Subtilités de la préparation du pain d’épices sur pâte mère et ses déclinaisons

Les seuls ingrédients nécessaires pour fabriquer un pain d’épices sont la farine de seigle, le miel et les épices, avec un soupçon d’eau, de sel et de levain, ou de levure chimique.

Derrière la complexité des arômes du pain d’épices, se cachent des ingrédients et des recettes plutôt simples, qui offrent de nombreuses possibilités créatives. La difficulté tient surtout à la nécessaire patience, à la recherche du bon dosage et à la cuisson.

Marqueur de la saison hivernale et des traditions de l’est de la France, le pain d’épices est un grand classique de la boulangerie-pâtisserie. C’est aussi une base de travail qui peut donner lieu à de multiples déclinaisons. Démonstration avec Sarah Coqueblin de la boulangerie Un Pain à part, dans le 14e arrondissement de Paris, que nous avons interrogée.

Le choix des ingrédients, essentiel

Pour confectionner un pain d’épices, une attention particulière doit être portée au choix et à l’approvisionnement en miel, part essentielle du produit fini. Il est présent à hauteur de 45 % dans les créations de Sarah Coqueblin, par exemple. Elle s’approvisionne chaque année, au mois de septembre, en seaux de 20 litres auprès d’un apiculteur de Seine-et-Marne.

Il existe une infinité de sortes de miel, ayant plus ou moins de caractère. À chacun de faire ses tests et de choisir des profils susceptibles de se marier avec les arômes de la farine de seigle et des épices, les deux seuls autres ingrédients absolument nécessaires au pain d’épices, outre un peu d’eau et de sel. « Tout l’art réside dans la simplicité des ingrédients et de la recette. Sinon, c’est très facile de produire du pain d’épices ! » résume Sarah Coqueblin.

La boulangère utilise dans son atelier un mélange d’épices broyées sur place, constitué de clous de girofle, de muscade, de cannelle et d’anis vert avec du gingembre, pour le peps. Sa recette s’inspire de l’école de Reims, tandis que l’école de Dijon emploie traditionnellement comme épice uniquement l’anis vert de Flavigny, produit emblématique de la Côte-d’Or.

Le miel est intégré en grande quantité : il représente jusqu’à la moitié du poids du produit fini. (© A. DUFUMIER)

Préparer la pâte mère, un art

Dans la tradition du pain d’épices de Reims, une pâte mère constituée d’un mélange de miel et de seigle est réalisée et longuement maturée. « Je prépare la pâte mère de quelques mois à un peu plus d’un an avant son utilisation afin de développer tous les arômes », souligne l’artisane d’Un Pain à part. Durant toute cette période, il n’y a pas de départ de fermentation car le mélange est trop sucré et trop peu hydraté.

Jérôme Saugy, du fournil suisse Levain, écrit qu’il met en œuvre 3/5 de miel et 2/5 de farine de seigle pour produire sa pâte mère. D’après lui, c’est la maturation, avec « l’activité des enzymes pentonsanases qui donneront son fondant au produit cuit », et cela sans adjonction d’œufs ou de matières grasses (lire encadré). Bien que des quantités importantes de seigle soient employées, la pâte mère ne fait d’ailleurs pas l’objet d’un empois (gélatinisation à chaud). « Le point de vigilance est d’éviter les grumeaux lors du mélange du seigle et du miel pour constituer la pâte mère. Pour cela, on commence à pétrir à la feuille avant de reprendre au crochet », témoigne Sarah Coqueblin.

La délicate mise en œuvre d’un levain en milieu sec et sucré

Au moment de la fabrication, la pâte mère est mise à température ambiante, mélangée à de l’eau et additionnée des épices et d’un peu de bicarbonate ou de levure chimique pour faire lever la pâte. Il est aussi possible d’utiliser du levain. Toute la difficulté est alors de produire un levain capable de fermenter dans un milieu aussi sucré et aussi peu hydraté, sachant qu’il doit être introduit en petite quantité pour ne pas dénaturer le goût du pain d’épices. Il faudra alors travailler avec des levains très actifs et des fermentations longues. Une piste complémentaire est de recourir à des levains au miel, c’est-à-dire rafraîchis avec une part de miel d’environ 30 % (avec 35 % d’eau et 35 % de farine de seigle) et qui seront de ce fait mieux “entraînés” à ce milieu.

Sarah Coqueblin utilise dans son atelier un mélange d’épices broyées sur place, constitué de clous de girofle, de muscade, de cannelle et d’anis vert, avec du gingembre, pour le peps. (© A. DUFUMIER)

Bien sélectionner ses moules et gérer la cuisson

Pour Sarah Coqueblin, « la principale difficulté réside dans la cuisson du pain d’épices. Nous avons choisi de travailler avec des moules en tôle pour produire des pains d’épices vendus à la coupe. Nous cuisons ainsi les pièces à 130-140 °C et nous finissons la cuisson en les couvrant afin de conserver toute l’humidité tout en gardant une belle croûte croustillante ; ce qui est plus compliqué que d’utiliser les moules jetables individuels : il faut pouvoir sortir le pain d’épices du moule sans l’abîmer alors que le produit est assez collant ». Selon elle, la solution pourrait passer par l’achat de moules réutilisables en bois, tels ceux utilisés en Allemagne ou dans les pays nordiques.

Avec fruits secs, sous forme de sablés : les produits dérivés sur pâte mère

Avec une pâte mère de pain d’épices, il est possible de réaliser de très nombreuses déclinaisons et de laisser libre cours à sa créativité. Les biscômes sont des variantes plates souvent décorées. Les lebkuchen incluent une part importante de fruits secs. De son côté, la boulangère d’Un Pain à part réalise une version de pain d’épices fourrée à la pâte d’orange maison. Elle confectionne également, à partir d’une pâte à croissant, des pains aux raisins roulés avec de la pâte à pain d’épices et de la pâte d’orange. Pour la Saint-Nicolas, elle propose des sablés aux épices basés sur l’utilisation de pâte mère.

Sarah Coqueblin songe également à produire des nonnettes, une spécialité de Dijon. Toutes ces déclinaisons étoffent la gamme et jouent sur la saisonnalité en magasin, avec des produits réconfortants pour passer l’hiver.

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