Pâtisserie « Les effectifs arrivent à parité »

La Toque Magazine (LTM) : En sections boulangerie et pâtisserie, la féminisation du métier est-elle une réalité mesurable ? Régis Bigot (R.B.) : « Avec mes collègues, nous sommes allés voir la proportion filles/garçons dans nos effectifs en remontant quinze ans en arrière. En CAP pâtisserie, le constat est très clair : avant les années 2000, il n'y avait que des gars. Ces dernières années, les effectifs arrivent quasiment à parité, sans que ce soit une volonté de l'établissement ! Par contre, en CAP boulangerie (ouvert en sept. 2014), les filles restent encore très minoritaires. En Bac pro boulangerie-pâtisserie (ouvert en sept. 2010), on est également à égalité, l'objectif de la formation étant de découvrir à la fois la boulangerie et la pâtisserie. Cela dit, en fin d'année de première, les élèves ont la possibilité de passer un CAP intermédiaire : les filles choisissent systématiquement le CAP pâtissier ! Pour nous, la féminisation en pâtisserie est une évidence, même si nos chiffres ne sont pas forcément superposables à l'échelle nationale. »

LTM : Voyez-vous des différences notables dans la manière de travailler ? R.B. : « De fait, les filles font preuve d'une grande motivation et savent pourquoi elles sont là. Elles ont conscience qu'il faut se battre pour se faire une place dans un métier très masculin. Cette volonté se traduit à tous les niveaux : ponctualité, rapidité, mémorisation des tâches, tenue vestimentaire, concentration, prise d'initiative… Elles font aussi preuve de beaucoup de créativité, de sensibilité esthétique et de précision, comme le démontrent leurs résultats dans les concours artistiques locaux qu'on les invite à passer. Une fille va, par nature, chercher à comprendre le « pourquoi du comment ». Cette exigence peut expliquer leur affinité pour la pâtisserie. Les gars ont en général une approche plus instinctive, spontanée et plus physique, surtout en boulangerie. Ils aiment toucher, ressentir et brasser la matière. Ils excellent dans le « gros oeuvre ». Bien sûr, ce schéma est un peu caricatural… mais cette touche féminine en production ne manquera pas de transformer en profondeur les pratiques du métier ! »

LTM : Et ensuite, en entreprise, comment se passent l'intégration et l'insertion ? R.B. : « Pour la même raison, l'intégration se fait sans problème. Les jeunes filles prennent vite leurs marques et deviennent rapidement autonomes. Elles ont une aptitude certaine pour l'innovation et entrent facilement dans l'univers du snacking. Elles n'ont aucun souci à l'embauche et montent vite en responsabilité. En fin de compte, c'est une grande chance pour la profession qui doit toujours se renouveler et qui dispose là d'un vivier de talents motivés, engagés, créatifs et polyvalents ! Les chefs d'entreprise devront s'adapter à ce nouveau public, généralement plus sensible, en ajustant leur propre mode de relation et en surveillant les rapports au sein du personnel. »

Propos recueillis par Armand Tandeau (publié le 20 janvier 2016)