Un aller-retour. Le parcours professionnel de Laurent Robert, dit Lo, a débuté dans les métiers de bouche, pour y revenir une vingtaine d’années plus tard après un crochet par le design et la communication visuelle. Son fil rouge entre ces différents métiers : la créativité, le travail manuel et un goût revendiqué pour le beau (et le bon).
Il commence à travailler très jeune en restauration aux côtés de ses parents. Fasciné par les chefs, il entame un tour d’Europe des bonnes tables ; « plutôt côté service », précise celui qui se souvient avoir d’abord été séduit par la pâtisserie. Mais une opportunité familiale l’amène à œuvrer dans les cuisines d’un restaurant du Berry.

« Je m’amusais avec les produits et les spécialités locales », sourit l’artisan, qui remet alors au goût du jour le coq au vin ou le fameux pâté berrichon. « Cette expérience m’a permis de prendre confiance dans mes capacités de créativité et de management de projet. » Deux qualités qu’il va mettre à profit en se lançant finalement dans des études d’art graphique, d’abord à l’école Brassart de Tours, puis à l’école ETIC à Blois.
Un virage qui le conduit à travailler pendant plus de vingt ans comme directeur artistique à l’international pour des grandes marques de luxe et de cosmétiques : « Un vœu de jeunesse devenu réalité », souligne Laurent Robert. Il fréquente alors de belles maisons de cuisine, au gré de ses voyages et de ses collaborations : « Autant d’occasions d’alimenter mon appétit et de cultiver mon palais. »


Le soutien d’une amie coach
À l’approche de la cinquantaine, sa passion pour les nourritures terrestres le rattrape. « J’ai eu envie de retrouver mon indépendance et les valeurs fondamentales de l’alimentation, dont le pain est le socle », pointe l’homme, qui n’a jamais arrêté de cuisiner, fasciné par « l’alchimie culinaire ».
Un bilan de compétences vient confirmer son appétence pour les métiers de bouche. En 2013, Laurent Robert entame sa reconversion boulangère. Pour professionnaliser sa pratique et préparer le CAP — « un sésame pour la suite » —, il choisit Ferrandi, « une école de référence, avec un encadrement par des Meilleurs ouvriers de France et des chefs ». S’ensuivent sept mois de formation intensive, ponctués de stages chez des boulangers travaillant au levain naturel.

Dans le même temps, il construit son futur business model avec le soutien d’une amie coach. « Son regard objectif et concis m’a aidé à concrétiser mon projet d’entrepreneuriat, avec une vraie réflexion de fond. Nos échanges m’ont permis de mettre en place un canevas de développement très précis, avec une liste de démarches à effectuer étape par étape, en matière de financement, d’approvisionnement, de gamme, de management, etc. »
Des gestes ancestraux
Le leitmotiv de sa future entreprise : « Faire redécouvrir à travers les farines anciennes les vraies valeurs du pain », en sublimant des produits simples, de saison, sourcés en circuits courts et transformés par des gestes ancestraux.
CAP en poche, il crée Le Fournil de Lo en 2015 à Marray, un village situés à 35 km au nord de Tours. Il se fait la main sur un vieux four à bois et commercialise ses produits sur les marchés, « une activité physiquement difficile ». En parallèle, il continue à se former auprès d’autres artisans, comme Jacques Mahou, pionnier du retour à la tradition, en Indre-et-Loire.

Une fois sa technique et sa gamme peaufinées, il passe la vitesse supérieure en reprenant une boulangerie d’angle, « en jachère depuis dix ans », dans un quartier à proximité immédiate du centre et des Halles de Tours.
Murs en pierres de tuffeau et poutres rouges au plafond, l’atmosphère du lieu est à l’image des produits : authentique. La gamme compte une quinzaine de pains (campagne, tourte céréales, complet, pain danois au porridge de graines, benoîton aux raisins et graines de carvi, etc.), avec différents levains suivant les références. Le petit épeautre (hydraté à 110 % pour une meilleure conservation) a le sien, tout comme les pains sans gluten (riz ou sarrasin-châtaigne) au levain de riz.

Pour les farines, la boulangerie travaille avec trois meuniers, dont deux locaux (La Ferme de Vaumorin et Vincent Raffault), plus Chambelland pour les farines de riz et de châtaigne. La boulangerie propose également des viennoiseries au beurre de baratte, des brioches (feuilletées, aromatisées, au pur levain) et des gâteaux de voyage (cakes, stollen et pain d’épice au levain de miel à Noël).
Présent sur tous les fronts, Laurent Robert signe en prime des pâtisseries joliment troussées (flan pâtissier, tarte Tatin, forêt-noire), quelques tourtes, quiches et pizzas traiteur aux produits frais, et une belle collection de biscuits secs (croquants aux noisettes, speculoos, sablés, amaretti, macarons traditionnels, etc.), rangés dans des bocaux en verre façon bonbonnières. Son credo : « Du classique mais du bon. »


Au Fournil de Lo, la production se fait de l’aube au début de l’après-midi, pour partie dans l’espace dédié à la vente. D’où des horaires d’ouverture atypiques, de 15 heures à 19 h 30 trois jours par semaine, et de 8 heures à 13 h 30 le mercredi, jour de marché. « Au départ, ce concept d’atelier-boutique a étonné la clientèle et les gens ont fini par prendre le pli », sourit l’artisan, qui organise ponctuellement des ateliers de panification au levain et voit sa boulangerie comme « un lieu de création de lien social ». Et pourquoi pas de vocations, pour reprendre le flambeau !