Le tofu en version artisanale

Le tofu de bonne qualité nécessite juste un léger assaisonnement pour être sublimé dans un bowl ou un burger, comme chez Ikoï au Mans. © B. Guicheteau

Héritière d’un savoir-faire japonais traditionnel, la marque Monsieur Suzu entend démocratiser et rendre ses lettres de noblesse au tofu en France.

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En France, le tofu est encore trop souvent réduit à une alternative végétarienne (et un peu insipide) à la viande. « En France, les motivations premières pour consommer du tofu sont philosophiques, éthiques, nutritionnelles. Au Japon, c’est le goût qui prime », observe Chisa Ogawa, cofondatrice de Corpore Sano. En Asie, son berceau d’origine, il est en effet considéré comme un mets à part entière, à la texture onctueuse plus que caoutchouteuse, et à la saveur unique, végétale, subtilement sucrée, variable suivant ses recettes. Car, loin d’être unique, le tofu se décline en de multiples versions (tendre, ferme, frit, fumé, fermenté, aromatisé) pour des applications diversifiées, en salé mais aussi en sucré. Le tofu soyeux, à la texture crémeuse, est par exemple un produit pouvant être utilisé comme substitut aux produits laitiers et aux œufs en pâtisserie. Dans tous les cas, le tofu est issu du « jus » de soja, obtenu par broyage avec de l’eau, cuisson puis pressage des graines et filtrage (l’okara désigne la pulpe restante, pouvant être recyclée dans l’alimentation animale ou humaine). Le liquide obtenu (tonyu) est mélangé à un agent coagulant pour former le tofu après caillage et pressage : un procédé similaire à la fabrication du fromage, avec des durées, des températures et des taux d’humidité contrôlés.

Soja bio français

Basée au Mans, l’entreprise Corpore Sano produit et commercialise depuis 2015 du tofu artisanal sous la marque Monsieur Suzu, en référence à Akira Suzuki, un maître du genre qui a transmis son savoir-faire traditionnel aux quatre associés de la société. Un process dans les règles de l’art nippon, à partir de soja japonais, qui vaut à leur produit, à la saveur unique, d’être adopté par des chefs renommés dont des étoilés. En 2020, Corpore Sano bascule sur un approvisionnement en soja bio français (Sud-Ouest) sans OGM. « La qualité a augmenté jusqu’à correspondre à notre cahier des charges », estime Chisa Ogawa. Autre changement, d’échelle cette fois, en 2021, avec un déménagement d’un petit atelier urbain en sous-sol à un plus vaste local en périphérie du Mans, afin d’augmenter les volumes. Abritant un vaste hangar, le bâtiment accueille désormais quatre anciens containers maritimes, entièrement rénovés et équipés de matériel en inox, pour reproduire la chaîne de fabrication du tofu, de la cuisson du soja à la conservation en chambre froide, via la coagulation, le découpage (à la main) et la mise en barquette, dans des conditions d’hygiène et de travail optimales. En prime, ces modules (mobiles) répondent aux valeurs de durabilité de la société, qui ambitionne de démocratiser le tofu en France avec des produits artisanaux de qualité. Aujourd’hui, la marque Monsieur Suzu distribue (en retail et BtoB) trois variétés de tofu japonais (tendre, ferme, frit), fabriqué par trois salariées avec seulement trois ingrédients : des graines de soja (26 %), de l’eau (71 %) et du nigari (3 %), un coagulant naturel à base d’eau de mer (importé du Japon, qualité oblige), avec une légère note iodée. À cela s’ajoute de l’huile de tournesol bio pour le tofu frit.

Ateliers de cuisine

Simple à mettre en œuvre, le tofu est consommable nature ou cuisiné, frais ou cuit, chaud ou froid, selon les recettes. En été, Chisa Ogawa aime le tofu tendre juste « assaisonné d’un filet d’huile d’olive ou de noisette de bonne qualité, avec une pincée de fleur de sel, pour en apprécier toute la subtilité ». Les tofus fermes et frits (au goût plus affirmé) peuvent être découpés en dés, poêlés (ou non) et ajoutés dans une salade, un bowl, une quiche ou une soupe. Ils se dégustent également sautés voire caramélisés avec des légumes dans un plat ou en tranche, juste réchauffée puis glissée dans un bun façon burger végétarien. Émietté, le tofu peut aussi agrémenter une farce ou une sauce. Mixé, il s’intègre à du houmous, entre autres tartinables, pour un supplément de protéines et d’onctuosité. Autant de recettes que l’on retrouve à la carte de Ikoï, le restaurant d’inspiration japonaise de Chisa Ogawa, situé dans le centre-ville du Mans. La cheffe y anime en prime des ateliers de cuisine nipponne pour « faire connaître et changer les mentalités » sur son produit phare.

Barbara Guicheteau

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