dégustations à chaque étape — de la transformation du cacao jusqu’aux produits finis —, pour une sensibilisation à la richesse aromatique de cet or noir suivant les variétés, les terroirs, les millésimes, etc.

Une torréfaction entre 110 et 120 °C

Une typicité que la petite équipe tient à valoriser en produisant des chocolats grands crus à base de fèves de cacao triées, torréfiées entre 110 et 120 °C pour conserver leurs notes fruitées et florales. Suivent le concassage, le broyage, le conchage ; puis cinq à six semaines de maturation en bloc avant le tempérage et le moulage. À la clé : une large gamme de tablettes (pures origines et gourmandes), bonbons, confiseries (orangettes, mendiants, rochers), moulages à Pâques, etc.

S’y ajoutent des produits complémentaires, issus notamment de la fabrication (grué, infusions de cosses, pâtes à tartiner), pour éviter tout gaspillage de cette précieuse matière première, glanée autour de l’Équateur par la sourceuse de fèves de cacao de spécialité Katrien Delaet (Silva Cacao), partenaire de confiance de Mélanie Paulau. Cette dernière se rend elle-même sur les plantations, enfin… dès que son emploi du temps le permet.

Le développement de son entreprise l’a amenée à élargir encore la gamme, lissant les ventes sur l’année avec des produits frais. Dès 2022, l’ouverture d’une deuxième boutique à Challans, à 25 km dans les terres, a coïncidé avec le lancement d’une collection de gâteaux de voyage (cookies, brownies, financiers) ; et d’un premier bar à chocolat, proposant une carte de mousses au chocolat grands crus et de boissons chocolatées, chaudes ou froides, avec cacaos et laits au choix.

On retrouve ce concept dans la boutique de Saint-Jean-de-Monts avec, en prime, une offre de pâtisseries et de vien­noiseries maison faisant la part belle au cacao de spécialité : pains ou flans tout chocolat, fonds de tartes au grué, crème infusée aux cosses de cacao, éclairs aux chocolats grands crus, etc. Le résultat de plusieurs mois de tests pour ajuster les recettes aux exigences du bean to bar, avec des ingrédients sélectionnés au-delà du cacao (sel de Noirmoutier, beurre Montaigu Appellation d’Origine Protégée Charentes-­Poitou). Idem pour les ganaches, hyperfraîches et riches en fruits de saison. « C’est à nous de nous adapter à nos matières premières et non l’inverse », pointe Mélanie Paulau.

Ses engagements éthiques, la chocolatière les résume en trois piliers : « La nature, le terroir, les hommes », déclinés graphiquement sur les murs de ses points de vente ainsi que sur ses packagings, via un visuel signature croisant des mains, des feuilles et des cabosses. Le nom de l’entreprise a été pensé en référence à la fameuse “ceinture” du cacao, située entre les latitudes 20° nord et 20° sud.

Des portraits de producteurs matières à histoires

L’emballage (biodégradable) des tablettes de grands crus permet de situer géographiquement l’origine du cacao, juste additionné de sucre de canne, « sans arômes ni lécithine », précise l’artisane. Au verso : un QR code renvoie vers une page du site internet présentant la quinzaine de producteurs, dont les portraits s’affichent en magasin pour montrer les femmes et les hommes derrière les produits. Une formidable matière à histoires, que Mélanie Paulau aime à raconter, tout comme la sienne.

En repérage sur le Salon du chocolat en 2018 pour un futur restaurant, cette épicurienne qui n’aimait pas ce produit (qu’elle jugeait trop gras, trop sucré, trop standardisé) a eu un coup de cœur pour la subtilité des cacaos bean to bar, au point de changer de projet. Une passion qu’elle s’emploie aujourd’hui à transmettre, à travers tout un programme d’animations et d’ateliers (analyse sensorielle, fabrication, dégustation, etc.) visant à prolonger l’expérience client.

Sans œillères, elle ose les accords vins-­chocolats et les alliances les plus audacieuses (tablette au chocolat et poivre rouge de Madagascar, par exemple), ainsi que les recettes sucrées-salées (billes de foie gras enrobées de chocolat noir, noix de Saint-Jacques au grué de cacao et beurre noisette) diffusées en ligne. « Et les clients suivent ! » assure l’entrepreneuse qui se présente comme une passeuse de saveurs. Son origine préférée ? « Tout dépend des moments de la journée », répond la Vendéenne qui recommande de « ne jamais déguster un chocolat seul pour pouvoir comparer les grands crus ». En fin de matinée, elle associe volontiers les notes gourmandes de fruits jaunes de l’utkku du Pérou aux arômes de lait de coco et de cerises du kekeli nujeje du Togo.