La Boulangerie du Louvre : un fournil bâti sous la Pyramide
Début juin a ouvert une boulangerie au musée du Louvre, à Paris. Un véritable défi technique dans un lieu où l’on redoute plus que tout les incendies. Quand l’art de panifier à la française se retrouve au milieu des plus belles œuvres du monde entier.
C’est une première au Louvre, et peut-être dans tous les musées du monde. Début juin, dans le hall Napoléon — sous la célèbre Pyramide —, après trois mois de travaux, le fournil de La Boulangerie du Louvre a commencé à produire pains, sandwichs ou croissants pour les visiteurs. Une proposition artisanale « audacieuse » du concessionnaire Musiam, portée initialement par Alain Ducasse et mise en œuvre par les boulangers prestataires Arnaud Chevalier et Pascal Rigo, en collaboration avec les équipes de l’immense institution parisienne (près de 73 000 m2).
Audacieuse parce qu’une telle installation « crée une proximité avec le risque sous Pyramide, là où transite le public, contextualise Françoise Bonnevialle, chef du service des concessions du domaine du Louvre. Or, « un fournil, ce sont des températures très élevées et des émanations de fumées susceptibles de déclencher le système de détection des incendies, dont le maillage est très important au Louvre pour protéger les visiteurs, les œuvres et le bâtiment, poursuit-elle. L’alarme amène à évacuer tout le hall, plusieurs milliers de personnes : les gens ont peur, ils doivent sortir sans avoir récupéré leurs affaires, il peut y avoir des mouvements de panique… c’est une logistique infernale pour nos collègues de la surveillance. Il fallait donc arriver avec les bonnes solutions techniques, en matière d’extraction de l’air et de sécurisation notamment. »
“Une vraie boulangerie dans un musée c’est un gros défi technique”
C’est là que sont intervenus Arnaud Chevalier et Pascal Rigo, fondateurs de la chaîne de franchises La P’tite Boulangerie. « Installer des boulangeries dans de petites surfaces, c’est un peu notre spécialité, souligne le premier, qui dirige dorénavant sur place une équipe de sept boulangers. Une vraie boulangerie dans un musée, c’est un gros défi technique [la concession était auparavant attribuée à une franchise Paul et les produits livrés déjà préparés, NDLR]. Nous avons dû trouver un système permettant de récupérer les buées, par exemple. On a opté pour un appareil assez rare, qui les capte, les transforme en eau et les envoie dans le circuit d’évacuation de l’eau. Nous l’avions déjà utilisé mais cela n’avait pas été testé sur de si gros volumes de fabrication. »
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Côté comptoir de vente, une paroi vitrée permet aux visiteurs d’assister à la fabrication des croissants et à la cuisson du pain, pétri dans un labo situé derrière. « On a beau s’appeler boulangerie, tout le monde ne comprend pas que le pain est fait et cuit sur place, argumente Arnaud Chevalier. L’idée est de le matérialiser en mettant un four et un espace permettant aux visiteurs de voir le travail de la pâte. Comme nous n’avions pas assez de place pour créer un fournil entièrement à cet endroit, nous avons choisi de garder les moments clés de la production. Certains peuvent rester devant pendant une demi-heure », se réjouit-il.
Le Pain du Louvre et son farinage représentant la Pyramide, un produit signature
Dans le cahier des charges de l’appel d’offres du musée — publié en décembre 2022 — figurait la volonté de « proposer une expérience culinaire qui soit le prolongement de celle du Louvre », précise Ariane Extremet, chargée de développement des concessions du domaine. Ainsi, un choix de produits « les plus représentatifs de ce qu’est la gastronomie française au niveau de la boulangerie et de la pâtisserie », selon les termes d’Arnaud Chevalier, a été effectué.
L’offre s’insère également dans les engagements RSE « très ambitieux » du musée. Les farines, en provenance des Moulins Fouché (Essonne), sont biologiques ; le blé pousse dans un rayon de 50 km autour du moulin, le pain est au levain et les produits sont bio, locaux et en circuit court dans la mesure du possible.
Trois créations exclusives sont proposées pour le moment : un croissant signature au chocolat de la Manufacture Alain Ducasse avec glaçage au rocher (chocolat et amandes hachées torréfiées), un pain du Louvre d’1 kg aux farines T80 et de seigle décoré d’une Pyramide au pochoir ; et un sandwich ficelle au poivre de parmesan, chiffonnade de jambon de Paris et comté ; « très parisien », en dit Arnaud Chevalier. « Ce qui est intéressant c’est que, souvent, dans un sandwich, il y a beaucoup de pain et assez peu de garnitures. Là comme on est sur une ficelle, c’est assez équilibré. »
Pas d’accès au fournil avant 6 h 15 du matin
Le Pain du Louvre, une fois tranché, alimente les tables du restaurant voisin ; et les sandwichs, les espaces de vente à emporter situés à l’étage au-dessus. Une vingtaine de pièces et quelque 1 500 sandwichs sont ainsi fabriqués chaque jour, avec une contrainte : l’impossibilité, pour des raisons de sécurité, de démarrer la production avant 6 h 15, heure à laquelle arrivent les premiers employés du musée. Résultat : les pains et pains sandwichs sont cuits en continu tout au long de la journée, et certains produits sont précuits la veille puis “flashés” le matin.
Dernier hommage à l’art de la panification dans le plus grand musée du monde, le levain Vitus — issu de la bibliothèque de levains de Puratos à Saint-Vith (Belgique) et utilisé pour tous les pains de La Boulangerie du Louvre — serait le seul au monde à avoir fait l’objet d’une toile, l’œuvre d’un boulanger-peintre intitulée Bread of Life (Le Pain de vie, en anglais) dont une copie rejoindra bientôt l’espace de vente.
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