Emma Duvéré : du goût à moindre impact

Isabelle Cabrera en salle et Emma Duvéré au labo, les deux cofondatrices se sont réparties les rôles, tout en partageant les mêmes valeurs.

Du petit déjeuner au tea time, en passant par les déjeuners en semaine et les brunchs le week-end, la pâtisserie-cantine parisienne Emma Duvéré veille à limiter son impact sur l’environnement, tous postes confondus.

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“Avez-vous vraiment besoin d’un sac ?” Cette question inscrite sur une affichette positionnée au niveau de la caisse donne le ton de la maison. Chez Emma Duvéré, on prend soin de l’environnement. Cela n’empêche pas certains clients de réclamer des emballages au moindre petit achat. « Le changement d’habitudes requiert de la pédagogie et du temps », observe Isabelle Cabrera, cofondatrice et cheffe de salle de la pâtisserie-­cantine installée dans le 11e arrondis­sement de Paris.

Isabelle Cabrera en salle et Emma Duvéré au labo, les deux cofondatrices se sont réparties les rôles, tout en partageant les mêmes valeurs. (© B. GUICHETEAU)

L’équipe a rejoint son adresse actuelle fin 2018, après le lancement d’une activité à domicile puis dans un micro-local de 17 m2 avec vente au comptoir. Titulaire d’un double CAP (cuisine et pâtisserie), Emma Duvéré, l’autre cofondatrice, y produisait déjà une courte gamme traiteur pour les particuliers et quelques bars-cafés du quartier : des gâteaux, quiches, soupes, cakes…

L’offre s’est élargie avec le déménagement, sans que la philo­sophie ne change : à savoir un mélange de sucré et de salé 100 % fait maison, à partir de produits en majorité biologiques (ou cultivés en agriculture raisonnée) et en circuits courts autant que possible, comme le précise la grande ardoise déclinant le menu du jour. « Elle s’est également enrichie d’un plat quotidien après le confinement, à la demande de nos clients réguliers, en attente d’une proposition chaude et réconfortante », note Isabelle Cabrera. Le vendredi 24 janvier, un rougail saucisses cohabite ainsi avec les sandwichs, quiches (trois recettes de saison au choix), croques (un classique et un éphémère), focaccias et veloutés, proposés en deux formats pour coller aux petits et grands appétits, sans gâchis.

Ce jour-là, des pizzettes complètent la carte : une garniture de coulis de tomates, parmesan, pesto maison, brocolis, champignons et olives, sur un fond de pâte feuilletée constitué à partir des rognures de feuilletage des galettes en ce mois d’Épiphanie. Les fonds de cuve de frangipane sont recyclés dans les croissants et pains au chocolat aux amandes, eux-mêmes réalisés à partir des viennoiseries de la veille. Dans le même esprit, figure aussi un gâteau de brioches perdues. « On essaye de réduire au maximum les pertes et le gaspillage », assure Emma, qui recycle les parures de ses poires et pommes normandes dans une gelée utilisée comme nappage sur ses tartes.

Les pizzettes aux légumes : une création maison pour valoriser les rognures de feuilletage des galettes et chaussons. (© B. GUICHETEAU)

Une dynamique collaborative

La démarche RSE de la pâtisserie-cantine a naturellement démarré avec la sélection des matières premières. « On voulait travailler et proposer les meilleurs produits », affirment les deux cofondatrices, qui ont soigné leur approvisionnement en identifiant des producteurs locaux (comme la ferme de Mont Saint-Père, dans la Sarthe, pour des œufs biologiques en direct) et en recourant à des grossistes partageant leurs valeurs, à l’instar d’Alternoo ou de Biocoop Restauration. Dans une logique solidaire, elles s’appuient sur des réseaux et des collectifs (lire encadré) comme La Ruche qui dit oui pour avancer.

Cette dynamique collaborative est vertueuse à plus d’un titre. « Elle nous permet de partager des bonnes pratiques et de nous entraider, par exemple en mutualisant des commandes pour atteindre un franco de port [pratique commerciale où le vendeur prend en charge le coût du transport des marchandises, NDLR] et optimiser au passage notre empreinte carbone », illustre Isabelle, engagée dans l’association Village Popincourt qui fédère soixante artisans et commerçants indépendants du quartier.

Croissants au beurre AOP de la veille et fonds de cuve de frangipane, pour une recette gourmande. (© B. GUICHETEAU)

Leurs efforts se sont ensuite portés sur les emballages, gros poste de gaspillage. Chez Emma Duvéré, les assiettes, couverts et gobelets pour la consommation sur place sont lavables, conformément à la réglementation. Quid de la vente à emporter, qui représente 70 % des commandes en semaine et 50 % le week-end ? « On propose trois solutions au choix : les boîtes et sachets classiques en papier ou en carton, l’emballage de l’acheteur, et les contenants consignés Vytal », détaille la cheffe de salle. Et d’ajouter : « On incite nos clients à venir avec leurs propres contenants en leur offrant une remise symbolique de vingt centimes d’euro. » Pour autant, « le changement peine à s’opérer », constate Isabelle, qui se demande « comment communiquer efficacement sur le sujet pour sensibiliser les gens sans se poser en donneur de leçons ? »

Au-delà de la vente et des clients, « cette problématique concerne aussi l’approvisionnement et les fournisseurs », pointe Emma qui se réjouit d’avoir récemment troqué le conditionnement à usage unique de ses œufs contre des alvéoles en plastique réutilisable.

Les quiches grand format sont proposées à la part, à emporter ou à déguster sur place, dans de la vaisselle lavable, comme l'impose la loi depuis le 1er janvier 2023. (© B. GUICHETEAU)

Une charte écoresponsable lisible en ligne

Toutes ces mesures anti-gaspillage, listées dans une charte consultable sur le site internet de la boutique, n’évitent pas la production de déchets et d’invendus. Les emballages de fournitures partent au tri sélectif et 100 % des déchets organiques — soit 50 kg par semaine — sont collectés et transformés en compost par Les Alchimistes.

Concernant les invendus, la pâtisserie-cantine a créé un compte Instagram bis baptisé @balancepastoncake, pour lister en story ses produits remisés du jour. « Cela fonctionne bien auprès de nos abonnés du quartier », rapporte Isabelle Cabrera, qui a mis ce système en place « pour simplifier la gestion des invendus, après avoir testé l’application Too Good To Go, aux frais de commission élevés ; et des dons à des associations, vite chronophages le soir. Et on fait des cadeaux à nos habitués par-ci, par-là ! » Une bonne manière de fidéliser sa clientèle sans impacter la planète.

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