Concours de la meilleure brioche tressée, quiche lorraine, galette des Rois, du meilleur pâté lorrain et, bien sûr, de la meilleure baguette de tradition… Yann Dotto-Grégoire aime participer aux challenges professionnels organisés par la fédération des boulangers de son département, la Meurthe-et-Moselle.
« Je suis plutôt discret, raconte-t-il, j’aime être dans mon fournil. Mais pour les concours, là, je quitte Bayon, la boutique. Je pense que c’est une excellente occasion de se remettre en question, de se confronter à ses collègues, mais aussi de se faire connaître.»
Cette année, au mois d’avril, la boulangerie Les Gourmands Disent a remporté le troisième prix du concours de la meilleure baguette de tradition organisé dans le cadre de la Foire-expo internationale de la capitale meurthe-et-mosellane. En 2021, elle avait remporté le prix de la meilleure galette à la frangipane.

Yann aime aussi une autre forme de challenge quotidien, celui de proposer à sa clientèle des produits de qualité mais qu’il sait faire évoluer : « Ce sont la plupart du temps des évolutions à la marge, précise-t-il, dans le choix des matières premières, des pratiques. Souvent, les clients ne les perçoivent pas parce qu’elles sont subtiles. Mais nous avons à cœur de toujours chercher le meilleur.»
Une affaire qui leur ressemble
Avec sa compagne, Eve-Hélène, 37 ans, il a ouvert cette boulangerie en 2018. Le boulanger est un enfant du pays, originaire d’une commune proche. Sa compagne est, elle, d’origine vosgienne, de Gérardmer. Salariés tous les deux pendant plusieurs années, ils ont souhaité lancer en couple une affaire qui leur ressemble : simple et chaleureuse, dans laquellela satisfaction du client est le leitmotiv.

À l’image, aussi, de ces grosses pièces rustiques dont la boulangerie s’est fait une spécialité. « Notre gamme comporte une quinzaine de pains et beaucoup des pièces longues, des pavés tradition. Ils sont produits à l’aide de méthodes à l’ancienne, avec très peu de façonnages, précise Yann. Nous en changeons aussi régulièrement une partie. En ce moment, ce sont des pains au potimarron ; demain, ce sera noix-roquefort. Nous allons proposer du chorizo-noisette, un pain au Beaujolais. Nous fabriquons bien sûr de la baguette blanche, classique, car une partie de la clientèle y est toujours très attachée.»
Les pains sont fabriqués soit à base de levure classique — la moitié de la production environ —, soit de levain. Pour ce dernier, deux types sont utilisés : liquide classique et seigle. Les farines sont achetées chez deux petits meuniers, le Moulin d’Heucheloup, installé dans le département voisin des Vosges, et celui de Vincelles, près de Dijon.
Elles sont toutes labellisées Culture Raisonnée Contrôlée ou Agriculture Biologique. « Nous réalisons nous-mêmes nos mélanges et n’utilisons pas de mixes. La farine bio est utilisée pour le goût, l’intérêt nutritionnel, souligne Yann, mais nous ne vendons pas sous ce label. Nous estimons que les contrôles ne sont pas très sérieux. Il faut payer pour utiliser l’appellation et le retour n’est pas à la hauteur. »

L’équipe compte cinq personnes : trois en production, deux à la vente, plus un apprenti. Pour la pâtisserie, c’est Léon, 28 ans, qui est aux commandes. «C’est une pâtisserie simple, des entremets, des tartes de saison, mais nous lui laissons carte blanche, souligne Eve-Hélène. Nous l’avons envoyé en formation chez Stéphane Glacier, Meilleur ouvrier de France, près de Paris. Léon peut faire des desserts très beaux, avec des gâteaux en trompe-l’œil. Ses pièces montées sont aussi très demandées. Il en a conçu une inspirée par le jeu vidéo Super Mario, qui a été très appréciée ! »
Un rôle de conseil
La boulangerie existait depuis 35 ans quand le couple l’a achetée. La décoration du magasin a été refaite, une partie du matériel renouvelée ; toujours dans l’optique de réduire la pénibilité, avec notamment l’investissement dans une chambre froide et une autre négative. La boutique est fermée le lundi et le jeudi toute la journée, ouverte le dimanche matin. «Nous souhaitons aussi profiter de nos enfants — trois filles, expliquent ceux qui sont à la tête d’une famille recomposée. Ne pas tout sacrifier à notre activité. »
Cette commune située à 30 km au sud de Nancy a 1 600 habitants. Avec les petits villages environnants sans commerces, cette population monte à 8 000 personnes. Bourg-centre, la commune, compte deux écoles et un collège. Elle bénéficie aussi de la présence d’un environnement touristique attractif, avec la boucle de la Moselle et un camping en périphérie.
« Auprès de notre clientèle, nous avons un vrai rôle de conseil, souligne Eve-Hélène, les gens sont perdus dans des informations parfois contradictoires, vues à la télévision ou lues sur les réseaux sociaux. C’est quand même incroyable de montrer une diététicienne sur un plateau télé disposer une baguette à côté de son équivalence en morceaux de sucre ! C’est très dévalorisant pour notre métier, estime-t-elle. Les gens sont aussi perdus entre levure et levain. Ils pensent que la levure est forcément sèche, comme celle que l’on achète en magasin. Il y a un gros travail explicatif à faire. Nous aimons aussi mettre en avant le fait que nous nous approvisionnons chez des agriculteurs locaux pour les œufs et le lait. »
Bien installés, reconnus localement, le couple indique ne pas chercher à se développer, miser plutôt sur la qualité et le plaisir de se lever le matin pour faire un métier qu’ils aiment.