Alors qu’il passe le cap de la quarantaine, Cédric Arsac plaque tout. C’était il y a dix ans. Auvergnat d’origine, arrivé à Paris à 24 ans après un bac + 5 en marketing pour réaliser un stage chez Cofinoga, Cédric Arsac n’est jamais reparti de la capitale. Après un parcours classique en banque, il décide de changer de vie. « J’étais devenu un vrai Parisien, je me déplaçais à vélo, j’attendais mes jours de RTT pour partir prendre l’air. Mais arrivé à 40 ans, j’ai eu envie d’autre chose, et j’ai demandé à ma patronne de l’époque de m’octroyer un congé sabbatique de trois mois », raconte-t-il. Sportif depuis toujours, Cédric Arsac profite de ce temps libre pour s’entraîner et préparer l’épreuve d’endurance de l’Ironman à Nice. Son exploit terminé, le père de famille n’a plus le cœur à reprendre le chemin de la banque. Nous sommes en 2013 et le futur chef d’entreprise prend son destin en main.
« Du fait maison sans fioritures »
« Enfant, j’étais vraiment un fan de pain. Après chaque repas, j’en mangeais un morceau. J’avais découvert près de chez moi celui du Meilleur ouvrier de France Pierre Nury, à la cuisson marquée et avec beaucoup de caractère. » Curieux et ouvert, Cédric Arsac tente le coup et envoie un courrier à Benoît Maeder, boulanger dans le 15e arrondissement de la capitale, dans l’espoir de pouvoir venir quelques jours en observation dans sa boulangerie alsacienne. Après trois jours sur place, il le sait : il fera de la boulangerie son métier.

S’ensuit un parcours classique de reconverti : négociation d’une rupture conventionnelle, étude et création d’un business plan, obtention de deux CAP en boulangerie et en pâtisserie, sans oublier les stages professionnels en immersion. « Le 2 juin 2015 a été une journée déterminante pour moi. Le matin, je passais mon examen final d’obtention du CAP pâtisserie et l’après-midi j’étais chez l’avocat pour signer l’acquisition de mon premier fonds de commerce. » Lorette était née. La première boulangerie s’installe dans le quartier de la Butte-aux-Cailles, à Paris (13e).
« Initialement, la première affaire dont nous sommes tombés amoureux avec mon épouse était à côté de la rue Notre-Dame-de-Lorette, dans le 9e — d’où le nom de l’enseigne —, mais elle nous est passée sous le nez. Peu de temps après, nous avons trouvé cette boutique à reprendre dans le 13e arrondissement et nous nous sommes rapidement lancés. » Rue de la Butte-aux-Cailles, le boulanger précédent a déjà une clientèle mais le lieu nécessite un rafraîchissement. « Je cherchais quelque chose d’assez important, d’au moins six cent mille euros de chiffre d’affaires [CA], un bon emplacement et une boulangerie bien installée mais pas trop. » Celle-ci cochait toutes les cases.
Le jeune chef d’entreprise investit 1 M€ et ouvre en octobre 2015 sa boutique de 200 m2. Malgré des débuts difficiles, le CA progresse rapidement. Après quatre mois d’exercice, Cédric Arsac entame des travaux pour remettre la boutique à neuf et enlever les produits industriels. Ici, ce sera uniquement du fait maison, sans fioritures. « Mon objectif a tout de suite été de créer une bonne boulangerie de quartier avec un bon rapport qualité-prix. »

Deux ans plus tard, la vente d’une boulangerie à proximité accélère les projets de développement de Lorette. En 2017, Cédric Arsac achète sa deuxième affaire à quelques encablures de la première, au croisement de la rue Bobillot, accès rue de Pouy. « Au départ, je rachète pour tuer la concurrence dans l’œuf. Mais c’est aussi par facilité et proximité géographique. » Rapidement, le patron met en place au sous-sol de la boutique un laboratoire dédié à la viennoiserie.
Et de quatre !
Une autre étape attend le néoboulanger : l’acquisition d’un troisième espace. En 2019, alors qu’il cherche un fonds de commerce sur la rive gauche parisienne, Cédric Arsac tombe sous le charme d’une boulangerie historique au 1 rue de Vouillé, dans le 15e arrondissement. Ici, comme dans le 13e, le patron n’a pas la volonté de surfer sur la tendance. « Je m’en veux parfois de ne pas suivre les tendances mais je suis agacé de voir tout le monde sortir les mêmes produits à la mode », explique-t-il. Chez Lorette, les recettes sont classiques, on y retrouve pains au chocolat, croissants et brioches ; éclairs, flans et tartelettes. Chaque saison, les recettes d’un pain, d’un éclair et d’une viennoiserie changent.

Dès ses débuts, Cédric Arsac avait la volonté de créer un réseau de boulangeries. Il avait pour projet d’en acquérir trois ou quatre en dix ans. Avec la récente ouverture de la boutique de la rue des plantes, à Paris (14e), qui se double d’un laboratoire de pâtisserie, son objectif est atteint. Mais pas de quoi prendre sa retraite anticipée comme il le prévoyait à ses débuts. Depuis, son fils Philippe l’a rejoint dans l’aventure et sa fille — qui suit des études de gestion — projette de faire de même. De quoi rassurer le chef d’entreprise sur la transmission future de son “troisième bébé”.
À l’avenir, Cedric Arsac prévoit des travaux dans son commerce rue de la Butte-aux-Cailles, la mise en place d’un espace traiteur dans celui de la rue Vouillé, la création d’une cellule administrative pour gérer les 64 employés de sa société avant de penser à l’ouverture d’une cinquième boutique. Un avenir prometteur pour cette belle affaire de famille, qui fait du fait maison son credo et de la convivialité sa raison d’être.