Lucien Gautier : « Depuis la diffusion de l'émission, nous avons multiplié par deux l'activité »
Il a remporté aux côtés d’Adam Sadet la 11e édition de La Meilleure boulangerie de France, dont la grande finale a été diffusée vendredi 28 juin. Le récit du pâtissier propriétaire de la Maison Gautier à Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Une activité multipliée par deux en boutique depuis vendredi 28 juin, date de diffusion de la grande finale de la 11e édition de La Meilleure boulangerie de France sur M6, et le souvenir d’un concours pas comme les autres. Le pâtissier Lucien Gautier, gagnant de la compétition aux côtés du boulanger de la Maison Gautier d’Anglet (Pyrénées-Atlantiques), Adam Sadet, revient sur une expérience littéralement extraordinaire.
Comment avez-vous décidé de participer à l’émission ?
Nous avons ouvert notre boutique l’année dernière, ça fera un an le 4 juillet 2024. C’était un projet de longue date avec mon frère Sylvain [pâtissier également, NDLR]. Une fois passée la saison estivale, qui est ici [dans le pays basco-landais, NDLR] le moment de l’année où l’on a le plus de monde, notre associé Laurent Salles nous a dit : “Est-ce que cela vous dirait de participer à La Meilleure boulangerie de France ?” Nous venions de vivre une saison vraiment intense, nous avons répondu “oui” sans grande conviction, un petit peu en plaisantant. Trois-quatre jours après, il nous appelle pour nous dire : “Vous êtes inscrits.”
Le tournage pour les sélections régionales avait lieu fin janvier : pour les pâtissiers, c'est un mois compliqué, juste après les fêtes de Noël, avec les galettes des Rois. On ne s’est penchés sur la compétition que quelques jours avant. Nous nous sommes présentés en nous disant que nous avions peu de chance d’aller plus loin : il y avait face à nous des entreprises ouvertes depuis des années, qui s’étaient bien préparées... Bruno [Cormerais, Meilleur ouvrier de France boulanger, juré de l'émission, NDLR] et Noëmie [Honiat, cheffe pâtissière, autre jurée de l'émission, NDLR] ont beaucoup aimé le magasin. On a gagné ce jour-là face à une boulangerie de Tarnos et, à la fin de la semaine, nous avons été sélectionnés pour représenter la région. Je ne dis pas que c’était un coup de chance, parce qu’on a beaucoup travaillé une fois qu’on s’y est mis, mais c’était vraiment inattendu. Voilà, inattendu, c’est le terme exact.
Comment s’est déroulée la finale ?
Le tournage de la finale, qui a duré une semaine, a eu lieu il y a un mois, dans l'Oise [au Domaine de Montchevreuil, à 25 km de Beauvais, NDLR] Là, ce n’était plus du tout la même chose. Nous n’étions plus que 24 [238 boulangeries ont participé à l’émission cette année, NDLR]. La seule chose que nous savions c’est qu’il y aurait tous les jours des épreuves éliminatoires. D’ailleurs, dès le lundi la moitié des équipes ont été éliminées. Les douze restantes ont été divisées en trois poules pour la demi-finale. On s’est retrouvés dans la poule boulangerie, l’épreuve de Noëmie. J’ai trouvé que c’était la plus stressante.
Et la grande finale ?
Moi qui ai fait beaucoup de concours [Lucien Gautier a travaillé pendant dix ans comme chef pâtissier dans des palaces parisiens mais aussi au Vietnam ou aux Seychelles, NDLR], la grande finale, les deux derniers jours, m'a paru vraiment difficile. Pas forcément techniquement et professionnellement, mais la façon dont se déroule la compétition, le fait d’avoir les informations à la toute dernière seconde, avec les éléments imposés, du matériel qui n’est pas toujours professionnel : tout ça fait que c’est difficile. C’est une autre manière d’aborder la profession. Il faut être réactifs, créatifs, sans perdre son sang-froid parce que les caméras sont sur soi en permanence. On ne s’en rend pas compte quand on regarde l’émission mais le cameraman et une personne à côté de lui nous parlent constamment. En plus, à l’intérieur de l'épreuve, ont été ajoutés des défis surprises par trois intervenants Meilleurs ouvriers de France. Ça, ça a été un moment vraiment difficile pour tout le monde. On s’attendait un petit peu à être cuisinés mais c’était trois belles épreuves intervenues à l’intérieur d’une finale déjà assez complète. Tout le monde a terminé dans les temps, dans la douleur, mais c’est passé.
Comment est l’ambiance sur le plateau de tournage, et en dehors ?
Il y a une très bonne ambiance, on n’a pas l’impression de concourir contre les autres, c’est plus comme un examen à passer. Pour autant, ceux qui ont perdu s’en vont tout de suite, et ça, ça jette un froid. Le lundi, dès 8 heures certains étaient éliminés. Au début, nous étions une cinquantaine, l’ambiance était bon enfant, tout le monde rigolait. Le deuxième jour un peu moins, le troisième jour encore un peu moins. Le matin du dernier jour, dans la salle du petit déjeuner, l’ambiance était assez rude. On souriait toujours, mais on était pressés d’arriver au bout. Sinon, les équipes de M6 ont été adorables, les chefs aussi.
D’ailleurs, je tiens à dire que tout ce que l’on voit à la télé se passe réellement comme ça : il n’y a pas eu de prises faites séparément ; quand les chefs nous annoncent les sujets, nous ne sommes pas informés avant ; les temps qu’ils donnent sont les vrais temps. Et quand les caméras sont arrêtées, nous ne reprenons pas le travail.
Et pour votre binôme, Adam Sadet ?
Adam, c’était son premier concours. C’est un super professionnel, il adore son métier, mais il est aussi un peu timide. Je pense qu’il ne s’est pas rendu compte dans quoi il mettait les pieds avant qu’on y soit. Le moment où nous sommes arrivés à Beauvais pour la demi-finale, où il a fallu réaliser l’épreuve maintenant, devant les caméras — et gagner, parce qu’on y allait pour gagner : je pense qu’il va s’en souvenir longtemps. Il a su prendre le dessus par rapport au stress, à la pression, et il a donné le meilleur de lui-même. D’ailleurs, on le voit aujourd’hui au laboratoire, ça l’a fait vraiment grandir.
Quelles sont les conséquences de la diffusion de l’émission sur la fréquentation en boutique ?
Il y a eu un très gros impact de suite. Déjà, lors de la sélection régionale, nous nous sommes retrouvés avec une activité similaire à celle que l’on peut connaître en plein mois de décembre pendant les fêtes de Noël, alors que nous étions au mois d’avril. Ça a un tout petit peu baissé jusqu’il y a deux ou trois semaines, mais l’émission a été diffusée vendredi et on a passé un week-end exceptionnel : je pense que c’est le plus gros week-end de notre année d’ouverture. Même hier [lundi 1er juillet, NDLR] et aujourd’hui, nous avons connu de très belles journées. Nous avons presque multiplié par deux notre activité.
Vous allez pouvoir répondre à la demande ?
Nous avons embauché du personnel. Quand nous avons ouvert, nous étions six ou sept : aujourd’hui, nous sommes treize, dont deux CDD qui ont une forte chance de basculer en CDI en fin de saison au vu de l’activité. Sachant que la saison touristique commence la semaine prochaine... Étonnamment, hier on a vu beaucoup d’Espagnols. Nous avons aussi eu sur les réseaux sociaux des messages du Japon, des États-Unis : des Français de l’étranger qui suivent l’émission. Nous avons même reçu le CV d’une Japonaise ! Ce week-end, beaucoup de gens sont venus nous féliciter. Cela fait deux ou trois fois que l’on nous interpelle dans la rue pour nous féliciter avec mon frère, que des voitures nous klaxonnent… La production nous avait dit que l’émission était très suivie, mais nous ne pensions pas que c’était à ce point.
Quels sont vos projets ?
Nous allons attendre quelques semaines pour voir de quelle manière on va réussir à absorber cette activité, comment ça va se développer, durer. Mais sur le long terme, avec Sylvain, nous aimerions nous agrandir, ouvrir un autre Maison Gautier dans la région ou ailleurs en France ; peut-être même à l’étranger, selon les opportunités qui vont s’offrir à nous.