« Je suis ressortie différente de cette expérience. Il y avait des variétés de saveurs qui ouvrent un vaste champ des possibles », se félicite Kaïtan, étudiante à l’Ineopole de Brens (Tarn). Comme elle, cinq autres futurs paysans-boulangers ont participé à une expérience particulière, dans le cadre du projet européen IntercropVALUES. Concrètement, ils ont confectionné des pains à partir de farines singulières, intégrant 90 % de blé et 10 % de légumineuses.
« On s’est dit qu’on pourrait tester cinq mélanges : blé-féverole, blé-lentille verte, blé-lentille corail, blé-gesse — ou pois carré — et blé-pois chiche », résume Fanny Raoux, ingénieure de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), en charge de ce projet.

Ces farines ont toutes été panifiées avec le même process, pour donner à la fois des pains moulés et non moulés. Fabrication et dégustation ont été réalisées à l’aveugle. « Il n’y en avait aucune qui était impossible à panifier et tous les pains ont bien gonflé, étaient assez jolis », analyse Lucas, un étudiant.
Côté goût, « les différences étaient subtiles », reprend Jean-Alexis. On peut toutefois dire que le pain à la farine de pois chiche a eu son petit effet, avec son goût « de houmous ». Les pains aux lentilles avaient un « goût poivré, épicé », résume Fanny Raoux. Celui à la gesse a fait la quasi-unanimité contre lui, du fait de sa saveur « rance ». Enfin, « la féverole est neutre en goût, indique la chercheuse. En revanche, elle a tendance à blanchir la farine, ce qui peut avoir un intérêt pour les boulangers. » La lentille corail, elle, donne des tons rosés à la farine et une « couleur légèrement saumoné au pain », détaille Alexandra, étudiante paysanne-boulangère.
Prochaines étapes du projet IntercropVALUES : analyser la mouture concomitante et la valeur nutritionnelle des pains
Désormais, d’autres boulangers et transformateurs « avec d’autres savoir-faire et d’autres équipements, vont être associés au projet pour voir si les résultats sont comparables », poursuit la chercheuse*. D’autres chercheurs se penchent sur la mouture de ces farines, même si l’expérience tarnaise semble prouver qu' « un agriculteur arrive à moudre ensemble du blé et environ dix pour cent de pois chiches. »
Il s’agit aussi de convaincre davantage de consommateurs et de transformateurs, en mesurant leurs attentes, et en confirmant — ou non — l’hypothèse que les pains issus de ces farines ont de meilleures qualités nutritionnelles. Autant d’arguments permettant, in fine, d’inciter les agriculteurs à associer les cultures (c’est-à-dire en faire pousser deux en même temps dans le même champ), ce qui est l’objectif du projet européen.
En effet, ces cultures concomitantes sont notamment favorables aux légumineuses, lesquelles ont des intérêts agronomiques : « Elles captent l’azote de l’air et sont donc utilisées dans des systèmes à bas niveaux d’intrants », détaille la chercheuse. Oui, mais quand une légumineuse pousse avec un blé, ils sont difficiles et coûteux à séparer… d’où l’intérêt de chercher un marché de farines mélangeant les deux cultures !
* Les professionnels intéressés pour rejoindre ce groupe occitan peuvent joindre Fanny Raoux : fanny.raoux@inrae.fr