À Mirmande, L’Estrelo crée des liens
La mairie de ce village touristique de la Drôme voulait voir se réinstaller un boulanger. Vincent et Marion y ont créé, il y a cinq ans, une boulangerie-cave à vin-épicerie, ouverte toute l’année.
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Non loin du fleuve, au niveau de Saulce-sur-Rhône (Drôme), une vallée couverte d’arbres fruitiers débouche sur un village pittoresque accroché à flanc de colline. Mirmande est un haut lieu de villégiature, classé parmi les plus beaux villages de France. Les voitures n’y circulent pas. La Grand-Rue, piétonne et pavée, monte raide. Au numéro 3, une courette avec un banc, une table, des chaises et une bibliothèque en plein air. Sur la droite un restaurant, et sur la gauche L’Estrelo. “La boulangerie en liberté”, est-il écrit sur une ardoise à l’entrée. « Nous partons du principe que si nous faisons du bon pain, les gens font l’effort de venir jusqu’à nous », explique Vincent. Il organise ses journées pour avoir le temps d’explorer d’autres univers, le travail du cuir, du bois, ou encore la porterie.
Ce boulanger autodidacte a travaillé vingt ans en Angleterre, puis à Maastricht (Pays-Bas) avant de revenir en France avec sa compagne Marion. Ils ont postulé pour reprendre en 2018 la boulangerie de Mirmande. C’était important pour ce village rural, sans autre boulangerie. « Nous étions attendus… », résume Marion, qui travaille à la boutique à temps partiel. Les 580 habitants passent à 3 ou 4 000 l’été ! Il existe de nombreux grands mas familiaux alentours, un domaine accueille des mariages, et un bon tiers des maisons du village sont des résidences secondaires. Mirmande est très fréquenté, par des Parisiens, des Allemands, des Américains, des Anglais, des Belges et des Hollandais.
Dans le local municipal avec un bail commercial à loyer modéré, Vincent crée son outil de travail. Il fait installer un four sur-mesure dans une pièce, les pétrins et la chambre de fermentation dans une autre. Il n’y aura pas de climatisation — donc pas de tourage possible — car le village est classé. Des fonds personnels et un prêt bancaire, complétés par une subvention de la communauté de communes de Val de Drôme en Biovallée, ont permis ces investissements. Le projet du couple est très convaincant : L’Estrelo est une boulangerie, une épicerie et une cave à vin. C’est un commerce ouvert à l’année qui crée du lien social en toutes saisons, un réel enjeu pour la commune. Des clients se croisent et discutent ; d’autres viennent de loin et congèlent les pains.
L’Estrelo livre aussi une épicerie à Livron-sur-Drôme (L’épicerie Perchée du Haut-Livron) ainsi que certaines personnes âgées dans des villages sans commerce.
Des produits locaux
Dans la boutique simple et sobre, une petite table permet de se poser pour boire un café. Celui-ci est d’ailleurs torréfié par Arnaud Leroy, à quelques rues de là. Vincent et Marion ont sélectionné des productions locales de qualité : plusieurs brasseurs de bières, des jus de fruits pressés sur des exploitations bio à Loriol-sur-Drôme, des sirops de fruits sauvages, etc. Les charcuteries et les fromages proviennent de fermes qui transforment les produits de leurs élevages. « La Drôme est le premier département bio de France », précise Vincent avec conviction.
Ce petit-fils de paysan aime entretenir son lien à la terre, notamment en rendant visite aux vignerons voisins « qui travaillent en respectant le vivant et qui se projettent dans vingt ans ». Passionné par les vins natures, il en a référencé une soixantaine, provenant d’une quarantaine de domaines, qu’il a tous visités. Sa clientèle, urbaine et internationale, ravie par la découverte de vins différents et vertueux, en est aussi devenue adepte. La demande s’accroît fortement l’été et le caviste anticipe ses commandes pour proposer au magasin un grand choix de rouges et de blancs. En épicurien et fin connaisseur, il indique : « J’aime bien le pain de campagne lin-tournesol bien cuit avec un fromage de chèvre ou une tomme à l’ail des ours, accompagnés d’un verre de vin nature ardéchois, un grenache en macération courte. »
Le boulanger connaît également très bien les paysans-meuniers drômois Jean Tissot (à Eurre) et la famille Hortail (à Mornans), dont il travaille les farines. Ces dernières sont issues de moulins Astrié.
Vincent pratique une « boulangerie intuitive, apprise au toucher, à l’œil, au ressenti de la pâte ». Il a suivi une semaine de formation à l’École internationale de la boulangerie : « Pour mettre des mots et comprendre comment fonctionne la biologie des enzymes et des bactéries. » Il fait fermenter longtemps, sur levain, des variétés anciennes de blé, du petit épeautre, du sarrasin et du seigle. L’Estrelo propose quotidiennement une dizaine de pains de longue conservation.
Le second boulanger est Mallory, un ancien libraire de Lyon formé auprès du Meilleur ouvrier de France Christian Vabret à Aurillac (Cantal). Vincent aime transmettre et voir essaimer son savoir-faire boulanger.
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