Alors que chaque Français consomme en moyenne 3 kg de café par an, les artisans ont tout intérêt à profiter de cette filière en ébullition. Mais pour faire rimer rentabilité et café en boutique, il est essentiel de miser sur des produits de qualité autant en matière d’équipements que d’ingrédients. Éclairages avec des spécialistes qui évoquent sans filtre l’évolution du secteur.

Après le snacking, le coffee shop a progressivement infiltré l’univers de la boulangerie-pâtisserie en France. « Les boissons chaudes représentent une part de plus en plus importante du chiffre d’affaires des artisans, qui se rendent compte de l’importance de proposer des places assises », précise Hippolyte Courty, fondateur de L’Arbre à café, rencontré au dernier Paris Coffee Show en septembre dernier. Toutefois, une adresse sans terrasse ou tables en intérieur peut aussi profiter de cet attrait pour les boissons chaudes — et même froides, avec le cold brew — hors domicile. « Je ne pourrai pas dire si c’est une bonne nouvelle ou non, mais la population est désormais fan du tout à emporter », ajoute le spécialiste. Et le café — boisson chaude préférée des Français — s’intègre parfaitement à ce mode d’achat. Un business qui peut s’avérer plus que porteur quand on sait qu’un habitant consomme en moyenne 3 kg de café par an, soit l’équivalent de 500 tasses par an, indique Statista. Autre chiffre à retenir : en 2022, l’Hexagone était le deuxième pays en valeur des importations de café depuis le Brésil (plus grand exportateur mondial), pour environ 14 millions de dollars.

Une filière loin de se tasser

D’après une étude Circana (groupe de conseil aux entreprises), relayée en juin dernier dans un article LinkedIn, le café servi sous forme de consommations est un marché de plus de 36 milliards de dollars dans le monde, enregistrant une augmentation de 5 % dans tous les pays étudiés. Et la France fait partie des dix pays qui contribuent le plus au chiffre d’affaires de l’industrie du café, précise Statista. En somme, les artisans pourraient aussi goûter à cet engouement. « Ils ont compris que c’est un élément clé de leur offre », décrypte Hippolyte Courty. Tom Clark, cofondateur des boutiques-ateliers de torréfaction et coffee shops Coutume confirme cette tendance. « Il y a un vrai potentiel autour de ce produit. Avoir un super café associé à une viennoiserie ou une pâtisserie, c’est un plus », relève-t-il.

Le président de Coutume Tom Clark aux côtés de Mickaël Verollet, chef exécutif. (© É-E MOREAU)

« On a longtemps été spécialisés dans la haute gastronomie, dans le monde du vin et, depuis six ans environ, on s’est ouverts à différents marchés. Maintenant, outre les espaces de vie, les tiers-lieux et l’hôtellerie, notre clientèle en croissance est justement la boulangerie-pâtisserie. Le client vient nous voir soit pour la qualité et l’excellence, soit pour les valeurs et l’engagement que nous portons », précise le fondateur de L’Arbre à café, qui accompagne notamment Pierre Hermé et Léonie Bakery — enseigne parisienne ayant ouvert dix boutiques en trois ans.

« Aujourd’hui, le café est l’élément qui va permette au boulanger de se différencier et de renforcer son identité », affirme-t-il. Un constat partagé par Tom Clark, qui travaille également avec 400 clients professionnels, plutôt orientés entreprises et café-hôtellerie-restauration. Dans cette dernière catégorie, « il y a de plus en plus de boulangeries », déclare-t-il. Il compte notamment parmi ses clients le boulanger-pâtissier Christophe Vasseur, de l’enseigne Du Pain et des idées qui, après Paris, vient de s’installer à Saint-Jean-de-Luz [Pyrénées-Atlantiques]. « Nous travaillons aussi avec la boulangerie parisienne Julhès, située rue du Faubourg-Saint-Honoré [10e arr.]. Et, depuis des années, avec Poilâne. »

Du côté du fabricant de machines à café Jura, outre l’entreprise, la boulangerie-pâtisserie est aussi une clientèle qui monte. Pour Lionel Cassette, directeur général de la filiale France de la marque : « Offrir ce service complémentaire est source de revenus supplémentaires pour le boulanger. » Hippolyte Courty parle même « de rentabilité extraordinaire ». Mais comme pour tout, le choix des ingrédients est déterminant.

Miser sur des produits de qualité pour en faire votre spécialité

« L’Arbre à café — entreprise de café artisanal — est pionnier du café de spécialité en France puisqu’on existe depuis 2009. Nous sommes à la fois le producteur et le torréfacteur. Notre établissement repose sur trois grands principes : l’expérience gustative, la maîtrise de toute la chaîne de valeur, et l’engagement vrai », liste Hippolyte Courty. Un élément facteur de différenciation auquel le consommateur prête de plus en plus attention. « On est société à mission, B corp, spécialisée dans les agricultures régénératives, notre production est certifiée Demeter, et on est bio a minima. Cela peut être un argument de vente supplémentaire », poursuit Hippolyte Courty.

À ce propos, Statista indique que “les consommateurs sont aujourd’hui en recherche d’un café de qualité et sont plus sensibles à l’expérience utilisateur”, cela à la faveur du café en grains “car il permet de conserver les arômes et les qualités nutritionnelles du café, contrairement aux autres types de produits”. En 2022, 90 % des consommateurs de café en grains se déclaraient très satisfaits de ce type de café, contre seulement 77 % de satisfaction pour le café moulu, selon un sondage Ifop.

« Le café est un produit très agile, qui permet d’éduquer le palais du consommateur. Il peut être extrait de différentes manières, et ces dernières sont susceptibles d’être sublimées par du lait, des boissons végétales. Les artisans sont en position d’imaginer leur boisson signature : c’est un vrai terrain d’expression à forte valeur ajoutée, et c’est ce que recherche le client en boutique », souligne Tom Clark. Et d’ajouter : « La clientèle s’intéresse au contenu de sa tasse. Si l’artisan met son savoir-faire artisanal en avant, prône déjà une démarche éthique pour les ingrédients de ses produits de boulangerie, le faire pour le café n’apportera que davantage de cohérence et de performance. En se démarquant ainsi, il offre une expertise ainsi qu’une expérience client globale. »

Outre la qualité du grain, l’eau est aussi une composante importante dans la réalisation d’un bon café, indique le directeur général de Jura, Lionel Cassette. Mais ce dernier ajoute qu’il faut aussi « une machine dotée de grandes performances d’extraction ».

Des machines automatiques et performantes pour corser son offre

Ajouter un café de spécialité à sa carte ne signifie pas forcément allonger ses horaires. Bien évidemment, en tant que coffee shops, les établissements Coutume emploient de véritables baristas. « C’est essentiel. Nous travaillons avec l’humain. C’est lui qui va préparer le café. Il est le dernier maillon de la chaîne après tout le processus réalisé en amont : ceux qui ont cultivé, transporté, et torréfié le café. C’est l’alchimie finale », argumente Tom Clark. Il ajoute : « Il y a quelques éléments indispensables qu’il faut respecter, entre la mouture, le ratio café/eau, l’extraction… Maîtriser les bons gestes grâce au suivi d’un torréfacteur peut être bénéfique. » Selon l’entrepreneur, il s’agit d’un investissement en temps important, qui sera valorisé par le client par la suite.

C’est d’ailleurs le parti pris de la boulangerie Le Pain grillé, à Vannes, dans le Morbihan. Fabien Le Priol a suivi une formation de barista pour « amener une valeur ajoutée » à son enseigne. Mais tous les artisans — qui manquent bien souvent cruellement de temps et d’effectifs — ne peuvent assurer une telle organisation. Fort heureusement, les équipements de pointe permettent d’offrir un café de qualité. Si rien ne vaut le savoir-faire d’un professionnel, Christophe Herbé, gérant de la Brûlerie chartraine (Eure-et-Loir), estime qu’un bon vendeur en boutique est l’un des éléments clés, notamment grâce aux nouvelles machines. Celles-ci permettent de préserver les profils aromatiques du produit et de varier les préparations. « Le matériel joue un rôle incontournable, notamment au niveau de la stabilité thermique et de la pression, sans compter la fiabilité et la précision des pièces. Cela est applicable à chaque matériel, du moulin jusqu’à la machine à expresso et autres », pointe Tom Clark.

Une machine à café filtre chez Coutume, boutiques, ateliers de torréfaction et coffee shops. (© É-E MOREAU)

« Aujourd’hui, pour accompagner nos clients, nous proposons plusieurs marques de machines remplissant notre cahier des charges ; qui répondent à des budgets comme à des approches et des pratiques différentes, détaille le cofondateur de Coutume. La machine automatique devient de plus en plus qualitative, et l’on observe une vraie démocratisation de ces équipements, dotés d’une vraie technologie. Certaines intègrent même de l’intelligence artificielle. D’autres technologies apparaissent aussi dans les machines traditionnelles. Cela génère gains de temps et précision. Des moulins sont capables de moudre au grammage renseigné, sans parler des machines connectées, télémétriques. On assiste vraiment à une révolution dans le secteur du matériel », ajoute-t-il. Hippolyte Courty plussoie : « La très bonne nouvelle, c’est qu’il y a dix ans il n’y avait pas de bonnes machines super automatiques, mais aujourd’hui si. On peut délivrer une qualité facilement et rapidement, sans barista, avec un rendu extraordinaire. Et nous accompagnons aussi nos clients sur ce critère. Il n’existe pas un unique boulanger-pâtissier. En fonction de ses contraintes et besoins, de sa clientèle, nous trouverons la machine la plus adaptée au meilleur prix », avance le fondateur de L’Arbre à café.

Le directeur général de Jura abonde : « Une telle offre est assez simple à mettre en place, avec des machines tout automatiques qui sont assez simples à manipuler. »

Si investir dans un tel équipement peut en freiner plus d’un, surtout avec la hausse du coût de certaines matières premières et de l’énergie, l’investissement est progressivement amorti si tous les critères en termes de qualité et d’optimisation sont appliqués. D’après Lionel Cassette, selon les marques, la durée de vie d’une machine est d’environ six à neuf ans. Une bonne façon donc de faire grimper le ticket moyen, du petit déjeuner au tea time, en développant un nouveau business rentable.