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Me Laurent Verdier répond aux questions des professionnels du secteur.
Me Laurent Verdier répond aux questions des professionnels du secteur.

Quels risques vais-je courir en cas de nuisances olfactives dénoncées par ma voisine ?

Question de Jade C. (Paris) : Une voisine se plaint d’odeurs qui proviendraient de mon fonds de commerce. J’ai pourtant un bail de boulangerie-pâtisserie et le précédent exploitant n’a jamais eu de problèmes avec sa boulangerie. Des paninis seraient à l’origine des odeurs, ce dont elle est seule à se plaindre. La voisine peut-elle me poser des problèmes ? Mon bail commercial ne prévoit pas précisément cette activité ; suis-je en faute en réchauffant des paninis ?

La réponse de Me Laurent Verdier

Chère Madame,

Une boulangerie ou un restaurant peuvent causer des nuisances sonores ou olfactives considérées dans certains cas comme un trouble anormal de voisinage. Il est qualifié ainsi quand le dommage causé à un voisin (bruit, fumées, odeurs, etc.) excède les inconvénients ordinaires du voisinage. Cela oblige l’auteur du trouble à mettre un terme à celui-ci et à dédommager la victime, quand bien même ce trouble serait lié à une activité licite et qu’aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause. Il n’existe pas de définition légale du seuil à partir duquel on peut considérer une nuisance comme un trouble anormal de voisinage. Les juges apprécient donc au cas par cas si la nuisance présente un caractère excessif en fonction d’un faisceau d’indices tels que son intensité, sa fréquence, sa durée, l’environnement et la réglementation en vigueur.

La jurisprudence a déjà considéré que les fortes odeurs de levure ou de pain brûlé provenant d’une boulangerie et du vide-ordures afférent constituent un trouble de voisinage (cour d’appel de Colmar, chambre civile, 29 avril 2010).

Il faut être vigilant toutefois, car l’existence d’un trouble anormal de voisinage a peu de chance d’être reconnue si :

- la voisine est venue s’installer à proximité d’une entreprise déjà existante, susceptible de produire des mauvaises odeurs (l’analyse diffère si les odeurs ont toujours existé, et ce avant son emménagement, ou si elles proviennent d’une nouvelle activité) ;

- si les émanations d’odeurs ont lieu dans un milieu urbain, ou dans une rue très commerçante, elles pourront être tolérées ;

- si une seule personne s’en plaint (surtout lorsque les installations d’extraction sont aux normes).

Quels risques vis-à-vis de la voisine ?

Le règlement sanitaire de votre département contient des mesures encadrant la production de nuisances olfactives. Vtre voisine pourrait contacter le service communal d’hygiène et de santé de votre mairie afin qu’un contrôle sanitaire soit réalisé et que la conformité de vos installations d’extraction d’air soit vérifiée. Elle pourrait aussi initier une action en justice. Il convient de noter que c’est à elle de démontrer la réalité et l’anormalité du trouble (par constat d’huissier, par des attestations de voisins...). Si un trouble anormal de voisinage est constaté, le juge pourra vous ordonner de prendre des mesures propres à faire cesser le trouble (par exemple des travaux) et/ou vous condamner au versement de dommages et intérêts.

Quid du bail commercial ?

Par ailleurs, il convient de savoir si votre bailleur peut aussi être condamné solidairement pour les nuisances. Il ressort de la jurisprudence que le propriétaire d’un local de restauration est tenu au respect d’une obligation particulière de délivrance de la chose louée envers son locataire restaurateur, à savoir, installer un système de traitement de l’air pollué et d’extraction des odeurs dans les cuisines (cour d’appel de Paris, 27 janvier 2016, n° 13/24311). Concrètement, le bailleur pourrait être tenu d’effectuer des travaux d’extraction pour mettre aux normes la boulangerie. Le locataire peut en effet se retourner contre lui, en dénonçant le fait qu’il lui fournit des locaux qui ne lui permettent pas d’exercer l’activité mentionnée dans le bail. Les activités accessoires, considérées comme étant implicitement incluses dans la destination contractuelle du bail, ne nécessitent pas de procédure spécifique auprès du bailleur, par opposition aux activités connexes et complémentaires.

L’interprétation des clauses de destination relève de l’appréciation du juge. La vente de quiches, sandwichs, croque-monsieur ou pizzas est considérée comme une activité accessoire à la boulangerie-pâtisserie, selon une jurisprudence constante.

Vous pouvez librement vendre des paninis mais la situation pourrait être plus complexe s’il s’avère que cette nouvelle activité impose des travaux de mise aux normes. Nous ne disposons pas de position fixe des juges permettant d’affirmer que le bailleur serait systématiquement tenu aux travaux liés à l’ajout d’une activité accessoire.

Mon conseil :

La première et la meilleure solution est un règlement à l’amiable de la situation. Entamez le dialogue avec votre voisine. En tant que locataire d’un fonds de commerce, faites vérifier vos installations après une plainte du voisinage. En cas de litige, les juges tiendront compte notamment de vos efforts pour proposer des solutions de nature à mettre fin aux nuisances tout en vous permettant de continuer votre exploitation.

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