Le boulanger Mickaël Martinez, à Marseille : voir plus loin
Dans un quartier de bord de mer du sud de Marseille, Mickaël Martinez a ouvert il y a trois ans sa propre adresse L’Art de la viennoiserie. Ses produits très bien travaillés par une équipe motivée sont le fruit d’un parcours volontaire, qui l'a mené à Paris, à Londres, aux Baux-de-Provence et à Aix-en-Provence.
Mickaël Martinez élève bien haut l’art de la viennoiserie. D’une maturité étonnante pour ses 35 ans, ce fils d’artisans est un bosseur né. Il a su tirer profit de sa curiosité personnelle et de ses nombreuses expériences professionnelles en France et à Londres, avant de concourir au Meilleur ouvrier de France (MOF) en 2018 et de créer post-covid sa propre boulangerie haut de gamme dans le 8e arrondissement de Marseille. Le labo-boutique du quartier de la Pointe-Rouge, L’Art de la viennoiserie, s’est taillé en trois ans une sacrée réputation. Mickaël Martinez et son équipe ont réussi le pari osé de miser sur du 100 % maison, plus qualitatif et plus dispendieux.
« Quand j’étais enfant, j’ai vu mon père rouler ses croissants pur beurre. Puis il a arrêté. J’ai appris le métier dans un cocon : le cadre familial. » Ses parents, Léo et Gaby, avaient une affaire dans le village de Pelissanne, au sud-est de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Dans la fratrie de quatre enfants, seul Mickaël choisit d’embrasser le métier parental. Après le collège, il débute en 2005 par un CAP boulanger en apprentissage auprès de son père, et poursuit par un brevet professionnel au centre de formation d’apprentis de Nîmes. Son père insiste pour qu’il apprenne aussi la pâtisserie, ce qu’il fait au travers d’un CAP à Aix-en-Provence.
Il n’a pas 20 ans et rester dans le giron familial n’est pas son destin : beaucoup reste à découvrir ailleurs. Ce que lui confirme un reportage télévisé sur le boulanger entrepreneur Éric Kayser. Déterminé, Mickaël Martinez lui adresse une candidature par e-mail et, n’ayant pas de réponse, prend le TGV pour Paris. Il dépose son CV à la maison Kayser bibliothèque du 13e arrondissement. Bingo !
Été 2011, il découvre la fermentation au levain et les farines sans améliorants : « J’ai pris une claque ! Cédric Pousset a été patient, et j’ai tout réappris. » Après une année parisienne, il travaille pour la même maison mais cette fois-ci à Monaco. Puis, le jeune boulanger postule dans une unité de production de viennoiseries à Londres (Angleterre) qui, pour l’hôtellerie de luxe, sort 1 500 pièces par jour sept jours sur sept ! « Je voulais absolument apprendre l’anglais. Au début, je ne savais même pas lire une feuille de production ! Je me suis accroché, aidé par l’application Duolingo durant mes transports deux heures par jour, et en me coupant complètement de la langue française. » Au labo, sa volonté et son savoir-faire de tourier font la différence. « J’ai vécu ma best life à Londres ! En côtoyant des personnes de toute l’Europe et en échangeant sur nos savoir-faire. » Après une année, il rentre pourtant en Provence, par amour pour sa compagne.
Aux Baux-de-Provence, le chef exécutif du Domaine de Manville recherche en 2014 un boulanger-pâtissier de sa trempe pour créer un labo. Mickaël Martinez relève le défi : « Je me sens conforté dans le choix de ce métier, j’apprends la rigueur et la régularité, je progresse quand le chef exécutif goûte et dit : “Ça ne va pas”. » Il se fait peu à peu une place aux côtés de l’exigeant Matthieu Dupuis-Baumal, aujourd’hui étoilé au Michelin. Hautement stimulé, Mickaël met au point des viennoiseries très visuelles. Tant et si bien que le chef l’encourage à préparer le concours de MOF boulanger 2018. « J’ai travaillé ma créativité en m’inspirant des chefs pâtissiers des palaces. » Le tourier finaliste sort des pièces remarquables et reçoit une note globale de 14,8 sur 20. Mais le titre lui échappe.
L’année suivante, le duo s’installe à Aix-en-Provence, au Château de la Gaude, un autre établissement cinq étoiles. Pour les petits déjeuners, Mickaël Martinez développe une gamme de viennoiseries fines élégantes, au beurre et pas trop sucrées. Son compte Instagram prend de l’ampleur et, durant le confinement, il lance ses premières masterclasses sur la viennoiserie créative. Aujourd’hui, il prodigue ses conseils aux professionnels en France et en Asie. « Voyager pour mon métier me sort de la routine, où l’on ne voit que les problèmes. Je reviens avec des idées nouvelles, des équipements nouveaux », dit celui qui aime cultiver son ouverture d’esprit.
Quitter le salariat pour l’entrepreneuriat l’a impressionné. Mais Mickaël Martinez voulait décider de ses productions et de son destin. Il se lance en 2022 : « J’ai racheté une boulangerie-pâtisserie de Marseille », boulevard de Montredon, face à la mer. « Nous proposons le fruit de mon expérience dans des établissements luxueux : la viennoiserie maison en mode palace, équilibrée, avec le bon ratio pâte/garniture. »
Son complice Nathanaël est le chef boulanger d’une équipe de production soudée qui travaille sans surgélation. La devanture fleurie, l’accueil des vendeuses, le mur de pains et les produits en vitrines offrent une expérience client inoubliable. Celui-ci passe un bon moment dans un bel endroit et s’en sent valorisé. Le roulé aux raisins est parsemé de zeste d’orange, la brioche fourrée pistache trouve du croustillant dans des graines de courge, la paille framboise est légère et très fruitée, etc. Cet automne, L’Art de la viennoiserie a travaillé la figue et les raisins frais. L’entrepreneur trentenaire, dont le frère Jordan a accompagné les débuts, est accompagné par sa sœur Caroline à la gestion. Il ne prévoit pas d’ouvrir X magasins du même acabit. Mais d’avoir plus de place et de confort pour ses gars en production. Avec beaucoup de travail, rien n’est impossible.