Sa rencontre avec le levain constitue un point de bascule dans le parcours de Christophe Louie. « C’est un produit vivant, sans artifices. Avec le levain, on n’a pas le droit à l’erreur », explique l’artisan, qui est allé chercher sa souche de levain dur pour panettone en Italie, chez l’un des maîtres du genre, le pâtissier Mauro Morandin. En 2017, ce dernier l’a accueilli en stage dans le cadre de sa reconversion à l’École internationale de la boulangerie, après une première carrière dans l’univers du dessert.
Plus jeune et « passionné de cuisine, je suis entré en école hôtelière où je me suis orienté vers la pâtisserie, par goût du sucré et des gestes techniques propres à ce métier », explique le Parisien. En fin d’apprentissage, il participe à quelques concours et croise la route du futur Meilleur ouvrier de France pâtissier Nicolas Bernardé. Une première rencontre clé — comme il y en aura d’autres par la suite — qui va lui ouvrir des portes.

Il enchaîne ensuite les postes dans de prestigieuses maisons parisiennes, à l’instar du Meurice (Paris, 1er) ou du Jules Verne (Paris, 3e). En 2004, il intègre l’équipe de pâtissiers de La Grande Épicerie de Paris, où il va rester douze ans : « Nous étions assez libres, avec plein de beaux produits à disposition », se souvient l’artisan qui aime déjà à l’époque sublimer les grands classiques, comme le baba ou le flan.
Et d’ajouter : «À force d’artifices et de technologie, on risque de passer à côté de l’essentiel. » Pirouette du destin : son panettone se retrouve aujourd’hui à son tour référencé par cette institution du bien manger parisien, qui vient tout juste de célébrer ses cent ans : une consécration pour son ancien salarié.

Une boutique en ligne
Entre-temps, Christophe Louie s’est formé à la boulangerie, à la suite de sa rencontre avec le regretté Thierry Delabre, alias Panadero Clandestino, qui l’initie comme d’autres avant lui aux subtilités du levain et des blés anciens. Une révélation gustative et sensible pour l’artisan, qui commence à fabriquer des pains à son domicile.
À la même époque, il suit un stage court sur le panettone chez Valrhona. Encore marginale en France, cette fameuse brioche au levain d’origine italienne réunit ses savoir-faire et représente « un challenge en soi ». En 2017, il décide de se spécialiser sur ce « super produit » auprès de Thomas Teffri-Chambelland, fondateur de l’École internationale de boulangerie et référence du genre en France.

Durant sa formation intensive dans l’établissement, il fait une autre rencontre clé avec Guillaume Etlin, alias Bro.bread sur Instagram, son futur associé. Nourri par des stages en Italie et en Espagne, il songe à développer un projet autour du panettone, sans savoir quelle forme lui donner : «J’étais lassé des grosses structures mais j’appréhendais aussi de m’installer : trop de risques, de responsabilités, de management. Et les banques étaient réticentes à m’accompagner», confie l’artisan, qui commence à fabriquer quelques panettones dans un petit laboratoire pour « tester le marché ».


Les retours sont hyper bons, ce qui l’incite à passer la vitesse supérieure en lançant en 2020 la vente de ses panettones via une boutique en ligne et un mini-réseau d’épiceries. Dopé par le bouche-à-oreille et une vidéo de la journaliste Emmanuelle Jary (“C’est meilleur quand c’est bon”), le succès critique et public est immédiat. Rapidement les ventes dépassent ses objectifs et se prolongent au-delà de la période des fêtes. Autant d’arguments qui plaident en faveur de l’ouverture d’un magasin ayant pignon sur rue : un projet concrétisé en septembre 2023, avec la reprise d’un ancien restaurant sur trois niveaux dans le 3e arrondissement de Paris.
Une gamme de pains spéciaux, des viennoiseries...
Si le panettone est la star de la boutique (un mur lui est dédié), pas question de rester sur du monoproduit. « Je voulais aussi proposer une offre de passage pour la clientèle du quartier », préciseChristophe Louie. Conçue avec son associé Guillaume Etlin, une courte gamme de pains spéciaux sur levain naturel et céréales paysannes (campagne, seigle, sportif, petit épeautre, etc.) fait face à une vitrine de produits sucrés : quelques viennoiseries (croissants en forme de tulipe, madeleines à la fleur d’oranger, chaussons aux pommes), des gâteaux de voyage (cakes citron/marbré, financiers) et une jolie collection de pâtisseries boulangères (flans vanille/praliné, choux).
Des basiques parfaitement exécutés, avec des matières premières sourcées (beurre AOP Charentes-Poitou, noisettes du Piémont, amandes des Pouilles, etc.) comme Christophe Louie les affectionne. « Ce sont des produits qui parlent aux gens. Tout est fait du jour. Nous pratiquons très peu la surgélation », commente-t-il. Autant par choix que par manque de place.

À la veille des Fêtes, sa petite équipe met les bouchées doubles pour fabriquer jusqu’à cent panettones par jour, en respectant les process traditionnels (fermentation sur deux jours, refroidissement à l’envers, etc.) dans le laboratoire de 70 m² aménagé sous la boutique. Une production inférieure à la demande. Résultat : des ruptures de stock régulières qui renforcent encore l’attractivité de ce produit d’exception bénéficiant désormais de cartons d’emballage sur mesure, élégants et minimalistes, à l’image de l’artisan et de sa boutique : « À projet atypique, lieu atypique ! » sourit celui qui espère développer prochainement sa gamme salée.