La réponse de Me Verdier
L'organisation des congés relève du pouvoir de direction de l'employeur. Bien entendu, en pratique, lorsque l'organisation de l'entreprise le permet, il est tenu compte des attentes des salariés. Aucun texte n'impose, ni n'interdit à l'employeur de donner à ses salariés leurs congés simultanément en fermant l'établissement, à condition de respecter les délais de prévenance et d'accomplir certaines démarches. Selon la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976 : « Les dates de congés doivent être communiquées au personnel au moins 2 mois avant l'ouverture de la période ordinaire des vacances. Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l'ordre et les dates fixés par l'employeur ne peuvent être modifiés dans le délai de 1 mois avant la date prévue du départ. »
La convention collective reprend en réalité les règles prévues par le Code du travail.
? Vous pouvez décider que tous vos salariés prendront leurs congés en même temps au moment de la fermeture de l'entreprise. Mais, si jamais vous en décidiez autrement et deviez fixer un ordre des départs entre vos différents salariés, les critères à prendre en compte sont les suivants : - Situation de famille des bénéficiaires (notamment les possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, de l'époux(se) ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie), - durée de service chez l'employeur, - activité chez un ou plusieurs autres employeurs. En outre, il faut savoir que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant au sein de la même entreprise ont droit à un congé simultané.
? Vous n'avez pas à recueillir l'accord individuel de votre salarié mais vous êtes tenu de l'informer au minimum deux mois avant l'ouverture de la période de congés payés (Art. D.3141-5 du Code du travail). Vous avez par ailleurs le droit de modifier les congés payés jusqu'à un mois avant la date de départ fixée (Art. L. 3141-16 du Code du travail).
Si l'employeur ne respecte pas ces délais, il peut être condamné à verser des dommages- intérêts au salarié en réparation du préjudice subi. Ce n'est qu'en cas de « circonstances exceptionnelles », qu'il peut modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date prévue (Art. L. 3141-16 du Code du travail). La notion de « circonstances exceptionnelles » a été précisée par la jurisprudence. Il s'agit de cas mettant en péril la bonne marche de l'entreprise. Par exemple :- Quand l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement (Cass. soc. 24 nov. 1998, Jurispr. soc. UIMM 1999-122). - Lorsqu'une société a l'obligation de déposer dans un certain délai un plan d'apurement du passif (Crim. 21 nov. 1995 : RJS 1996.247, n°413). - Ou encore, en cas de nécessité de remplacement d'un salarié brutalement décédé (Cass.soc, 15 mai 2008, n° 06-44354). Attention, toutefois, les circonstances exceptionnelles visées par l'article L.3141- 16 du Code du travail ne concernent que la modification des dates de congés déjà fixées. L'employeur ne peut donc pas se prévaloir de ce texte pour justifier la brusque mise en congés de ses salariés alors qu'il n'avait préalablement fixé aucune date.
? Que se passe–t-il lorsque le salarié n'a pas acquis assez de congés pour couvrir la durée de fermeture annuelle ? Si l'entreprise ferme ses portes en juillet, et que votre salarié n'a pas acquis tous ses droits aux congés payés, vous n'avez aucune autre obligation que celle de lui verser sa quote-part de congés payés en fonction du temps de travail effectif passé dans l'entreprise. Il est toutefois intéressant de l'informer qu'il peut prétendre à une aide financière pour congés non payés versée par Pôle emploi. Elle est ouverte au salarié qui percevait, avant sa reprise d'emploi, l'aide de retour à l'emploi (ARE) ou l'allocation de solidarité spécifique (ASS). S'il ne peut en bénéficier, le salarié peut demander à utiliser ses congés payés par anticipation, mais l'employeur n'est pas obligé d'accepter.
? De son côté, le salarié doit impérativement respecter les dates de départ en congés régulièrement fixées par l'employeur. A défaut, il s'expose à une sanction disciplinaire. En effet, le fait pour un salarié de partir en congés malgré la non validation de ses dates ou par anticipation (Cass Soc, 31/10/89, n°87-40196), de revenir avec un retard non justifié (Cass soc, 10 mars 2004, n° 01-44941) est un abandon de poste pouvant faire l'objet d'une sanction allant jusqu'au licenciement pour faute grave. La gravité dépendra des circonstances encadrant ce non-retour ou ce départ anticipé, ainsi que de la situation de l'entreprise et des conséquences qui en découlent. Attention : Ni le départ prématuré, ni le retour tardif du salarié ne peut à lui seul établir sa volonté claire et non équivoque de démissionner. L'employeur qui veut rompre le contrat de travail doit respecter la procédure de licenciement (Cass. soc. 27 avr. 1989, Bull. civ. V, no 310).