La Maison Saint-Honoré sort de Marseille
Après avoir créé trois boulangeries dans la préfecture des Bouches-du-Rhône, Pierre Ragot, l’artisan passionné par les blés et le levain, a ouvert en avril son adresse dans le centre-ville d’Aix-en-Provence. Une clientèle de connaisseurs l’attendait.
Veille de jour férié sur la place de l’Hôtel de Ville d’Aix-en-Provence (13), la file des clients de la Maison Saint-Honoré se renouvelle jusque tard dans la journée. La boutique (autrefois une papeterie) forme un angle entre la rue Paul-Bert et la rue Vauvenargues qui donne devant le café Aix Presso. L’emplacement est idéal en termes de visibilité et de passage. « Avant de choisir Marseille, nous voulions nous installer à Aix avec Lisa. » Le couple, parents de deux enfants, vit à Saint-Rémy-de-Provence (13). Pierre Ragot est tous les jours dans son nouveau fournil.
Les vitrines extérieures exhibent, tels des articles précieux, de très beaux pains Saint-honoré (T80-seigle) et Clandestino (blé de population) aux croûtes foncées, farinées et bien éclatées. La signature de Pierre Ragot. L’espace de vente n’est pas grand — environ 20 m2 —, mais il ne désemplit pas à l’heure du marché, où se presse une clientèle locale et touristique.
Derrière le comptoir, Cécile, Maéva et Orlane exécutent le mieux possible un ballet en vue de contenter tout le monde. Elles servent, tranchent, pèsent et encaissent avec le sourire. Les vitrines sont bien garnies de pains moulés — petit épeautre, riz-céréales, olives kalamata, muësli, saint-honoré truffé, saint-honoré miel, kamut —, de tourtes auvergnates et de grosses miches de pain complet au son torréfié ou 9 céréales torréfiées.
Pas de baguette mais une offre de viennoiseries maison (croissants et pains au chocolat), un kouign-aman aux pommes et des brioches irlandaises surnommées bloomers : roses aux pralines, vertes aux pistaches et brunes au chocolat noir.
Par manque de place, la gamme salée se réduit à une focaccia garnie de tomates, mozzarella et pesto ; et une à la truffe, coppa et fromages.
La formule de son levain fêtiche tatouée
De grandes suspensions rondes en bois foncé mat soulignent un décor sobre couleur pin. Derrière les vendeuses, le four termine de cuire des saint-honoré. Le travail au fournil, commencé dès 3 heures, se poursuit toute la matinée. Olivier, le chef de production, intègre un mélange de graines et de fruits secs avant de façonner. Pierre Ragot, casquette portée à l’envers, lunettes rondes et visage habité par une barbe fournie s’attelle à peser la pâte mouchetée de son qui bulle librement.
Sur le dessus de sa main gauche est tatoué un épi de barbu du Roussillon. Sur la peau tendre de son avant-bras, plusieurs inscriptions comme TH 108 pour “hydratation 108 %”. Pierre Ragot a aussi noté la formule de son levain doublement rafraîchi. « Je me suis fait tatouer le jour de l’enterrement de Thierry Delabre. Un grand boulanger. Nous avions mis près d’un an à mettre au point ensemble Polo, un levain d’exception, à la tenue constante et à moindre acidité », explique son ami.
Malgré les contraintes d’un bâtiment classé — pas de climatisation et pas de cheminée mais un compresseur qui transforme la buée en eau — il a pu installer au premier niveau trois chambres de pousse, une autre pour le levain, le four, deux pétrins plongeants et un oblique plus grand. Un long tour mobile permet de gagner de la place quand il s’agit d’enfourner. Au sous-sol, le tourage et toutes les cuissons autres que les pains sont assurées par Mamadou et son frère Julien.
Comme la plupart des boulangers, Pierre Ragot cherche à embaucher d’autres professionnels motivés pour que chacun ait deux jours de repos. « Un mois après l’ouverture, nous sommes sur les mêmes volumes qu’à la boulangerie d’Endoume [quartier marseillais, NDLR] ouverte il y a dix ans », se réjouit l’artisan.