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Chez Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes) : Laurent, Mamadou, Victor et Igor.
Chez Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes) : Laurent, Mamadou, Victor et Igor. © A. VALOIS

Laurent Pelhâte : rompre la monotonie

Dans le centre-ville de Gap (Hautes-Alpes), le boulanger Laurent Pelhâte et son équipe travaillent quinze farines différentes sur levain. Les qualités nutritives de leurs onze pains sont un leitmotiv pour ces sportifs qui servent une clientèle de montagnards. Pour éviter de s’épuiser au fournil, la boutique n’ouvre que quatre jours sur sept.

Lopain de Terre a fêté ses dix ans cette année. Devant cette boulangerie bio du centre-ville de Gap (Hautes-Alpes), les clients patientent pour être servis les mardis après-midi, mercredis de 7 heures à 19 heures, vendredis après-midi, et samedis jusqu’à 13 heures.

« Les Gapençais ont compris que nos pains se gardent, ils n’ont pas besoin de venir tous les jours. Nous produisons entre huit cents et neuf cents kilos de pain, sur deux jours par semaine, et prenons un week-end de trois jours toutes les trois semaines », indique Laurent Pelhâte tout en observant l’étonnement dans le regard de son interlocutrice.

Cet artisan boulanger a mis en place l’organisation qui lui convient le mieux pour ne pas s’épuiser à la tâche, et un écosystème qui lui ressemble : son fournil et sa boutique sont de taille modeste, son équipe est mixte, avec trois salariés et deux apprentis.

Laurent Pelhâte l'artisan boulanger de Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes). (© A. VALOIS)

Stabiliser l’équipe

Mélissa est apprentie en vente, et Mamadou apprenti en boulangerie. La pâtissière Marianne partage son poste entre la préparation de gâteaux de voyage et de tartes, et la vente. Les deux boulangers, Igor et Victor, ont exercé un autre métier précédemment. Le premier était cuisinier et le second était spécialisé dans les systèmes d’information géographique. Eux aussi sont au comptoir de vente cinq heures par semaine.

« Le temps de la vente est pour tous une respiration, autant pour le physique que pour le mental. Être au magasin au contact des clients, cela enrichit l’expérience et fait travailler les neurones autrement », explique le boss, qui tient à rompre la monotonie et à stabiliser son équipe.

Chez Lopain de Terre à Gap, l'Ibex est un seigle-sarrasin enrichi de 35% de fruits secs et oléagineux. (© A. VALOIS)

Laurent Pelhâte a une carrière de sapeur-pompier derrière lui. Il fut également cordiste et secouriste en haute montagne. «Je me suis intéressé aux pains en tant que consommateur et sportif [il a pratiqué le VTT à un haut niveau, en compétition, NDLR]. Entre 1996 et 2004, j’ai rencontré plusieurs artisans boulangers inspirants. Puis, j’ai goûté les pains de La Paline à Sisteron et suis peu à peu entré dans l’approche du biologiste devenu boulanger, Thomas Teffri-­Chambelland. Mais je n’ai pas suivi la formation de l’École internationale de boulangerie», précise-t-il.

En réalité, il troque son uniforme de pompier directement contre celui de boulanger. Il s’essaye au métier en 2010 et en 2011 dans le petit fournil de La Paline, avec l’équipe initiale de Thomas Teffri-Chambelland.

Laurent s’imprègne des qualités de l’artisan : robustesse, délicatesse et générosité. Il se rend sur les marchés, notamment cours Julien à Marseille, et comprend combien il peut prendre plaisir à vendre ce qu’il a conçu de ses mains. « Il faut, sinon du charisme, au moins de l’assurance, et savoir réagir dans l’instant. C’est une improvisation presque théâtrale, avec de l’humour, de l’auto­dérision, pour s’adapter aux clients, répondre à leurs petits caprices avec souplesse tout en restant droit. Si l’on n’a pas de plaisir à vendre, je crois que l’on passe à côté de quelque chose », se souvient-­­il.

Pains Trio (blé T80, seigle T170 et grand épeautre T170) et Loméga (blé T80, seigle T170, graines de courge, de lin, de sésame et de tournesol). (© A. VALOIS)
Pain apéritif, aux olives et agrumes confits. (© A. VALOIS)
Pizza et pissaladière maison, chez Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes). (© A. VALOIS)

Vivre de son travail en gardant du temps pour soi

Rapidement prêt pour le CAP, il passe son diplôme en candidat libre, puis cherche à inventer la formule qui lui permettra de vivre de ses pains tout en gardant du temps pour lui. Pourtant, quand il trouve le local de Gap au printemps 2013, il investit le lieu en travaillant seul d’arrache-­pied avant de pouvoir embaucher. « Les six premières années, au rythme de soixante-dix heures hebdomadaires, ont été beaucoup plus physiques que ce que je vivais dans le métier de pompier », confie-t-il.

Aujourd’hui, le boulanger expérimenté a à cœur de diluer la charge physiqueen la faisant reposer sur plusieurs personnes, mais il est systématiquement présent au moment des pétrissages.

Quinze farines et onze pains différents

Laurent Pelhâte a sélectionné quinze farines, pour leur goût et leur « générosité nutritionnelle ». Elles sont moulues sur meule de pierre par deux agriculteurs des Hautes-Alpes, d’Aspremont et duVillard. Le Moulin Pichard, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le livre également. « Plus il y a de fibres, moins il y a de sucre. Et le levain naturel transforme l’indice glycémique, tout en rendant les protéines du blé assimilables par l’organisme », poursuit-il.

Farine paysanne utilisée par Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes). (© A. VALOIS)
Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes), propose onze pains différents. (© A. VALOIS)
Chez Lopain de Terre à Gap (Hautes-Alpes), chaque salarié passe 5h à la vente. (© A. VALOIS)

Chez Lopain de Terre, pas d’espace pour des chambres de pousse. Le pointage est direct, avec sept heures de fermentation en masse. Les trois boulangers pratiquent la découpe instinctive, « qui nécessite de faire corps avec la pâte », des pains Trio (blé T80, seigle T170 et grand épeautre T170) et de Loméga (blé T80, seigle T170 ; graines de courge, de lin, de sésame et de tournesol). D’autres pains sont moulés, comme l’Alpin (blé khorasan, seigle et petit épeautre), le Ker-Pern (seigle et sarrasin T170), le Riz tournel (farines de riz, de sarrasin, de pois chiche et de tournesol) ou encore le pain de mie japonais. La boutique propose onze pains différents ! Et des recettes boulangères salées aux légumes et aux fromages locaux, cuisinées par Igor.

Le coureur de trail Julien Michelon apprécie l'Ibex, un seigle-sarrasin enrichi de 35% de fruits secs et oléagineux. (© A. VALOIS)

Sur les conseils de la nutritionniste Emma Rousseau, le boulanger a amélioré ses recettes. Son pain baptisé Ibex est un seigle sarrasin enrichi de 35 % de fruits secs et d’oléagineux. Les randon­neurs et les sportifs de haut niveau, comme la biathlète Lola Gilbert-­Jeanselme et le coureur de trail Julien Michelon, l’apprécient en remplacement d’une barre énergétique.

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