La réponse de Me Verdier
La destination contractuelle telle qu'elle est prévue dans le bail n'est pas figée et le locataire peut, sous certaines conditions, étendre ou modifier l'activité autorisée. Il convient de distinguer : • Les activités connexes et complémentaires à celles que vous exercez déjà. Sont connexes celles qui ont un rapport étroit avec l'activité, et complémentaires, celles qui sont nécessaires à un meilleur exercice de l'activité principale. Dans ces deux cas, vous devez suivre une procédure spéciale dite de déspécialisation (article L. 145-47 du Code de commerce).
• Les activités accessoires considérées comme étant implicitement incluses dans la destination contractuelle du bail du fait notamment de l'évolution des usages ou encore du caractère désuet de l'activité expressément mentionnée au bail. Dans ce cas-là, le locataire n'a pas à suivre la procédure de déspécialisation ci-dessus, c'est-à-dire que vous n'avez pas à en informer votre bailleur. L'interprétation des clauses de destination relève du pouvoir souverain d'appréciation des tribunaux. Les solutions adoptées se font au cas par cas, en fonction des usages et des besoins de la clientèle sur place.
Que dit aujourd'hui la jurisprudence ? Il semble acquis, par une jurisprudence ancienne, que le locataire autorisé à exploiter un commerce de boulangerie-pâtisserie peut, à titre accessoire, vendre : • des sandwichs (CA Versailles, 17 février 1994 ; Cass. 3e civ, 3 avril 1996, n°94-13789), • des quiches, croque-monsieur, croissants au jambon, pizzas (CA Versailles, 16 février, 1995). Vous n'avez pas besoin, dans ce cas, d'en informer votre bailleur. Il en va de même en ce qui concerne la vente de boissons non alcoolisées. En effet, celle-ci est considérée comme inhérente à la conception moderne d'une boulangerie-pâtisserie (répond aux usages commerciaux et aux exigences actuelles de la clientèle et nécessaire à la survie du commerce de proximité). Vous pouvez donc exercer ces activités librement.
En revanche, la jurisprudence a considéré que : • Les activités de salon de thé et la consommation sur place ne sauraient être qualifiées ni d'activité connexe, ni d'activité complémentaire à celle de la boulangerie-pâtisserie. En effet, de nombreux aménagements sont nécessaires à la consommation sur place, alors que la destination d'une boulangerie-pâtisserie prévue dans le bail concerne exclusivement la consommation à emporter (CA Rennes, Ch.02. commerciale, 22 octobre 2008) ; • Plus récemment, la Cour de cassation a considéré que l'activité de dégustation sur place des produits à la vente, non prévue dans la destination contractuelle initiale de « boulangerie, pâtisserie, confiserie, glaces, produits cuisinés, comestibles » caractérisait une modification de la destination des lieux justifiant le déplafonnement du prix du bail renouvelé (Cass. 3e civ, 5 février 2013, n°11-28.829). L'activité de boulangerie-pâtisserie ne saurait donc inclure l'activité de consommation sur place. A noter qu'à ce jour, nous n'avons pas trouvé de jurisprudence homogène concernant les plats chauds types « traiteur » à emporter. En conséquence, en dehors de l'activité de snack en vente à emporter, il convient d'être prudent et de suivre la procédure de déspécialisation partielle prévue pour les nouvelles activités connexes ou complémentaires à l'activité initiale (Article L.145-47 du Code de commerce), même si le bailleur tolère déjà que vous exerciez l'une de ces activités. À défaut de respecter cette procédure de déspécialisation, vous vous exposez à la résiliation du bail ou à un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.
En quoi consiste cette procédure ? • Vous devez notifier à votre propriétaire, par acte d'huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception, votre intention d'entreprendre ces activités. La notification fait courir un délai de deux mois pendant lequel le bailleur peut manifester son désaccord. À défaut, il est déchu du droit d'élever des contestations et vous pouvez donc procéder à l'adjonction envisagée (Cass.3e, 1er mars 1995, n°93- 16.062). Si, au cours des deux mois, le bailleur conteste le caractère connexe ou complémentaire des activités nouvelles, vous pouvez saisir le Tribunal de Grande Instance. Vous devrez attendre l'issue de l'action pour adjoindre les nouvelles activités (Cass.3e civ, 28 mai 2003, n°02-11.155). A cet égard, le bailleur ne peut s'opposer à l'extension projetée qu'en invoquant l'absence de caractère connexe ou complémentaire de ces activités, à l'exclusion de tout autre motif (existence d'une clause de non-concurrence ou d'un motif grave et légitime). • Enfin, le bailleur pourra demander une modification du prix du loyer en échange de l'avantage procuré si les nouvelles activités entraînent une modification de la valeur locative des lieux loués. Il faut que celles-ci soient suffisamment importantes par rapport aux activités initiales. Dans ce contexte, et par dérogation à la règle du plafonnement du loyer révisé, le loyer est fixé à la valeur locative. La révision du loyer ne pourra avoir lieu qu'à l'occasion de la première révision triennale (Article L.145-47 Code de commerce, alinéa 3).
Le conseilAvant d'entreprendre toute nouvelle activité, les locataires doivent se renseigner auprès de leur avocat et informer le bailleur (conformément à la procédure de déspécialisation partielle) de leur intention d'exercer une activité nouvelle, même si celle-ci leur semble liée au commerce autorisé dans le bail.