Gestion et droit

De Arnaud B. (Nord) « Un point chaud porte presque le même nom que ma boulangerie. Est-ce légal ? »

La question : « J'ai créé une boulangerie-pâtisserie qui porte le nom « Le Quotidien ». L'année dernière, un point chaud est venu s'installer dans ma commune, portant le nom « Au Quotidien ». Ce point chaud, installé dans une ancienne boulangerie, a d'ailleurs gardé sur sa façade l'enseigne « artisan boulanger ». Quels sont mes droits ? »  

La réponse de Me Verdier

Vous avez un droit sur votre nom commercial si vous êtes le premier à l'utiliser et pourvu que le nom commercial soit public, visible et continu.

? L'action en concurrence déloyale (nouvel article 1240 du Code civil) permet de vous protéger si un commerce concurrent vient utiliser un nom commercial semblable au vôtre. Vous devrez alors prouver : > L'antériorité de l'usage de votre nom, ce qui n'est pas di ffcile ici puisque votre concurrent s'est installé après vous (un kbis suffit souvent, ou votre acte d'achat par exemple) ; > Un risque de confusion à propos de l'activité commerciale : en principe, le titulaire d'un nom commercial ne peut en interdire l'usage pour des activités di fférentes. Par exemple, il a été jugé que pouvait utiliser la même dénomination un institut spécialisé dans l'épilation électrique et une revue périodique qui avait pour dénomination « Science et beauté » (Cass. com., 8 juin 1955 : Bull. civ. III n° 206). Dans votre cas, la di fficulté est qu'un point chaud ne constitue pas exactement la même activité que celle de boulangerie-pâtisserie. Toutefois, l'utilisation d'une même dénomination est refusée lorsque les entreprises intéressées, bien que n'ayant pas le même objet, s'adressent à une même clientèle. A mon avis, il ne fait pas de doute que le nouveau point chaud commercialise des produits identiques aux vôtres et vise la même clientèle. > Un conflit entre le rayonnement géographique des activités commerciales : le nom n'est protégé que dans les limites géographiques de la notoriété qu'il a pu acquérir. Pour un petit commerce, cette protection est donc généralement limitée à la ville, voire au quartier dans lequel il est établi. Attention, dans une ville importante, deux établissements installés dans des quartiers distincts et s'adressant à des clientèles di fférentes peuvent avoir des enseignes semblables (CA Colmar, 13 janv. 1950 : RTD com. 1951, p. 295). En ce qui vous concerne, tout dépend donc de la taille de votre commune et de la notoriété que vous avez pu y établir. Si vous exercez dans une petite commune, il y a de fortes chances pour que votre boulangerie-pâtisserie y soit connue et que la confusion avec un nom semblable soit réelle. Dans une grande ville, il faut démontrer que la boulangerie-pâtisserie bénéficie d'une renommée à l'extérieur de son quartier ; > Un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle : la reconnaissance d'une possibilité de confusion entre deux dénominations est une question qui relève entièrement de l'appréciation des juges. Par exemple, les appellations suivantes ont été considérées comme des actes de concurrence déloyale : - « Galeries Layettes », imitation de « Galeries Lafayette » (CA Aix, 5 nov. 1927 : Ann. 1928, 167) ; - « A la Duchesse Anne », imitation de « La Duchesse de Bretagne » (CA Rennes, 14 mars 1928 : Ann. 1928, 341).

Les noms commerciaux n'ont pas besoin d'être strictement identiques. La jurisprudence sanctionne la société dès lors qu'elle exerce dans un même lieu, la même activité et que la dénomination ou le nom est approchant (Cass ch. Com. 10 mai 2006 n° 05-15832). La confusion s'apprécie au regard des syllabes employées mais également de la dimension phonique (son produit) des dénominations.

En ce qui vous concerne, il ne fait pas de doute que « Le quotidien » et « Au quotidien » soient des noms très semblables.

? Comment faire pour cesser le trouble ? : Vous pouvez obtenir du juge une injonction à l'encontre de la deuxième société de faire changer son nom commercial ou son enseigne. Vous pourrez aussi obtenir des dommages et intérêts mais il faudra démontrer la captation de la clientèle et un préjudice financier, notamment une perte de chi ffre d'a ffaires. Cela implique de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité. Par ailleurs et concernant l'activité même de boulangerie, il faut savoir que l'article L 121-80 du Code de la consommation interdit l'appellation de « boulanger » et l'enseigne commerciale de « boulangerie » aux professionnels qui n'assurent pas eux-mêmes la fabrication du pain. Cela constitue pour vous un argument supplémentaire afin de démontrer que le nom commercial du nouveau point chaud conduit la clientèle à penser que vous avez ouvert un second établissement, au mépris du droit de la consommation.

Le conseil Pour intenter une action en concurrence déloyale contre le nouveau point chaud, vous devez avoir des activités similaires et être géographiquement concurrents. Ensuite, si ces deux conditions sont réunies, vous devrez rapporter la preuve que la clientèle se dirige par erreur chez votre concurrent et que ce dernier bénéficie indument de votre notoriété. Pour cela, vous pouvez rapporter plusieurs éléments : Votre boulangerie-pâtisserie est-elle particulièrement reconnue dans le secteur ? À combien de mètres s'est implanté le commerce concurrent ? Avez-vous eu des médailles pour votre activité ? Votre commerce a-t-il été déjà cité dans les médias ou des publications de votre ville ?

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